L’assurance emprunteur se renouvelle

Les acteurs s'adaptent à la suppression du questionnaire de santé et la résiliation à tout moment, entrés en vigueur le 1er juin pour les nouveaux contrats d'assurance de prêt.

Les assureurs se préparent bon gré mal gré. La résiliation à tout moment du contrat d’assurance de prêt ou Résiliation infra-annuelle (RIA), mesure phare de la loi Lemoine, entre en vigueur au 1er juin pour les nouveaux contrats d’assurance de prêt.

Accompagnée d’une autre que les professionnels attendent avec beaucoup moins d’impatience, la suppression du questionnaire de santé (QS) pour les prêts de moins de 200.000 euros dont le terme intervient avant le soixantième anniversaire de l’assuré. Un montant qui s’applique par assuré et sur l’encours de l’ensemble des contrats de crédit.

Si aucun chiffre précis n’est disponible sur la part du marché concernée, elle serait selon les estimations - qui varient grandement selon les acteurs - de 50 % à minima. Ce pourcentage risque d’ailleurs d’évoluer, puisque les professionnels comptent bien jouer sur la quotité assurée, le montant du crédit ou sa durée pour ne pas avoir à se priver des précieuses données médicales.

Pour les contrats où cela ne sera pas possible, les assureurs, sans QS pour tarifer le risque, avancent encore à tâtons sur le surcoût pour les acquéreurs. Sous le manteau, des chiffres compris entre +10 % et +30 % circulent.

Une opportunité pour certains acteurs

Si les petits courtiers sont menacés, que d’autres prévoient de se désengager du marché couvert par la suppression du QS, certains saisissent l’opportunité. Magnolia. fr avait dégainé le premier avec une nouvelle offre développée avec Axéria Prévoyance. «Elle sera moins chère pour les cadres que notre gamme actuelle, mais le surcoût par rapport à notre meilleure offre pour les CSP – sera d’environ 12 %», indique Astrid Cousin, porte-parole du courtier.

Aumax pour moi, une fintech filiale du Crédit Mutuel Arkéa créée sur la vague de l’open banking, s’est récemment lancée dans le courtage en assurance emprunteur. Elle promet - comme le promettaient les assureurs alternatifs lors de la première mouture de la réforme (avec RIA mais aussi QS) - toujours des économies à couverture égale. «Cette industrie voit ce changement réglementaire comme une remise en cause d’un modèle économique, alors que l’intensification de la concurrence bénéficiera au consommateur in fine, affirme Hugues Mercier, directeur général de la fintech. Le coût du crédit n’augmentera pas à cause de l’assurance emprunteur mais plutôt en raison de facteurs exogènes, comme la montée des taux.»

La Banque Postale et CNP Assurance s'alignent sur cette ligne de conduite. Les deux organismes ont annoncé le gel des tarifs standards de leur assurance emprunteur. La loi Lemoine a réduit le droit à l'oubli de 10 à 5 ans pour les anciens malades du cancer ou de l'hépatite C, mais les deux acteurs ont décidé d'aller un cran plus loin en faveur des personnes vulnérables en supprimant les surprimes Aeras de niveau 2. Du nom de la convention s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé (Aeras), ces surprimes encadrés pouvaient doubler la note pour l'assuré. En pratique, difficile de savoir combien de personnes seront concernées par cette initiative puisque le niveau 2 passe par un QS détaillé. Avec sa suppression sous conditions, le risque aggravé de santé de certains assurés ne pourra plus être détecté.  

Le Crédit Mutuel, qui avait inspiré l'introduction par les sénateurs de la suppression du QS dans la loi Lemoine, s'est félicité de l'avancée que constitue la mesure. Rappelant au passage que son dispositif pionnier - jusqu'à 500.00 euros par souscripteur de moins de 62 ans pour les clients dont les revenus sont domicilés au Crédit Mutuel depuis 7 ans - était «nettement mieux-disant»

La tarification par l'approche préventive des risques

Wedou.fr a de son côté choisit de rebondir par une approche préventive des risques. «Puisque nous ne pouvons plus aller sur le terrain du QS, il faut s’intéresser à la façon dont les personnes se traitent elles-mêmes, développe Patrick Bacchetta, co-fondateur de l'insurtech. Les éléments de recherche du bien-être et de prévention seront des éléments de réduction des risques et donc du tarif. Les comportements vertueux permettront de maintenir un tarif au niveau de l’actuel.» D’un modèle déclaratif, Wedou.fr veut basculer à terme vers un modèle automatisé de remontée de données issues des applications de coaching personnel présents sur les smartphones des assurés. Pour chaque information partagée - nombre de pas, température corporelle, battements de cœur… - un cashback à la clé pour le souscripteur, voire l’accès à des garanties supplémentaires.

Un faisceau d’indices qui permettra également de débusquer les personnes atteintes de pathologies incurables qui voudraient profiter de l’effet d’aubaine afin de sécuriser un patrimoine pour leurs héritiers. En attendant et comme l’immense majorité des acteurs, le courtier a choisi de considérer la consommation d’alcool et de tabac comme des habitudes de vie et non comme des données médicales. A ce titre, les souscripteurs seront interrogés sur leur consommation pour aider à quantifier le risque.

Les fumeurs et les esthètes de la boisson risquent d’ailleurs d’être, de l’avis général, les plus durement frappés par les effets de bords de la suppression du QS. Faute de données complémentaires, les assureurs vont en effet procéder avec les moyens du bord pour discriminer les mauvais risques. Sale temps pour les bons vivants.