Prévoyance

Les offres s’enrichissent en faveur des clientèles patrimoniales

Preuve de la vitalité du marché, de nombreux produits de prévoyance, pour certains d’entre eux innovants, ont vu le jour en 2010 - Le développement de l’activité passera par l’élaboration de nouveaux outils d’analyse permettant de limiter les zones d’opacité.

L’auto-assurance n’est pas une solution. Le penser est une erreur. Certains accidents de la vie peuvent entraîner des incapacités très importantes qui auront des conséquences financières extrêmement lourdes. Peu de ménages peuvent faire face à de telles charges sans remettre en cause le patrimoine constitué », déclare sans détour le directeur général de la Banque Postale Prévoyance, Patrick Bacchetta. C’est en partie pour ces raisons que le marché de la prévoyance se porte bien et qu’il constitue un gisement de matière assurable important pour les réseaux de distribution sachant l’exploiter.

Une décennie de fort développement.

En 2009, les trois familles de l’assurance (1) ont drainé un volume de cotisations de l’ordre de 60 milliards d’euros. Hors couverture maladie, ce montant avoisine les 25 milliards, soit 17,3 milliards pour les sociétés relevant du Code des assurances, 5,15 milliards pour les institutions de prévoyance (IP) et 2 milliards environ pour les mutuelles du Code de la mutualité.

La croissance du secteur n’a rien à envier à celle des produits d’épargne. Si l’on se base cette fois sur les seuls chiffres de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et du Groupement des entreprises mutuelles d’assurances (Gema), la progression des cotisations en affaires directes a atteint, sur les neuf dernières années, en moyenne 6,5 % par an toutes assurances confondues - maladie, accidents corporels et décès - (soit 26,32 milliards de cotisations en 2009, contre 14,92 en l’an 2000) (2). Hors frais de santé, la hausse s’est située aux alentours de 5,60 % (17,30  illiards en 2009, contre 10,56 en 2000). De son côté, le marché de l’épargne retraite a connu une croissance annuelle de 4,75 % sur la même période (128,66 milliards de cotisations en 2009, contre 84,67 en 2000).

Sur le seul périmètre des sociétés Code des assurances, les études 2008 font ressortir que près des deux tiers du marché français de la prévoyance pure (décès, incapacité - invalidité et dépendance) en flux de cotisations se partage entre 8 groupes : CNP (18,6 %) ; Axa France (14 %) ; Allianz (6,30 %) ; Prédica (6,1 %) ; Generali (5,7 %) ; Cardif Vie (4,8 %) ; Groupama-GAN (4,3 %) et ACM Vie (4,1 %).

Les solutions individuelles en sus des régimes de base ou d’entreprises.

Une part non négligeable de l’activité de prévoyance se joue sur le terrain collectif. Sur les 25 milliards de primes d’assurance décès et de dommages corporels, près de 16 milliards transitent par les entreprises au titre de la couverture des salariés. Selon une récente étude réalisée par CSA pour le compte de la FFSA et du Gema, (3), le taux d’équipement des entreprises en couverture prévoyance s’élève à 77 % en 2010 (contre 70 % en 2004) avec cependant quelques disparités. En effet, alors que 100 % des entreprises employant 500 salariés et plus détiennent un contrat collectif, ce taux tombe à 69 % pour les entreprises de 10 à 20 salariés.

Dans 70 % des situations, l’employeur prend en charge une partie des cotisations, rappelle l’étude. Les contrats d’entreprise permettent de tranquilliser bon nombre de particuliers salariés sur leur protection familiale. Peu parmi eux se sont cependant interrogés sur l’étendue de la couverture collective dont ils bénéficient, tout comme sur sa pérennité, en cas de départ de l’entreprise notamment. Quant à ceux qui ne sont pas assurés à titre collectif, la question ne se pose pas : ils doivent se tourner vers les solutions individuelles.

