Fiscalité / Disponible Madelin des gérants majoritaires

La nouvelle interprétation de l’administration en pratique

Bruno CHRETIEN, dirigeant, FACTORIELLES, président de l’Institut de la Protection Sociale, Rolland NINO, directeur général, BDO France, trésorier de l’Institut de la Protection Sociale
Les modalités de calcul du disponible Madelin pour les gérants majoritaires de SARL à l’impôt sociétés demeuraient imprécises
Un nouveau rescrit du 13 mai 2014 répond à la question des dividendes et modifie l’interprétation pour la rémunération
Bruno CHRETIEN et Rolland NINO

Les modalités de calcul du disponible Madelin pour les gérants majoritaires de SARL à l’impôt sociétés ont fait couler beaucoup d’encre par le passé.

En raison de l’imprécision des textes, de nombreuses questions se posaient sur la base de calcul du disponible pour un gérant majoritaire de SARL. Certains faisaient valoir qu’il fallait prendre en compte le bénéfice de l’entreprise. Mais, depuis le rescrit du 25 juin 2009, nous savons que l’assiette du disponible se détermine sur la base de la rémunération brute.

Cependant, cette définition même de rémunération brute demeurait imprécise. De plus, en intégrant une part des dividendes dans l’assiette de calcul des cotisations sociales obligatoires des gérants majoritaires de SARL, la loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2013 a de nouveau complexifié le problème.

Un nouveau rescrit du 13 mai 2014 répond à la question des dividendes. Il modifie aussi l’interprétation pour la rémunération. Le présent cas pratique fait le point de la situation désormais applicable.

LA PORTÉE DE LA RÉPONSE FAITE PAR L’ADMINISTRATION FISCALE EN 2009

Rappelons en préambule que l’oubli des gérants majoritaires dans le dispositif initial de la loi Madelin (ils n’en seront bénéficiaires qu’à partir de la loi 8 août 1994 et non du texte initial adopté le 11 février de la même année) et l’absence de texte précisant les modalités de calcul pour leur cas est la source des difficultés d’interprétation que les professionnels rencontrent depuis 2004.

En effet, durant de nombreuses années, il n’y a pas eu de difficulté d’interprétation. La réforme Fillon sur les retraites intervenue en 2003 va tout changer.

Incertitudes initiales.

A cette occasion, les règles de calcul des disponibles sont modifiées, tant pour les salariés (contrats dits « article 83 ») que pour les TNS.

Le disponible va désormais être calculé en proportion :

- du salaire pour les contrats article 83 ;

- du BIC / BNC pour les contrats Madelin.

L’idée poursuivie est de faire varier le montant des sommes admises en déduction en fonction du niveau de la rémunération perçue. Et c’est là que le problème se pose pour les gérants majoritaires.

Car une lecture littérale de l’article 154 bis du Code général des impôts (CGI) ne parle que du BIC / BNC et non de la rémunération de gérance dite « article 62 ». Le cas de ces derniers n’est pas précisé, cela va conduire certains groupes d’assurance à s’en tenir à une lecture littérale alors que d’autres suivent l’esprit du texte, à savoir la rémunération.

Le tout suscite alors de nombreuses interrogations chez les experts-comptables et les professionnels de l’assurance.

Rescrit du 25 juin 2009.

Une première précision va être apportée par un rescrit du 25 juin 2009. « Pour les gérants majoritaires de SARL soumises à l’impôt sur les sociétés, imposables dans la catégorie des traitements et salaires en application de l’article 62 du CGI, il convient pour le calcul des limites de déduction des cotisations sociales facultatives dites ’Madelin’ prévues à l’article 154 bis du CGI, de substituer au bénéfice imposable le montant total des rémunérations brutes visées à l’article 62 du CGI. »

La réponse de l’administration fiscale s’inscrit dans la logique de la réforme de 2003. Pour autant, elle laisse quelques interrogations quant à la notion de rémunération brute.

Cette notion n’étant pas des plus précises pour le TNS, la pratique des professionnels se situait selon deux écoles :

- La première pour laquelle le disponible se détermine de la manière suivante : la rémunération brute est égale à la rémunération nette perçue et les cotisations obligatoires et cotisations facultatives payées par l’entreprise.

- La seconde qui estime que le disponible doit se calculer sur la base de la rémunération nette + CSG/RDS non déductibles.

Signe de cette imprécision, certains logiciels de simulations des charges des TNS offrent d’ailleurs encore aujourd’hui la possibilité aux professionnels de faire les deux calculs…

Exemple.

Prenons un exemple pour illustrer :

- Un dirigeant perçoit une rémunération nette 60.000 euros/an

- Il souscrit un contrat Madelin retraite pour : 5.000 euros

- Cotisations hors CSG/RDS non déductibles : 22.149 euros

- CSG/RDS non déductibles : 1.740 euros

- Pour la première école, le disponible est de 88.889 euros (60.000 euros + 5.000 euros + 22.149 euros + 1.740 euros).

- Ecole 2 : disponible déterminé sur la base de 61.740 euros (60.000 euros + 1.740 euros).

