
Le PEPP, un nouveau venu en mal d’estime

Une dizaine au niveau européen, personne en France. Les opérateurs proposant un Produit paneuropéen d’épargne retraite individuel (PEPP) n’étaient pas légion lors de l’entrée en vigueur du règlement PEPP, le 22 mars dernier. Le constat de départ était pourtant légitime : le taux de remplacement des salariés qui partent en retraite diminue d’année en année alors que le taux d’épargne retraite des citoyens européens reste faible. Le projet, démarré par la Commission européenne il y a sept ans, s’inscrit dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux (CMU) et vise à supprimer les obstacles aux investissement transfrontaliers au sein de l’Union européenne.
« Le législateur a voulu proposer un produit unique permettant notamment à des citoyens mobiles de conserver une retraite en ayant travaillé dans un Etat-membre avant de vivre dans un autre », pose Christian Lemaire, membre du board du fonds de pension paneuropéen d’Amundi et ancien responsable international des solutions retraite d’Amundi. Nombre d’acteurs financiers (assureurs, banques, gestionnaires d’actifs…) peuvent faire labéliser l’un de leur produit PEPP. Le particulier peut continuer d’épargner même en changeant de pays de résidence et a la possibilité de changer de fournisseur tous les cinq ans, avec des frais encadrés à 0,5 %.
« Pour en bénéficier, un produit d’épargne retraite doit comporter un compte personnel, un régime de retraite, des modalités de distribution, des prestations (capital ou rente), des options d’investissement, du conseil, et une procédure pour les fournisseurs afin de solliciter de leur superviseur national une autorisation de créer et de distribuer leur produit d’épargne retraite en tant que PEPP à travers l’Europe », détaille Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs (ex FFA).
Plafonnement des frais
Le produit n’a pas suscité l’engouement sur le sol français car les contraintes qu’il induit ne sont pas du goût des opérateurs financiers. Si les exigences de notre PER présentent des similitudes avec celles du PEPP - sortie en capital ou rente, devoir de conseil - c’est surtout l’encadrement des frais qui rebute. Pour le PEPP « basique », conditionné à une gestion active du risque pour offrir un haut niveau de protection en capital (probabilité de préservation d’au moins 85 % une fois à la retraite), les frais globaux sont plafonnés à 1 %, en intégrant toutes les commissions. « Les fournisseurs doivent faire une analyse des ressources et besoins financiers à la retraite du particulier pour s’assurer que le produit est adapté, en prenant en compte tous les éléments prévisionnels de retraite, remarque Christian Lemaire. La souscription va donc nécessiter du temps humain et les opérateurs vont difficilement trouver une équation économique pour couvrir ces coûts. »
Pour ne rien arranger, les critères de la labellisation ne tiennent pas compte, selon les assureurs, des réglementations sectorielles, dont Solvabilité II. « Cela vaut notamment pour les écarts fondamentaux au plan prudentiel entre les différents acteurs fournisseurs des produits d’épargne retraite supplémentaire, estime Franck Le Vallois. Une telle situation est susceptible de générer des distorsions de concurrence qui sont contraires à l’esprit du règlement PEPP. »
Un autre angle mort important est pourtant l’un des principaux moteurs de souscription dans ce type de produit : leur fiscalité. Il ne s’agit pas d’un oubli puisque celle-ci est l’apanage des Etats membres, mais elle pourrait poser problème en pratique. La Commission européenne a émis une recommandation pour que dans chaque pays, l’administration accorde les mêmes avantages fiscaux aux produits labélisés PEPP que ceux qu’elle accorde aux autres produits de retraite individuelle. Neutralité qui est donc au choix du pays. « Il existe dans certains Etats des déductions fiscales et dans d’autres des diminutions fiscales à la sortie en rente ou en capital », souligne Christian Lemaire. Il s’agira donc de voir comment s’articulera la portabilité dans les faits entre deux produits placés sous des auspices fiscales différentes.