Dans les deux cas, seule la réalisation d’un audit de prévoyance fera émerger les besoins supplémentaires ou complémentaires de couvertures de prévoyance permettant d’être en phase avec la situation patrimoniale. En face de ces besoins de protection, l’éventail des produits est riche : temporaires décès, contrats vie entière, homme clé pour l’entreprise - dont le taux d’équipement demeure faible (20 % sans évolution depuis 2004, selon l’étude CSA/FFSA-Gema) -, sans oublier les Madelin prévoyance des travailleurs non salariés (TNS). Sur les professionnels, des places sont encore à prendre « Les études montrent que le taux d’équipement des PME/PMI atteint à peine 33 % et que cet équipement est fait souvent a minima via des accords de branche. La prévoyance reste un secteur profitable pour l’assurance avec un rapport sinistres sur primes brut en prévoyance Madelin de 55 % environ », souligne le directeur de la prévoyance chez SwissLife, Jean Levoir.

Le cas spécifique de l’emprunteur.

Enfin, il ne faut pas oublier les contrats d’assurance emprunteurs qui devraient en toute logique rentrer dans une ère concurrentielle nouvelle avec l’adoption de la réforme du crédit à la consommation au début de l’été (1er juillet 2010).

La mesure phare de la nouvelle législation, simple en apparence, est d’imposer à la banque de motiver son refus lorsqu’elle considère que le contrat d’assurance emprunteur retenu par son client ne présente pas de garanties équivalentes à celui qu’elle lui propose. « Cette obligation devrait avoir un effet bénéfique en poussant les assureurs à affiner et augmenter leurs garanties. Mais rien n’est gagné, car la déclinaison pragmatique de la loi est à construire », relève Pierre Balsollier, PDG de la société BAO.

Déjà, certains établissements bancaires bétonnent leurs fortifications pour limiter les fuites à la concurrence : les uns prennent des frais de délégation, les autres facturent les audits comparatifs de garanties entre leurs contrats groupes et les contrats présentés par leurs clients, d’autres mettent en avant la supériorité de leur convention en se référant à des micros garanties ou vont plus loin encore dans la surenchère en vantant les mérites de leurs produits couvrant les sinistres consécutifs à l’ivresse de l’assuré et à l’usage des stupéfiants. Une surenchère malheureuse et peu responsable - pour employer un terme à la mode si cher aux établissements financiers - que le médiateur de la FFSA n’a pas manqué de soulever dans son rapport 2009.

En attendant, les grandes manœuvres ont commencé et l’année 2010 a vu arriver de nombreux contrats emprunteurs, à l’instar de la compagnie SwissLife ou du courtier grossiste Solly Azar.

Innovation et évolution des contrats dans un univers complexe.

Vulgariser pour être compréhensible, la prévoyance n’échappe à cette tendance. « Les assureurs font de nombreux efforts dans ce sens pour permettre une lecture plus simple des contrats », admet Jean-Luc Gambey, associé de la société Molitor Consult, agence marketing et communication du secteur de l'assurance. Mais les professionnels du marketing trouvent vite en embuscade sur leur chemin les directions juridiques et techniques des entreprises.

Pour séduire de nouveaux apporteurs, les acteurs annoncent avoir effectué un gros travail sur les processus de souscription, via des extranets dédiés, et sur les modalités d’acceptation des risques. Leur objectif est de renforcer le pouvoir de délégation des commerciaux en rénovant notamment un point très sensible cause de tant de conflits : celui de la sélection médicale.

La rénovation des contrats se traduit aussi par la volonté d’améliorer les garanties via l’allongement de la durée des couvertures et de l’assurance jusqu’à un âge avancé ou la prise en compte au plus juste de la perte des ressources de l’assuré, notamment en incluant les dividendes dans les revenus des entrepreneurs. Chez Groupama, par exemple, une évolution intéressante a vu le jour avec la majoration des IJ, à hauteur de 50 %, en cas d’arrêt de travail au cours d'une période considérée comme un pic d’activité. L’assureur communique également sur ses garanties d’IJ saisonnières « adaptées au commerçant exerçant en bord de mer l'été et à la montagne comme moniteur de ski l’hiver », avance-t-il à titre d’illustration.

