Prévoyance et retraite collectives

Le régime des exonérations sociales est… presque calé

La notion de catégorie objective est un nid à contentieux avec les Urssaf depuis de trop nombreuses années - La circulaire de la DSS du 25 septembre 2013 a pour objectif de lever les incertitudes pour les entreprises.

La voici enfin ! La circulaire relative aux modalités d’assujettissement aux cotisations et contributions de Sécurité sociale des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire est parue le 25 septembre 2013 (1). Elle interprète le décret du 9 janvier 2012 (2) et modifie la circulaire ministérielle du 30 janvier 2009 (3) en apportant les précisions tant attendues par les entreprises et leurs conseils sur les critères de catégories objectives permettant aux régimes de justifier d’un caractère collectif. Elle précise également la notion de caractère obligatoire des régimes d’entreprise.

L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit pour l’employeur de pouvoir prétendre à l’exonération des cotisations sociales sans risquer de s’attirer les foudres des Urssaf. Il est vrai que, depuis une vingtaine d’années, les interprétations se sont succédé sur la notion de catégories objectivement définies sur fond de redressements.  

Retour sur les cinq critères.

Le décret du 9 janvier 2012 a posé comme principe que le caractère collectif d’un régime est respecté si les garanties couvrent l’ensemble des salariés ou une partie d’entre eux, à condition que ces derniers appartiennent à une ou plusieurs catégories objectives définies à partir de cinq critères limitatifs (voir le tableau) prévus à l’article R. 242-1-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS). Les modalités d’utilisation de ces critères dépendent des garanties en sachant qu’il convient de distinguer entre un cadre général et des cadres particuliers. Le cadre général regroupe les situations que la réglementation reconnaît comme constituant des catégories objectives au sens de la loi. Les cadres dits particuliers correspondent à des situations pour lesquelles l’employeur devra justifier du caractère objectif des catégories instituées. 

Une clarification salutaire.

Sur cette ossature, la circulaire commente les différents critères et précise les incidences d’une pluralité des dispositifs, les documents à fournir en cas de contrôle et s’attarde sur les notions de garanties identiques, de contributions des employeurs et sur les situations particulières d’absorption d’entreprises, des mandataires sociaux et des différents contrats de travail.

Concernant le caractère obligatoire des régimes, la direction de la Sécurité sociale (DSS) livre sa doctrine sur deux points particulièrement épineux : celui des dispenses d’adhésion et celui des ayants droit.

Pour la mise aux normes des régimes avec le décret du 9 janvier 2012, le texte accorde un délai salutaire, surtout pour les TPE/PME (lire l'avis d’expert), jusqu’au 30 juin 2014.

L’environnement est-il désormais sécurisé ? Les appels à la prudence sont nombreux.

Les experts semblent d’accord sur un point : les différentes contributions adressées à la DSS sur le projet de circulaire de juin dernier semblent avoir permis de compléter ou clarifier ces questions dans le texte définitif en apportant certaines tolérances, preuve qu’il ne s’agissait pas d’un pur exercice de style. Pour autant, tout ne pouvait être traité. D’ailleurs, la DSS commence bien par préciser que son interprétation doit être retenue… sous réserve de l’appréciation du juge du fond. 

Des complications en perspective…

En effet, certaines positions prises génèrent des interrogations.« Par exemple, les cinq critères du décret sont déclarés comme étant limitatifs avec des combinaisons possibles mais, par ailleurs, sont posés d’autres cas de catégories à la marge des cinq premiers, comme les VRP ou les salariés détachés et dont le caractère objectif devra être justifié par l’entreprise, avertit Isabelle Hadoux-Vallier, avocat associé du cabinet Fidal. Autre exemple : comment comprendre le fait que la règle selon laquelle il est interdit de recourir à des critères liés au temps de travail, à la nature du contrat, ou encore à l’âge ne trouverait désormais à s’appliquer que si la catégorie des bénéficiaires s’appuie sur le cinquième critère du décret – c'est-à-dire les usages de la profession – alors que cette règle était jusqu’ici générale pour l’accès aux garanties et reprise comme telle dans le décret de 2012 ? Enfin, pour les mandataires sociaux, la marge de manœuvre pour bénéficier de l’exonération sociale – lorsqu’ils ne cumulent pas mandat social et contrat de travail – pourrait s’avérer mince. Même si l’exercice de précisions et interprétations est difficile dans le cadre d’une circulaire, il n’est pas certain que l’objectif affiché par le décret de diminuer les contestations de redressements Urssaf sur cette thématique soit rempli pour l’avenir. »

… dues à un excès d’interprétation.

La DSS va au-delà des textes légaux et réglementaires à travers des positions dont la cohérence peut être parfois discutable. « Ainsi, la circulaire prévoit que la dispense d’adhésion pour les salariés, justifiant être garantis par ailleurs en qualité d’ayant droit, implique de justifier que la garantie du conjoint soit obligatoire tant pour ce dernier que pour l’extension 'famille' de son régime, ce qui peut s’avérer particulièrement contraignant en matière de preuve. Or, dans le même temps, le décret et l’arrêté d’application admettent la dispense pour les régimes de conjoints non salariés de type 'Madelin' ou fonctionnaires, qui sont pourtant des dispositifs entièrement facultatifs. Une telle exigence organise une sorte de rupture d’égalité entre cotisants, explique Frank Wismer, avocat associé de Fromont, Briens. Par ailleurs, il faut se méfier des 'faux-amis'. Si la circulaire admet que les actes de formalisation puissent conserver la distinction 'cadres/non-cadres', ce qui est une bonne nouvelle, cela vise uniquement le cas restrictif des cadres au sens du droit du travail. Or, le plus souvent, les régimes 'cadres' bénéficient, en pratique, également aux 'assimilés cadres', c’est-à-dire à des non-cadres affiliés d’autorité ou non à l’Agirc pour lesquels il faudra préciser expressément la délimitation – articles 4, 4bis de la CCN du 14 mars 1947 et 36 de son annexe I. »

Un nouveau décret en préparation.

Tous ces aspects méritent d’être approfondis. Il convient aussi de ne pas oublier que cette nouvelle approche de la DSS devra être combinée avec le futur décret en préparation sur les facultés de dispense d’adhésion aux dispositifs de protection sociale complémentaire collectifs et obligatoires pris en application de la loi de Sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, qui prévoit la généralisation des complémentaires santé pour les salariés (lire le projet sur notre site agefiactifs.com). Ironie du sort, alors que l’administration entend enfin sécuriser la question des exonérations sociales patronales du financement des régimes collectifs de retraite et de prévoyance, le gouvernement sort concomitamment le projet de loi de Finances 2014 prévoyant la suppression de l’exonération, fiscale cette fois, pour les salariés, de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé.  

(1) SS/SD5B/2013/344.

(2) 2012-25.

(3) DSS/5B/2009/32.

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