
Banquiers et assureurs défendent les frais des plans d’épargne retraite

C’est une charge entendue mais qui paraît trop simpliste aux yeux de certains acteurs. En s’attaquant aux frais des Plans d’épargne retraite (PER), Bruno Le Maire veut soutenir la dynamique du produit qui fête ses deux ans. Pour cela, le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé chercher un accord de place avec les banques et les assureurs concernant notamment une des idées centrales du rapport de la présidente du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui avait épinglé les tarifs des PER. Il propose de rendre plus lisible l’ensemble des frais à l’aide d’une colonne finale dès la documentation précontractuelle, en pourcentage de l’encours. «La profession est prête à réfléchir, en collaboration avec le ministère, aux moyens d’améliorer l’information des clients du PER», a réagi la Fédération française de l’assurance (FFA).
Alors que les discussions vont débuter sur le sujet, l’organisation avance même des propositions en lien avec la plus grande transparence permise par la loi Pacte : «Etendre cette transparence à la sphère publicitaire, en l’indiquant par exemple sur le site internet, ou encore améliorer la présentation des frais détaillés, en faisant apparaître la somme de ces éléments détaillés.» Des pistes qui vont dans le bon sens, selon Laure Delahousse, directrice générale adjointe de l’Association française de la gestion financière (AFG). «Cette question des frais va au-delà de la simple nécessité de transparence : il s’agit de permettre aux épargnants français de faire des choix éclairés grâce à un langage clair et des clés de compréhension, d’où l’importance du rôle de l’éducation financière», indique-t-elle. Sans répondre directement aux critiques du ministre, la Fédération bancaire française (FBF) partage d’ailleurs cet argument.
Une source de concurrence
C’est même pourquoi, selon certains professionnels, la diversité des frais peut être vue comme une bonne chose dans la mesure où elle traduirait une différence de services. «Il y a un équilibre rendement-risque-frais qui se crée. Les fonds actions sont plus chargés que les fonds monétaires car ils demandent un travail de sélection plus poussé et sont plus rentables sur le long terme», explique par exemple Laure Delahousse. Un avis que ne partage pas Sébastien d’Ornano, président de Yomoni : «Ce qui est distribué par les réseaux bancaires est facturé bien plus cher que le niveau de conseil prodigué au client, l’argument ne tient pas.»
Le fondateur de la fintech qui a lancé une version dite «compte-titres» du produit , avec un tarif autour de 1,6%, assure qu'«il y a un sujet d’alignement d’intérêts entre les épargnants et les intermédiaires qui n’est pas toujours mis en œuvre car les intermédiaires ont tendance à partager l’avantage fiscal et cela se voit donc dans les frais». Pour autant, il ne réduit pas la question à celle des frais : «Le ministère ne s’appuie pas assez sur les nouveaux acteurs en considérant que la concurrence ne doit se faire qu’entre les banques et les assureurs. Un autre levier pour une saine concurrence sur lequel Bercy a entièrement la main serait un alignement de la fiscalité entre la version compte-titres du produit et la version assurantielle». Le premier ne bénéficie pas d’abattements fiscaux en cas de décès du souscripteur.
Un succès qui devrait continuer
Les frais n’ont pas empêché le succès du produit, qui a presque atteint ses objetcifs. Selon le deuxième rapport annuel du comité d’évaluation de la loi Pacte, les encours d’épargne retraite sont passés de 230 milliards d’euros en 2018 à 269 milliards fin 2020, dont 31 milliards d’euros pour les nouveaux PER alors que 85% de la somme correspond à des transferts d’anciens produits d’épargne.
Surtout, le marché de l’épargne retraite n’est pas près de se contracter. Un sondage d’Odoxa pour Groupama, dévoilé lors d’un colloque de l’assureur, rapporte que les actifs ne cessent d’augmenter leur budget affecté à la préparation de la retraite, à 220 euros par mois. La retraite est la deuxième motivation à l’épargne (24%, derrière la précaution, 46%) et les répondants souhaiteraient y consacrer plus de 300 euros par mois. Si l’épargne sur livret (31%) et la propriété de sa résidence principale (30%) sont les deux financements préférés, le PER a toute les qualités pour accompagner cette préoccupation croissante : «La moyenne de la cotisation des PER individuels navigue à 160 euros. La moyenne d’âge des personnes à l’origine des versements sur le PERP (un des produits que le PER remplace) était de 50 ans, elle est désormais de 45 ans sur le PER», détaille Jean-François Garin, directeur adjoint de Groupama. Assurément, une meilleure transparence ne sera pas un frein.