
La clientèle patrimoniale cible la dépendance

Même si elle reste encore peu sollicitée par son conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI), la clientèle patrimoniale est pourtant toujours demandeuse d’accompagnement personnalisé en prévoyance incluant l’audit, les conseils et les produits spécifiques.
Consciente du désengagement de la Sécurité sociale en matière de remboursement de frais de santé, elle montre un intérêt inattendu à la question de la dépendance avec de réelles interrogations sur ses modes de financement.
Tels sont, en résumé, les principaux enseignements de la première partie du baromètre « Les CGPI et la Prévoyance », enquête exclusive du groupe Alptis, spécialiste de la protection sociale auprès des intermédiaires de proximité, et de l’Unep, plate-forme d’épargne-retraite dédiée aux CGPI, réalisée pour la deuxième année consécutive en partenariat avec la société de conseil en marketing et communication pour l’assurance Molitor Consult et L’Agefi Actifs (lire la méthodologie).
Les cadres s’estiment mieux équipés que les chefs d’entreprise.
En 2013, 73,6 % des clients des CGPI estimaient que leur équipement en produits de prévoyance était assez voire très complet. Ils sont cette année 69,6 % à le penser, une chute de 4 % qui porte essentiellement sur la fraction des clients déclarant que leur équipement est très complet (21,6 % en 2013, contre 16 % en 2014). Sans surprise, l’écart reste significatif entre les cadres et les chefs d’entreprise. Les premiers sont les plus nombreux à trouver leur bagage actuel en prévoyance très (21,3 %) ou assez (63,4 %) complet, tandis que les seconds ne sont respectivement que 8,6 % et 44,7 %. Cette appréciation positive des cadres apparaît logique dès lors que l’on considère que cette population salariée conserve une grande confiance dans les garanties collectives négociées par leur entreprise ou leur branche professionnelle.
Les écarts se retrouvent de la même façon lorsque l’on mesure le degré de satisfaction entre les populations : les chefs d’entreprise sont seulement 66,7 % à être très ou assez satisfaits de leur équipement en produits de prévoyance, contre 87,3 % pour les cadres et 76 % pour les professions libérales. Certes, les clients sont plutôt satisfaits, mais ils font état dans le même temps d’un niveau d’information moyen sur les questions de prévoyance, 48,7 % le déclarant très faible ou assez faible, avec, là encore, des différences très nettes entre les chefs d’entreprise et les cadres. Les premiers sont 37,3 % à déclarer être très bien ou assez bien informés des questions de prévoyance et les seconds 68,7 %.
Absence d’analyse préventive.
Reste à savoir si cette grande confiance de la part des cadres et, plus globalement, cette affirmation d’être correctement assuré par la majorité des sondés (toutes catégories confondues) sont justifiés. Comme en 2013, force est de constater que cette perception positive demeure sans fondement, dans la mesure où seuls 8,2 % des clients indiquent avoir réalisé un bilan de prévoyance – une proportion en légère progression par rapport au premier baromètre (7,6 %). Sans avoir subi d’examen médical, le patient affirme ne pas être malade !
Absence des CGPI sur le marché.
La clientèle patrimoniale va chercher prioritairement ses produits de prévoyance auprès des institutions de prévoyance (IP) (28,5 %), des banques (24,2 %) et des assureurs (24,1 %). Après ce trio de tête viennent les courtiers (19,9 %), les CGPI (2,2 %) et les mutuelles (1,1 %). Peu de changements sont à constater par rapport à l’étude précédente, si ce n’est que la part des CGPI, même si elle est quasi insignifiante, a doublé en un an. Il n’est pas inutile de noter que les intermédiaires indépendants, courtiers « traditionnels » et CGPI réunis, se situent en quatrième position, bien entendu avec des différences selon les statuts. Ainsi, les chefs d’entreprise sont plus nombreux à consulter un indépendant (27,2 %) que les cadres (12,8 %), tandis que les professions libérales se situent dans la moyenne.Les IP, agents d’assurances et salariés de compagnies ont une présence marquée chez les clients des CGPI par le biais des solutions de prévoyance qu’ils proposent. Seront-ils capables d’aller plus loin au détriment des indépendants dans la reconfiguration des modèles de protection sociale qui se dessine ? Quant aux banques, elles sont depuis longtemps et dans tous les domaines les concurrents directs des CGPI. Leur présence sur le terrain de la prévoyance reste néanmoins remarquable, à tout le moins sur un plan quantitatif.