Parmi les autres tendances fortes figurent les prestations d’assistance. Nombreuses sont en effet les nouvelles formules proposant des services à la personne pour aider les assurés, notamment en cas d’arrêt de travail.

Une parenthèse doit être ouverte pour souligner les efforts menés en matière de rente en citant l’union d’IP Ocirp avec sa rente éducation automatiquement versée jusqu’aux 26 ans de l’enfant et ce, sans condition d’études.

Les courtiers grossistes confirment leur positionnement sur les TPE.

Dans le champ de l’entrepreneuriat, les courtiers grossistes continuent de jouer la carte de la simplification. On signalera ainsi la nouvelle offre Garantie Emprunt Professionnel (GEP) de Ciprés Vie dédiée aux petites entreprises, cœur de cible depuis dix ans de la société. « Les études montrent que, dans une vie professionnelle, un patron de TPE emprunte en moyenne 3 fois pour un montant moyen de 150.000 euros. Notre idée avec la GEP est de leur permettre d’acheter l’assurabilité de leurs futurs emprunts », avance le directeur général Laurent Ouazana.

Le système est simple et s’adresse aux chefs d’entreprise préalablement assurés dans le cadre d’un Pack Pro Entreprise (PPE). « En pratique, explique Laurent Ouazana, lorsqu’un dirigeant souscrit la garantie prévoyance du PPE, il complète et signe une déclaration de santé. La validation de cette dernière lui octroie automatiquement l’accès à la Garantie Emprunt Professionnel pour un montant de 500.000 euros sans autre formalité médicale. Cette assurabilité, incluse gratuitement pour une durée d’un an, peut être portée à 5 ans moyennant une prime unique de 400 euros. » Une fois ouverte, la ligne de couverture d’emprunt peut être consommée en une ou plusieurs fois. La GEP s’adresse à tous les chefs d’entreprise de 60 ans ou moins, salariés ou non, empruntant dans le cadre de leurs activités.

Toujours pour les chefs d’entreprise, les intermédiaires pourront se pencher sur l’offre packagée d’April Assurances, Success Manager 3, comportant une ligne d'assurance pour quatre modules de garanties : homme clé, emprunts, protection familiale et protection des associés (contrats croisés pour conserver le contrôle des entreprises).

Un marché relié à l’environnement économique.

Le secteur de la prévoyance est loin d’être déconnecté des réalités économiques et sociales. Les effets de la crise se ressentent bien sûr sur les volumes de collecte, mais aussi sur les prises en charge et les tarifications. « Les grosses évolutions se voient plutôt en collectives avec une sinistralité qui dérape en arrêt de travail. Ce phénomène se retrouve aussi sur les contrats Madelin. Par ailleurs, le marché doit compter avec la réforme des retraites et la baisse des taux techniques qui renchérissent mécaniquement le coût des provisions et des nouveaux tarifs. L'’ajustement sur les taux techniques sera immédiat pour les garanties incapacité et invalidité, sauf disposition spécifique, et progressif pour le décalage du départ à la retraite avec la possibilité d'étaler sur 6 ans l'impact sur les provisions [NDLR : disposition adoptée dans le cadre de la récente réforme des retraites] », explique Norbert Gautron du cabinet Galéa & Associés.

Les futurs assurés doivent ensuite compter avec la volonté et la capacité des assureurs à ouvrir le champ de leurs garanties, ou dit autrement, de restreindre le champ de leurs exclusions. Ainsi, comme l’explique Célya Meunier, responsable du marché français chez Hannover Life Ré, « les maladies dorsales sont très souvent exclues d'office des contrats dès lors qu'elles ne sont pas objectivables. Ce caractère objectivable se détermine par des examens médicaux spécifiques, radiographie du rachis par exemple, dont les conclusions sont reconnues et incontestables. Cette objectivation peut être remplacée et/ou complétée par un nombre de jours d'hospitalisation minimum permettant de s'assurer de la sévérité de la pathologie. De même, les maladies psychosomatiques sont généralement exclues des contrats. Leur prise en charge est fréquemment subordonnée, comme pour les maladies dorsales et pour les mêmes raisons, à un nombre de jours d'hospitalisation. Il n'y a pas de critère d'objectivation car les symptômes de ces pathologies sont beaucoup plus complexes à décrire. »