On ne peut pas dire que la situation était des plus précises juridiquement, mais elle était tout de même meilleure qu’avant ce rescrit.

Restait toutefois en suspens la question posée par les dividendes réintégrés partiellement dans l’assiette de calcul des gérants majoritaires de Selarl (LFSS pour 2009) puis de SARL (LFSS pour 2013).

LE RESCRIT DU 13 MAI 2014 CHANGE LA DÉFINITION DU REVENU À PRENDRE EN COMPTE

Pour tenir compte de l’évolution de la législation – et toujours en l’absence de précisions générales apportées par l’administration –, de nouvelles précisions s’imposaient.

Sur la définition même du revenu à prendre en compte, la question posée était la suivante : « De plus, pouvez-vous me confirmer que je dois, dans le cadre de la rémunération brute servant à déterminer l’enveloppe Madelin (cf la réponse du 25 juin 2009 citée plus haut) additionner à la rémunération nette perçue le montant des cotisations obligatoires et la CSG/CRDS payées ainsi que le montant des cotisations Madelin retraite et prévoyance acquittées ? En effet, les cotisations sociales obligatoires et facultatives prises en charges par la SARL, selon le Plan comptable général, doivent être comptabilisées en 6411 (rémunérations) et non en 646 (cotisations sociales). Elles constituent dans ce cas un supplément de rémunération. » (Réponse Delfosse, AN 8 septembre 1980, page 3834).

Nouvelle interprétation.

La réponse du rescrit est la suivante :

« Pour l’appréciation du plafond de déduction ’Madelin’, la rémunération s’entend de celle après déduction des cotisations de Sécurité sociale et de la part déductible de la CSG déductible sur les revenus d’activité mais avant déduction des cotisations Madelin. »

Ainsi, cette interprétation revient sur la notion de rémunération brute exprimée dans le rescrit précédent.

En cela, elle s’avère plus restrictive et limite le montant de la déduction Madelin par rapport à l’interprétation large du rescrit de 2009 (école 1).

Mais par rapport à l’interprétation restrictive, la nouvelle interprétation s’avère plus avantageuse, car intégrant le montant de la cotisation Madelin versée.

Nous devons donc prendre la rémunération nette + cotisations Madelin + CSG non déductible.

Exemple.

Si l’on reprend notre exemple :

- Un dirigeant perçoit une rémunération nette 60.000 euros/an

- Il souscrit un contrat Madelin retraite pour 5.000 euros

- Cotisations hors CSG/RDS non déductibles : 22.149 euros

- CSG/RDS non déductibles : 1.740 euros

- Pour la première école, le disponible est de 88.889 euros.

- Ecole 2 : disponible déterminé sur la base de 61.740 euros.

Rescrit du 13/05/14 : 66.740 euros (60.000 euros + 5.000 euros + 1.740 euros)

Problèmes de calcul. Toutefois, cette nouvelle définition de l’assiette du disponible Madelin peut poser des problèmes de calcul de trois sortes :

1° Le montant maximum des cotisations Madelin déductibles varie en fonction du montant versé lui-même. En mathématiques, nous qualifions cette situation d’itérative.

Reprenons l’exemple précédent.

- Le montant des cotisations retraite Madelin déductible tel qu’il est fixé par la loi est de 10 % x Assiette + 15 % (Assiette - Pass). L’assiette plancher ne peut quant à elle être inférieure au Pass et l’assiette plafond ne pouvant dépasser 8 Pass.

- Ainsi, dans notre exemple, le montant des cotisations Madelin retraite déductible est de 10 % x 66.740 euros + 15 % (66.740 euros- 37.548 euros) = 11.052,80 euros.

- Dans ce cas, les cotisations retraite Madelin versées, soit 5.000 euros, sont intégralement déductibles car inférieures à 11.052,80 euros.

Modifions cet exemple en prenant un montant de cotisations retraite Madelin de 13.000 euros, soit un montant supérieur au montant maximum déductible précédent.

L’énoncé serait donc :

- Un dirigeant perçoit une rémunération nette 60.000 euros/an

- Il souscrit un contrat Madelin retraite pour 13.000 euros

- Cotisations hors CSG/RDS non déductibles : 22.149 euros

- CSG/RDS non déductibles : 1.740 euros

- Assiette disponible Madelin

= 60.000 euros + 13.000 euros + 1.740 euros

= 74.740 euros

Ainsi, le montant maximum des cotisations Madelin retraite déductible est de 10 % x 74.740 euros + 15 % (74.740 euros - 37.548 euros) = 13.052,80 euros.

Là encore, les cotisations retraite Madelin versées, soit 13.000 euros, sont intégralement déductibles car inférieures à 13.052,80 euros.

On constate que le montant même des cotisations retraite Madelin versées influent sur le montant du disponible Madelin.

En conclusion, plus le montant de cotisations retraite Madelin versées est important, plus le montant de ces mêmes cotisations retraite Madelin déductible l’est aussi. Avec évidemment un certain plafond qui sera trouvé grâce à un système d’équations, le calcul étant itératif.

