L’Agirc-Arrco met en place un risque limité dans sa gestion

Valérie Riochet, Agefi Hebdo
Les régimes de retraite complémentaire ont jusqu’à 2019 pour stabiliser leur déficit. Le « smart beta » fait son entrée dans les portefeuilles moyen et long termes.

Certes, le déficit est toujours important, mais il fléchit. Sans tambour ni trompette, le régime de retraite Agirc (régime de retraite complémentaire des seuls cadres) et Arrco (le régime des cadres et des non-cadres) annonçait il y a quelques jours, des « résultats en légère amélioration » et un déficit global des régimes passé de 3 milliards d’euros à 2,24 milliards en 2016. « La gestion des réserves a permis de dégager des produits financiers de l’ordre de 2 milliards d’euros qui viennent réduire le déficit du régime », peut-on même lire sur le communiqué. Avec un déficit en diminution d’un peu plus de 700 millions d’euros, la première des trois années destinées à stabiliser la situation avant la fusion des deux régimes est plutôt encourageante. Le 30 octobre 2015, un nouvel accord signé avec les partenaires sociaux, en réponse, au plan financier, à l’inéluctable épuisement des réserves de l’Agirc en 2018, conclut notamment au rapprochement des deux instances. « Cette période de trois ans (2016-2018) est une phase transitoire au cours de laquelle les déficits techniques seront stabilisés, souligne Philippe Goubeault, directeur financier de l’Agirc et de l’Arrco. La gestion financière des réserves techniques a donc été organisée pour mettre en adéquation l’allocation d’actifs avec les contraintes techniques que représentent les désinvestissements. Au 31 décembre 2016, la couverture de ces désinvestissements pour 2017 et 2018 est assurée par un montant de 10 milliards d’euros investis en actifs de court terme. »

D’où proviennent les 2 milliards d’euros dégagés par la gestion des réserves ? A première vue, la réponse tient du jeu de l’écriture comptable. « Chaque année nous procédons à un examen du maintien des mandats de gestion, énonce Philippe Goubeault. En 2016, les instances de la fédération ont retiré 3 mandats de gestion (1 en actions, 2 en gestion diversifiée, NDLR) pour un montant global de 1,2 milliard d’euros. » Lors de ces opérations de réallocation, des plus-values ont donc été inscrites au bilan. Puis, un autre phénomène symptomatique du marché institutionnel a consisté pour certaines caisses de retraite membres à réinternaliser la gestion de leurs actifs, en raison de frais de gestion estimés injustifiés au regard des surperformances délivrées.

Le choix du « smart beta »

Mais tout n’est pas affaire de subtilités comptables. « En 2016, le taux de rendement de nos actifs s’est élevé à 3,5 % net, révèle-t-il. Un niveau satisfaisant, compte tenu du niveau de l’inflation. » Techniquement, la réserve du régime se compose de deux grandes poches financières. Dotée à fin décembre 2016 de 10 milliards d’euros, la réserve technique de fonds de roulement est destinée à supporter les désinvestissements nécessaires au versement des retraites pour 2017 et 2018. Elle est donc investie en fonds obligataires de court terme, OPCVM monétaires et livrets bancaires. « La plus grande part de ces fonds investis à court terme a été constituée par un apport résultant du passage, au 1er janvier 2016, à un recouvrement mensuel des cotisations, à l’exception des entreprises de moins de 10 salariés laissées en mode trimestriel », rappelle Philippe Goubeault. L’autre part de la réserve technique, non mobilisée par les désinvestissements prévus pour les deux prochaines années, est investie en actifs de moyen et long terme. Elle représente 53 milliards d’euros en valeur de marché, fédérations et institutions confondues. « Jusqu’en 2016, nos investissements respectaient une ventilation 30 % actions / 70 % obligations, retrace-t-il. Suite à la conclusion des accords paritaires d’octobre 2015 mais aussi du contexte de marché, une réflexion a été menée pour déterminer si une réallocation devait être envisagée. » Or aucun argument n’a plaidé pour un changement de l’allocation stratégique. En revanche, les portefeuilles ont été calibrés pour limiter la prise de risque. Sur la partie obligataire, le benchmarkinitial « toutes maturités » a été troqué pour un indice obligataire 1-5 ans pour abaisser la duration.

La partie actions a elle aussi subi un toilettage. L’indice composite intègre désormais deux tiers d’actions zone euro (contre 100 % auparavant), 17 % de valeurs internationales, et la gestion quantitative à volatilité contrôlée (low volatility) a été introduite à hauteur de 17 %. « Cette stratégie systématique est mise en œuvre dans la poche actions de portefeuilles diversifiés et dans des fonds actions spécialisées, explique Philippe Goubeault. L’aménagement de la composition de l’indice de référence vise à inciter les institutions à donner plus de poids dans leur portefeuille aux stratégies systématiques. » Selon les choix qu’elles arrêteront, des appels d’offres à destination des gérants spécialisés sur le smart beta pourraient être lancés dans les prochains mois.