Clients et CGPI : un problème de jonction sur la prévoyance.
Les clients des CGPI ne sont pas sollicités par leur conseiller sur la prévoyance. Pour 66 % d’entre eux, celui-ci ne leur propose pas de produits de protection patrimoniale, un pourcentage en baisse néanmoins par rapport à l’an passé, où le taux atteignaient près de 71 %. Il y a donc un léger mieux. Lorsqu’ils sont actifs sur le sujet, les conseillers proposent majoritairement des contrats Madelin, puis des contrats décès-invalidité. A noter que ces derniers chutent de près de 10 points par rapport à 2013 au profit des contrats obsèques, dépendance et homme clé, qui, de leur côté, grimpent parmi les solutions mises en avant par les CGPI, selon leurs clients.
Pour ce qui les concerne, les CGPI ne sont pas plus approchés par leurs clients sur le terrain de la protection patrimoniale. Seuls 13,8 % des clients admettent avoir sollicité leur conseiller en 2014 – en légère hausse de 2 % par rapport à 2013 –, les chefs d’entreprise étant les plus demandeurs, mais sans excès (19,3 %). Pourtant, ces clients sont un peu plus nombreux (+ 1,8 %) à trouver les CGPI à la fois légitimes et crédibles pour présenter des produits de prévoyance. Le nombre de ceux qui se disent intéressés par le fait que leur conseiller se développe sur la partie prévoyance augmente lui aussi de 4,7 % pour atteindre 58 % d’intéressés ou de très intéressés. On retrouve toujours les mêmes écarts entre les chefs d’entreprise, qui montrent un intérêt fort et très fort à 70 %, et les salariés, où cet intérêt se situe à 42 %. De la même manière, près de 54 % des clients (+ 3,5 % par rapport à 2013), dont environ 63 % des chefs d’entreprise, souhaitent que leur CGPI évoque avec eux les questions liées à la protection patrimoniale.
Presque les deux tiers des clients de CGPI souhaiteraient que leurs conseillers leur proposent les produits par une démarche active et 21,9 % uniquement à leur demande. Dans la catégorie « autres », qui regroupe + 13, 7 % des sondés, on retrouve principalement une démarche via une présentation par internet.
Des produits dédiés.
Le constat est sans surprise, et sans évolutions majeures par rapport à l’an passé, les clients patrimoniaux veulent en priorité des produits spécialement adaptés à leurs situations, modulaires et dotés d’un excellent service avec le conseil, qui doit inévitablement accompagner le tout. Cela correspond à l’esprit de cette population.
La dépendance plus présente…
En 2013, les clients des CGPI déclaraient avoir besoin prioritairement de contrats décès-invalidité individuels (très majoritairement à 45 %), puis d’homme clé (14,9 %), de Madelin (10,7 %), d’emprunteur (10,4 %) puis de dépendance (7,4 %). En 2014, les cartes sont rebattues. Si le décès-invalidité individuel reste en tête (30 %, soit une chute de 15 % tout de même), la dépendance grimpe en flèche pour occuper la deuxième place du podium (17 %). Curieusement, l’homme clé chute en cinquième position (12,5 %).
La dépendance est aussi l’offre pour laquelle les clients solliciteraient volontiers leur CGPI. En 2013, la protection contre la perte d’autonomie était citée par 5 % des CGPI en choix prioritaire (sixième position). En 2014, le taux passe à 10,3 % et occupe la quatrième place. Mais la dépendance prend la première place parmi les contrats cités en deuxième et en troisième choix par les clients des CGPI, avec respectivement une proportion de 24 % et de 41,9 % (contre 1,9 % pour le deuxième choix – cinquième position – et 26, 9 % pour le troisième choix – deuxième position en 2013).
… surtout pour les cadres.