Savoir résoudre ce système d’équations est important, car le gérant de SARL ayant réalisé une « bonne année » interrogera son expert-comptable pour connaître le montant maximum des cotisations retraite Madelin en franchise d’impôt. Nous reprendrons un exemple complet à la fin de ce chapitre.

2° Le montant des cotisations prévoyance Madelin intervient sur le montant du disponible retraite Madelin et vice versa. Prenons un exemple pour bien comprendre :

- Un dirigeant perçoit une rémunération nette 60.000 euros/an

- Il souscrit un contrat Madelin retraite pour : 13.000 euros

- Il souscrit un contrat Madelin prévoyance pour : 4.000 euros

- Cotisations hors CSG/RDS non déductibles 22.149 euros

- CSG/RDS non déductibles : 1.740 euros

- Assiette disponible Madelin

= 60.000 euros + 13.000 euros + 4.000 euros + 1.740 euros

= 78.740 euros

Ainsi, le montant maximum des cotisations Madelin retraite déductible est de 10 % x 78.740 euros + 15 % (78.740 euros - 37.548 euros)

= 14.052,80 euros.

Par rapport à l’exemple précédent, on constate que le fait d’avoir versé 4.000 euros sur un contrat Madelin prévoyance augmente le montant maximum déductible des cotisations retraite Madelin de 1.000 euros (de 13.052,80 euros à 14.052,80 euros).

3 ° Enfin, le troisième type de difficulté réside dans le fait que le plafond Perco et le disponible Madelin sont étroitement emmêlés.

Comme nous le savons, le montant de l’abondement Perco vient en déduction de l’enveloppe fiscale Madelin retraite. La déduction fiscale de l’abondement au Perco est prioritaire sur la déduction fiscale des cotisations de retraite Madelin. Si le montant de l’abondement au Perco est supérieur au disponible fiscal, les cotisations Madelin retraite ne seront pas déductibles et devront être réintégrées dans la revenu imposable. Ainsi, en présence d’un Perco abondé dans l’entreprise, il faudra bien veiller à imputer le montant de l’abondement au Perco de l’enveloppe de déductibilité Madelin afin de déterminer le solde du disponible fiscal Madelin retraite.

Poursuivons l’exemple précédent :

- Un dirigeant perçoit une rémunération nette 60.000 euros/an

- Il souscrit un contrat Madelin retraite pour : 13.000 euros

- Il souscrit un contrat Madelin prévoyance pour : 4.000 euros

- Un abondement Perco en sa faveur a été opéré pour 5.000 euros

- Cotisations hors CSG/RDS non déductibles : 22.149 euros

- CSG/RDS non déductibles : 1.740 euros

- Assiette disponible Madelin

= 60.000 euros + 13.000 euros + 4.000 euros + 1.740 euros

= 78.740 euros

Ainsi, le montant maximum des cotisations Madelin retraite déductible est de 10 % x 78.740 euros + 15 % (78.740 euros - 37.548 euros)

= 14.052,80 euros

Il faudra imputer sur ce plafond l’abondement Perco à hauteur de 5.000 euros ; ainsi, le montant des cotisations retraite Madelin déductible sera de 9.052,80 euros (14.052,80 - 5.000). Ayant versé 13.000 euros de cotisations retraite Madelin, 3.947,20 euros (13.000 - 9.052,80) devront être réintégrés au revenu imposable de ce gérant.

LES DIVIDENDES SONT INTÉGRÉS POUR LE CALCUL DES COTISATIONS MAIS PAS POUR LA DÉTERMINATION DU DISPONIBLE

La question était la suivante :

« Est-ce que les dividendes des gérants majoritaires non salariés non agricoles, soumis à cotisations sociales, sont à additionner à la rémunération de gérance pour calculer le montant du disponible Madelin ? »

La réponse est claire, on ne doit pas les prendre en charge :

« Par ailleurs, l’assujettissement partiel des dividendes aux cotisations sociales et à la CSG sur les revenus d’activités prévue par l’article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale n’a pas modifié le régime fiscal de ces dividendes. Ceux-ci demeurent imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Ils ne se confondent donc pas avec les rémunérations mentionnées à l’article 62 du CGI. Ces dividendes ne sont donc pas retenus pour le calcul du plafond de déduction des cotisations Madelin prévues au II de l’article 154 bis du Code général des impôts. »

Sur le fond, la réponse quant aux dividendes n’est ni juste, ni cohérente.

En les assujettissant partiellement à cotisations obligatoires, ces dividendes acquièrent la qualité de « quasi rémunération ». Or, l’administration ne fait qu’une partie du chemin : celle qui l’avantage le plus. Comment soutenir que des dividendes doivent être traités comme de la rémunération quand il s’agit de cotiser, mais ne peuvent être pris en compte dès lors qu’on détermine le calcul d’une assiette de déduction fiscale, elle-même basée sur la rémunération ?

Conclusion. Une évolution d’interprétation de l’administration s’impose. Mieux encore, la suppression de l’assujettissement des dividendes à cotisations sociales obligatoires pour les dirigeants de société relevant du régime TNS permettrait de régler le problème et d’assurer un traitement équitable avec les dirigeants salariés qui ne le sont pas.