Allemagne

Un fléchissement global contrastant avec un tissu industriel robuste

Après avoir retrouvé le chemin de la croissance en 2010, l’économie et la Bourse allemandes sont soumises à l’épreuve du ralentissement européen - Les entreprises du pays continuent toutefois d’afficher une bonne santé financière et présentent donc des valorisations intéressantes.

Frappée par la crise de 2008 à l’instar de ses voisins européens, l’Allemagne a néanmoins été le seul pays de la zone euro à retrouver son niveau de produit intérieur brut (PIB) par habitant d’avant-crise à la mi-2011. Le PIB s’est en effet bien redressé en 2010 avec une progression annuelle de 3,6 % - après une récession de 4,7 % l’année précédente - grâce à un plan de relance budgétaire mis en place dès 2009.

Cependant, dans un contexte où la crise des dettes souveraines s’est diffusée au reste de l’économie, ladite « locomotive de l’Europe » a commencé à montrer des signes de ralentissement de l’activité au second semestre 2011. La vigueur du marché domestique a tout de même permis à l’économie allemande de terminer l’année 2011 sur une croissance remarquable de 3,1 %, alors que la moyenne de la zone euro se situait à 1,6 % (lire le tableau).

Pour 2012, bien que les prévisions macroéconomiques outre-Rhin continuent de dépasser les perspectives de l’ensemble de la zone euro, les principaux agrégats allemands sont attendus en nette baisse, d’où une croissance annuelle prévue seulement en très légère hausse à 0,5 %, selon le Crédit Agricole.

Dégradation conjoncturelle.

Une large part de la croissance allemande de 2011 a été réalisée au cours du premier semestre. Très tournée vers l’extérieur, et notamment vers les pays de la zone euro, ses premiers partenaires commerciaux qui représentent 40 % de ses échanges, l’Allemagne a été affectée par le ralentissement général de l’activité dans la région après l’été 2011. Le recul de la demande européenne s’est traduit par un coup de frein sur la production industrielle outre-Rhin et un mouvement de déstockage en fin d’année. Cependant, la demande des pays émergents étant restée soutenue l’année dernière, les exportations nettes ont tout de même contribué à hauteur de 1 % à la croissance allemande.

Contraction temporaire.

L’Allemagne devrait, cependant, éviter la récession en 2012 en limitant le recul de son PIB à -0,1 % au premier trimestre. Les indicateurs avancés se sont en effet repris depuis novembre. D’après la publication du Crédit Agricole « Perspectives hebdo » de la semaine du 23 au 27 janvier, l’indice IFO du climat des affaires pour l’industrie allemande, indicateur le plus suivi des économistes, est remonté en janvier pour le troisième mois consécutif à 108,3 points - loin du niveau des 100 points signalant un retournement de l’activité.

De la même manière, l’indice PMI des directeurs d’achat s’est repris depuis novembre pour s’établir à 53,9 points en janvier. Les commandes en particulier se sont redressées, annonçant une amélioration de l’activité au cours des prochains mois. Les deux indices IFO et PMI corroborent ainsi l’éclaircie signalée par la remontée de l’indice ZEW de confiance pour l’économie allemande. Les économistes tablent donc plutôt sur un scénario de croissance molle pour 2012.

Ralentissement du marché domestique.

Compte tenu de l’environnement européen dégradé, les espoirs reposent sur une poursuite du soutien de la demande intérieure qui a contribué à hauteur de 2 % à la croissance en 2011. La consommation privée a notamment enregistré sa plus forte hausse (1,4 %) depuis 2006, encore dopée par les progressions salariales négociées avant la crise ainsi que par la vigueur du marché de l’emploi. Ce dynamisme a d’ailleurs permis de faire régresser le taux de chômage à 5,5 % en fin d’année dernière, l’Allemagne retrouvant ainsi le niveau atteint lors de la réunification en 1991 après une baisse significative depuis un pic à 11,5 % en avril 2005.

Les ressorts domestiques ont, cependant, des limites. « Même si le ralentissement de l’inflation devrait redonner un peu de pouvoir d’achat aux ménages, la consommation ne sera pas un grand moteur de la croissance cette année, prévientPaola Monperrus-Veroni, économiste au Crédit Agricole.La progression du revenu disponible réel est attendue à un niveau inférieur à 1 % en 2012. Compte tenu de la dégradation des perspectives de profit, les entreprises, qui ont déjà pas mal grignoté leur taux de marge, vont passer à une phase de conservation des profits plutôt que de continuer à les distribuer. Les ménages risquent donc d’augmenter leur épargne de précaution. »

Marges de manœuvre.

Les conséquences du ralentissement de l’activité sur le marché de l’emploi devraient, malgré tout, rester limitées. Le dispositif du chômage partiel, dont le nombre d’inscrits est revenu au niveau d’avant la crise, devrait permettre une fois de plus d’amortir ce ralentissement. Par ailleurs, a contrariode ses voisins européens, « l’Allemagne dispose d’une manne budgétaire, le déficit public représentant seulement 1 % de son PIB. Si la situation conjoncturelle s’aggrave, elle aura donc les moyens de soutenir sa croissance par l’investissement public et la baisse de la fiscalité notamment », ajoute Paola Monperrus-Veroni.

Des entreprises en bonne santé…

Bénéficiant de conditions porteuses après la crise, les sociétés allemandes ont bien redressé leurs conditions de rentabilité et de profitabilité. Elles ont ainsi retrouvé leur niveau d’autofinancement d’avant-crise et présentent souvent des bilans plus solides qu’en 2008. Cette robustesse repose notamment sur la structure du tissu industriel allemand, composé en majeure partie de PME regroupées sous le terme de Mittelstand. « Ces petites et moyennes entreprises, souvent familiales et qui ont une vision de long terme, ont bien aidé à surmonter la récession de 2009 en gagnant des parts de marché à l’international », souligne Tim Albrecht, gérant d’actions senior chez DWS Investments.

… à des valorisations attractives.

Après un bon millésime boursier en 2010 où le DAX, principal indice représentatif du marché allemand, a gagné 16 % contre -1,9 % pour l’EuroStoxx 50 et +0,6 % pour le CAC 40 (dividendes réinvestis), les 30 valeurs allemandes ont subi un fort revers au troisième trimestre 2011 pour terminer l’année en baisse de -14,7 %, contre -13,2 % pour l’EuroStoxx 50 et -13,4 % pour le CAC 40 (voir le graphique). « Cette correction reflète surtout les craintes d’un ralentissement significatif de la croissance mondiale qui pénaliserait particulièrement les sociétés allemandes compte tenu de leur biais exportateur », analyse Dan Morris, stratégiste, JPMorgan AM.

Compte tenu de leur situation économique et financière, les entreprises allemandes sont donc devenues bon marché. « Les valeurs allemandes sont à des niveaux historiques de PER de l’ordre de 11 qui ont anticipé les mauvaises nouvelles, notamment la légère récession européenne, et rappellent les plus bas du marché en 2008 », observe Benoît du Mesnil du Buisson, président de Baring France.

« Même en tenant compte des récentes révisions à la baisse, le consensus anticipe pour les sociétés du DAX des bénéfices proches des records atteints à l’été 2008 alors que l’indice se traite toujours 15 % à 20 % en dessous de ses précédents plus hauts niveaux », ajoute Dan Morris. L’amélioration conjoncturelle anticipée par les indicateurs avancés s’est d’ailleurs déjà traduite par un rebond de l’indice allemand de près de 10 % en janvier.