Il est intéressant de noter que, cette fois, ce sont les cadres qui poussent en avant les pions de la dépendance. Ils sont un peu plus de 23 % à déclarer qu’ils ont besoin de ce produit, contre 11,4 % des chefs d’entreprise et 16,4 % des professions libérales. Ils sont aussi les plus nombreux à citer le contrat de dépendance en deuxième choix (39,5 %) et en troisième choix (52 %).
Un sujet de préoccupation pour les clients patrimoniaux.
La réforme de la dépendance, longtemps promise, tarde même si un projet de loi devrait normalement être débattu prochainement. Cette année, le baromètre s’est justement penché sur le sujet de la perte d’autonomie pour faire apparaître que le risque constituait un fort sujet de préoccupation (à 89,6 %) chez les clients des CGPI. Aucune différence significative n’apparaît sur ce terrain entre les segments : chefs d’entreprise, cadres ou professions libérales. Mais c’est surtout la question du mode de financement qui doit être soulignée. A ce niveau, les réponses montrent une clientèle assez désemparée et à la recherche de solutions nouvelles. Ainsi, 13,1 % pensent pouvoir la financer sur leur patrimoine et 13,9 % par le biais d’un contrat spécifique. La grande majorité répond : « par un autre moyen ». Et, sur cette dernière base, la grande majorité d’entre eux (63,5 %) reconnaît qu’elle ne sait pas comment réellement financer la perte d’autonomie, les cadres étant encore plus nombreux que les autres à ne pas avoir d’idée (71,4 %), suivis des chefs d’entreprise (60,1 %) et des professions libérales (58,5 %).Conclusion : les opérateurs vont devoir sortir des sentiers battus et inventer de nouvelles formes de protection pour le vieil âge. Les garanties d’assurance classiques ont du mal à convaincre une population patrimoniale qui, par définition, a plus de moyens à consacrer à une couverture d’assurance.
Si l’on croise les résultats de ce baromètre avec ceux d’autres études, qui tendent à montrer que le souhait des personnes âgées est bien de rester le plus longtemps possible à leur domicile, il apparaît qu’il est temps pour les opérateurs de se mettre en mouvement pour exploiter les possibilités offertes par les technologies en vue de produire plus de garanties d’assistance et de services. L’ère de la « Silver Economie » est venue.
Deux points doivent encore être évoqués. Le premier a trait aux dépenses de soins. En 2014, le baromètre a questionné les clients des CGPI sur leur perception du phénomène de désengagement de la Sécurité sociale. Plus de 77 % le ressentent, surtout les cadres (à 86 %). Un gisement peut-il être exploité en matière de surcomplémentaire santé pour les cabinets de CGPI ? Il conviendra de suivre le dossier à l’heure où les pouvoirs publics travaillent à une transformation en profondeur des contrats « responsables », c’est-à-dire dotés d’avantages fiscaux et sociaux.
Le second point, important lui aussi, est lié à la façon dont les clients des CGPI considèrent la retraite. Pour une écrasante majorité, 96,2 %, il s’agit d’une opération de prévoyance et non d’épargne (3,8 %). Preuve que la clientèle, avertie en l’occurrence, sait parfaitement faire la distinction parmi les formules, entre une opération de couverture à long terme et un placement quasi liquide et, pour être plus clair, entre un contrat à sortie en rentes et une assurance vie. Là aussi, il y a matière à réflexion pour les institutionnels et les sociétés de conseil. Le baromètre 2014 confirme les tendances de l’année 2013. La progression dans la démarche commerciale des CGPI pour proposer des audits et des solutions en prévoyance depuis un an est lente, ce qui n’est guère anormal, mais elle existe. Le marché est là, à commencer par celui des chefs d’entreprise, et d’autres que les CGPI pourront en tirer partie. La généralisation de la complémentaire santé collective est à ce niveau une excellente porte d’entrée pour les concurrents des indépendants du patrimoine.
Pour aller plus loin
L’étude complète est disponible auprès d’Alptis.
Contact : Patrick Audely
p.audely@alptis.fr - tél : 04 72 36 23 45
Le second volet de ce baromètre consacré à l’action des CGPI dans le domaine de la prévoyance patrimoniale sera présenté à l’automne.