
Donner un second souffle à la gestion

Près d’un an et demi après l’annonce faite par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, les fonds de pension « à la française » deviennent une réalité à la suite de l’adoption de l’ordonnance du 7 avril dernier. Les Fonds de retraite professionnels supplémentaires (FRPS) représentent donc une nouvelle possibilité offerte aux organismes assureurs pour gérer leurs engagements en matière d’épargne retraite.
Un nouveau véhicule juridique.
Sur un plan juridique, les FRPS sont des personnes morales de droit privé qui peuvent gérer « les contrats ayant pour objet la fourniture de prestations de retraite liées à une activité professionnelle, versées en supplément des prestations servies par les régimes de base et complémentaire légalement obligatoires ou attribués par référence à la perspective d’atteindre la retraite », précise l’article premier de l’ordonnance.
Sont visés par le texte les articles 39, c’est-à-dire les contrats retraite financés intégralement par l’employeur. Les articles 82 et 83, qui sont des contrats à adhésion facultative où le salarié peut verser des cotisations – ainsi que l’employeur sous la forme d’un abondement –, entrent également dans le champ de l’ordonnance. Les contrats Madelin et les contrats d’indemnités de fin de carrière peuvent également être intégrés dans ce nouveau cadre réglementaire. Les plans d’épargne retraite populaire (Perp) sont en revanche exclus du nouveau dispositif car il s’agit de retraite individuelle.
Un cadre réglementaire contraignant.
La mise en place des FRPS répond à une attente forte de la part des acteurs du secteur. En effet, depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2016 du nouveau cadre réglementaire Solvabilité II, l’encadrement des marges de solvabilité des compagnies d’assurances est plus contraignant. Dit autrement, les assureurs doivent désormais mobiliser plus de fonds propres pour couvrir les risques liés à leur activité. « La directive Solvabilité II renforce le coût des exigences prudentielles applicables aux assureurs gérant des dispositifs de retraite professionnelle supplémentaire, ce qui pénalise leur capacité à investir en leur imposant des critères de solvabilité basés sur un horizon d’un an alors que la retraite se gère sur un très long terme », analyse Valery Jost, vice-président de l’Institut des actuaires.
Maintenir la compétitivité.
Le FRPS est envisagé comme une solution destinée à maintenir une certaine compétitivité entre les assureurs français et les fonds de pension européens. En effet, dans les pays de l’OCDE, les fonds de pension représentent en moyenne 17 % du montant des prestations versées au titre d’un régime par capitalisation. Ce poids est encore plus élevé aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni (avec respectivement 51 % et 48 % de la part du montant versé). En France, ce sont les assureurs qui dominent le marché de la retraite par capitalisation. Il est estimé à environ 130 milliards d’euros. Alors que les assureurs sont soumis au cadre de Solvabilité II, les fonds de pension n’ont pas à respecter les mêmes contraintes réglementaires. Une entreprise française désirant mettre en place un outil de retraite pour ses salariés pourrait donc être tentée d’aller solliciter un fonds de pension basé dans un pays limitrophe en vertu de la libre prestation de services.
Une réforme technique.
Qualifiée de réforme de « nature technique » lors du Conseil des ministres avalisant l’ordonnance, le texte est le résultat d’une négociation entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et le Trésor. « Le texte adopté constitue une nouvelle grammaire réglementaire qui emprunte autant à Solvabilité I pour les exigences de marge qu’à Solvabilité II pour la gouvernance tout en héritant de certaines dispositions propres aux institutions de retraite professionnelle (lire l’entretien). Il implique tous les acteurs de la retraite professionnelle supplémentaire en France : assureurs, mutuelles et institutions de prévoyance », précise Valery Jost.
L’importance des tests de résistance.
Cette nouvelle mécanique repose sur la possibilité laissée à l’assureur de transférer les engagements retraite de son portefeuille dans un canton géré au sein du FRPS. L’assureur doit préalablement monter un dossier et solliciter l’agrément de l’ACPR. L’autorité a également un pouvoir de contrôle en continu et le FRPS doit lui fournir un rapport sur sa solvabilité et sa situation financière ainsi que les résultats des tests de résistance qui ont pour but d’« évaluer leur capacité à faire face à leurs engagements à l’égard de leurs assurés, membres, adhérents et participants, notamment dans certains scénarios représentant des conditions détériorées de marché ». L’arrêté devant préciser le calibrage de ces tests de résistance a été examiné récemment par le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) mais il n’est pas encore paru officiellement.
Ce calibrage cristallise certaines craintes de la profession car s’il se révèle trop pénalisant, il risque de faire perdre de l’intérêt au transfert en portefeuille en FRPS. « Le calibrage des tests de résistance sera un des éléments déterminants dans le choix des organismes assureurs à basculer en FRPS. Dans la mesure où le projet a fait l’objet sinon d’un consensus de place, du moins d’une concertation très constructive, on peut penser que l’arrêté relatif au test de résistance prendra suffisamment en considération l’intérêt de toutes les parties en présence pour être assez protecteur envers les assurés et pas trop coûteux pour les assureurs », indique Valery Jost.
Plus d’informations sur la retraite en points.
L’ordonnance du 7 avril est également l’occasion pour le législateur d’apporter un certain nombre de précisions sur les régimes en points ou unités de rente, qu’ils soient professionnels ou non, comme c’est par exemple le cas de la Prefon. En vertu de l’article 12, l’organisme doit communiquer annuellement à l’adhérent « les valeurs d’acquisition de l’unité de rente correspondant à la situation de l’adhérent au cours de l’année écoulée, le montant total des droits acquis exprimés en nombre d’unités de rente, les principales informations techniques et financières de la convention, notamment celles permettant à l’adhérent d’apprécier la situation financière de la convention à laquelle il a adhéré, et lorsque la convention prévoit des possibilités de baisse de la valeur de service de l’unité de rente et de conversion, les conditions de mise en œuvre de ces possibilités ».
Ces régimes retraite spécifiques avaient besoin d’une clarification et le législateur a profité de l’ordonnance sur les FRPS pour apporter des précisions sur le sujet sans passer par un texte de loi qui leur soit spécialement dédiés. « Il s’agit essentiellement d’une harmonisation des différents codes applicables à la retraite en points. La possibilité de baisse de valeur du point est désormais généralisée sous conditions et les organismes assureurs doivent être en mesure de le communiquer de manière compréhensible pour l’assuré », précise Norbert Gautron, actuaire et président du cabinet Galéa & Associés