
Un rapport du Sénat demande de ne pas unifier les réserves des caisses de retraite

La création d’un système universel des retraites signifierait une mutualisation des réserves des régimes de retraite de base et complémentaire dans un pot commun. Cette préconisation du rapport Delevoye, considérée à l’époque par les caisses de retraites comme un "hold-up", est également critiquée par René-Paul Savary (LR, Marne) et Monique Lubin (SER, Landes), après leur mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale sur les réserves des régimes de retraite. La mutualisation des 152,4 milliards d’euros de réserves (à fin 2020) est « une option difficilement envisageable sur les plans juridique et moral », jugent les sénateurs. Ils voient une atteinte aux droits liés à la gestion des branches transférées et une atteinte à la propriété des affiliés qui ont constitué des réserves « au prix d’une sur-cotisation ».
Limiter l’usage des réserves à la préservation des équilibres
Les Sénateurs estiment que la priorité va aujourd’hui à la reconstitution des réserves, abimées par la crise économique et sanitaire, et à la résorption des déficits. Le total des réserves s’élève à 152,4 milliards d’euros (en valeur de marché, à fin 2019) et à 179 milliards en comptant les réserves du FRR (Fonds de Réserve pour les Retraites) corrigées des décaissements à prévoir pour la reprise de la « dette retraite » de la Cades jusqu’en 2033 (soit 13 milliards à verser). Les Sénateurs s’inquiètent d’une baisse de 17,8 milliards de la situation patrimoniale nette du système de retraite (-10%) pendant la crise.
« La situation de certaines caisses de retraite, notamment la caisse des agents des collectivités locales (CNRACL), qui a épuisé ses réserves en 2020 et dont les fonds propres sont entrés en territoire négatif, est particulièrement préoccupante », alertent les rapporteurs. Quant au régime général qui ne dispose pas de réserves, son déficit s’est largement dégradé du fait de la contraction de la masse salariale et des moindres cotisations.
Les Sénateurs rappellent que les régimes complémentaires possèdent la quasi-totalité des réserves du système de retraite. Seuls deux régimes de retraite de base (avocats et libéraux) et trois régimes intégrés (agents des collectivités locales, clercs de notaires et personnels de la SNCF) détiennent des réserves.
Abonder le FRR des recettes exceptionnelles de l’Etat
« L’expérience de la crise sanitaire doit inviter les caisses de retraite à reconstituer les niveaux de réserves nécessaires à la couverture de leurs engagements futurs, sans pour autant faire reposer sur elles la couverture des besoins de liquidité, les cessions d’actifs en période de conjoncture dégradée présentant un fort coût d’opportunité », recommandent les rapporteurs. Ces derniers poussent les caisses qui disposent marges de manœuvre « à élargir la part des actifs de performance dans le total des actifs qu’elles détiennent ».
Le FRR a été fortement mis à contribution pendant la crise, en étant ponctionné de plus de 7 milliards d'euros. Les Sénateurs souhaitent qu'il puisse retrouver sa vocation première, soit « faire fructifier ses ressources (recettes de privatisations, recettes fiscales et excédents du régime général, ndlr) en vue d’assurer le financement de la « bosse démographique » à partir de 2020 ». Mais depuis 2011, le FRR rembourse la dette sociale née des déficits successifs de la branche vieillesse du régime général, notamment après la crise financière de 2008. « Compte tenu des prélèvements à intervenir, le FRR ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour absorber le choc démographique en cours », regrettent les Sénateurs qui préconisent « d’abonder le Fonds à partir des recettes exceptionnelles qui pourraient être perçues par l’État à l’avenir ».