La Banque Postale Prévoyance travaille sur un produit haut de gamme qui devrait conserver des caractéristiques semblables à son offre actuelle. « Nous continuons de jouer la carte de la mutualisation sans pratiquer de segmentation fumeur/non fumeur ou bien homme/femme. De même, sur le segment du collectif emprunteur, nous avons fait le choix de ne pas exclure les maladies de dos et les troubles psychologiques non objectivables », met en avant Patrick Bacchetta. Un choix qui est loin d’être partagé par tous, et particulièrement par les assureurs alternatifs sur le terrain des contrats emprunteurs.

Accroître le professionnalisme.

Les exclusions du contrat sont-elles compatibles avec le mode de vie de l’assuré ? Les couvertures proposées sont-elles suffisantes en montant ? Faut-il choisir des garanties forfaitaires ou indemnitaires (4) ? Les franchises sont-elles rachetables ? En résumé, comment conseiller une complémentaire prévoyance adaptée à la situation du client, comme le réclame la réglementation sur l’intermédiation en assurance, en comparant ce qui est comparable ?

Pour le conseil haut de gamme, la société d’expertise en protection sociale Factorielles veut apporter une réponse avec son nouvel un outil de diagnostic individuel. Le logiciel relève les points à contrôler dans le but d’éviter les vides de garanties par rapport aux régimes de base et bâtir un véritable cahier des charges des besoins. « Il convient d’être particulièrement vigilant sur la prise en charge de l’invalidité partielle », indique le dirigeant de la société Bruno Chrétien. Pour ce dernier, « les experts-comptables comme les CGPI se montrent particulièrement intéressés. Les premiers entendent développer des missions sur le terrain de la prévoyance en travaillant avec des intermédiaires d’assurance, mais ils veulent au préalable comprendre ses mécanismes pour alerter leurs clients. Pour les seconds, l’outil facilite la vente grâce à la mise en évidence des vides de garanties laissés par les régimes obligatoires. »

La réforme de l’assurance emprunteur qui impose au bénéfice du client la recherche de la garantie équivalente a ouvert la voie à la recherche d’une meilleure connaissance de l’univers de la prévoyance et à plus de transparence. Il ne fait aucun doute que le marché va être en demande de comparateurs sérieux, allant au-delà du simple prix de la garantie, afin d’éviter les trop nombreux litiges assureurs-assurés, régulièrement relevés, principalement par les rapports du médiateur de la FFSA et celui de l’Autorité de contrôle prudentiel. « Contrairement à la santé, où la stratégie prix entraîne une bascule de la commercialisation sur le web, la prévoyance lourde nécessite encore une mécanique de vente réseau en face à face avec un discours qualitatif », conclut Jean-Luc Gambey.

(1) Relevant du Code des assurances, du Code de la Sécurité sociale et du Code de la mutualité.

(2) A ce montant, il convient de rajouter les affaires réalisées en réassurance et étranger (libre prestation de services et succursales pour 5,47 milliards d’euros en 2009 pour la maladie et les accidents corporels seulement).

(3) Mai 2010.

(4) Garantie forfaitaire : permet le versement d'une somme fixée à l'avance lors de la souscription du contrat, à la suite d'un sinistre. Exemples de contrats : « Individuelle accidents », assurances scolaires, assurances sportives, « chasse », « bateau » ou « décès accidentel des parents ».

Garantie indemnitaire : permet le versement d'une somme non fixée à l'avance lors de la souscription du contrat, à la suite d'un sinistre, et correspondant à la réparation des préjudices subis par l'assuré, selon les règles du droit commun. Exemple de contrat : la Garantie des accidents de la vie (GAV). Source FFSA