Tribune

Bonus et surcote sont-ils vraiment efficaces pour retarder l’âge de départ à la retraite ?

France Retraite - Françoise Kleinbauer
Le gouvernement projette d’appliquer des surcotes, c’est-à-dire de majorer les pensions finales de ceux qui retardent leur départ en retraite de 3 à 5 % par année supplémentaire d’activité. L’objectif premier ? Inciter à travailler plus longtemps pour contribuer à l’équilibre des régimes de retraite.
Damien SEON, Françoise Kleinbauer - France Retraite

Le choix de l’âge de départ n’est pas uniquement fondé sur des considérations financières. Si la surcote peut être un élément incitatif pour rester ou non en activité, d’autres peuvent influer sur cette prise de décision. Pour les participants à la consultation citoyenne de fin 2018, proposer des bonus financiers pour ceux qui continuent à travailler après l'âge légal de départ est une idée controversée : « si elle apparait à certains « juste » et permet à chacun d’améliorer le montant de sa pension, elle pourrait être une entrave au taux d’emploi (une personne qui travaille trop longtemps, c’est un chômeur qui ne trouve pas de travail). »[1] Cette position est une illustration de l’état d’esprit dans lequel se situent de nombreux seniors dans cette période de « pré-liquidation ».

Qu’apporterait cette « surcote » sur le niveau de pension ?

Les experts de France Retraite ont extrait deux cas types parmi les dossiers réellement traités, pour donner des indications chiffrées sur l’impact de cette surcote : n’oublions pas que le choix de décaler ou non son âge de départ suppose surtout que la personne soit en activité. Or le taux d’emploi des seniors (60-64 ans) est de l’ordre de 30 % en France (42 % pour la moyenne européenne)[2]. Une incitation à rester dans l’emploi qui concernerait donc moins d’une personne sur deux.

Et si la retraite progressive devenait LE levier de gestion des départs en retraite ?

Véritable outil de GPEC, de plus en plus d'entreprises ouvrent le dispositif de Retraite Progressive de manière collective, portées par un réel engouement lorsqu'elles en perçoivent les bénéfices. Les clés du succès ? Un dispositif motivant et financièrement  intéressant pour toutes les parties prenantes (salariés, direction, caisse de retraite) et pour les différents dispositifs sociaux impliqués en fin de carrière (chômage, régime de prévoyance etc...)

La retraite progressive c’est aussi un temps partiel qui peut être annualisé pour apporter une réelle souplesse dans l'organisation du travail : cette agilité correspond aux besoins de l'entreprise comme aux aspirations du salarié senior. Quant aux managers, personnes centrales dans les relations avec les équipes, ils plébiscitent la retraite progressive qui leur permet d’éviter les temps partiels « subis » : les arrêts de travail des seniors sont deux fois plus longs que ceux des jeunes : en moyenne, 76 jours pour un senior contre 33 jours pour les salariés)[3].

Plus qu’une simple incitation financière à retarder son départ

L’anticipation et la gestion des fins de carrière dans l’entreprise via la retraite progressive participent ainsi à la sérénité du senior et l’aident à la prise de décision sur sa date de départ. La surcote est un levier financier individuel non négligeable mais qui ne peut pas être l'unique instrument d’une politique de rééquilibrage de notre système de retraite. Et si l’enjeu de la prochaine réforme était avant tout de changer notre regard sur le passage en retraite, en acceptant un droit pour tous à une fin de carrière progressive ?

 

[1] Point d’étape de la participation citoyenne – 13 décembre 2018

[2] Etude France Stratégie Les seniors, l'emploi et la retraite – octobre 2018

[3] Chiffres de l’Assurance Maladie – juillet 2017