Louve Invest perturbe le petit monde des SCPI

Aurélie Fardeau
Avec son modèle de distribution “low cost”, Louve Invest s’attire les foudres des conseillers en gestion de patrimoine et des sociétés de gestion. Pour s’imposer, la start-up fait feu de tout bois. La fin justifie-t-elle les moyens ?

Investir dans les principales SCPI du marché à frais réduits, telle est la proposition de la jeune société Louve Invest, fondée il y a un an par Clément Renault et Théophile Lambert. La difficulté réside dans le fait que le prix des parts de SCPI intègre les commissions de souscription. Pour contourner cette difficulté, la société reverse une partie des rétrocessions qu’elle perçoit en tant que conseiller en investissement non indépendant, selon le principe du cashback. C’est pourquoi le site évoque « 2,5 % de bonus dans les 60 jours sur la plupart des SCPI ». « Nous sommes le seul distributeur indépendant à offrir un bonus aux clients », se targue Clément Renault. En effet, ce mécanisme est déjà expérimenté par le site d’épargne en ligne Moniwan, créé par La Française, mais il se limite peu ou prou aux produits du groupe.

La proposition séduit. Louve Invest revendique plus de cinq millions d’euros de collecte sur le mois de janvier 2022. « Notre collecte croît de 30 % chaque mois depuis le lancement », évalue Clément Renault. En fin d’année dernière, la start-up a par ailleurs noué un partenariat avec Younited Credit pour proposer une offre de crédit et elle a levé 2 millions d’euros auprès de plusieurs investisseurs. Elle a en outre l’ambition d’ouvrir une marketplace de revente de parts de SCPI entre particuliers. Des débuts prometteurs mais qui lui valent de s’attirer les foudre de ses concurrents, distributeurs de SCPI. Ces derniers voient d’un mauvais œil cette concurrence. « On veut bien perdre une affaire mais sur une compétition loyale », réagit sur Linkedin Raphaël Oziel, fondateur de La Boutique des Placements.

Rien à redire

Reste que le procédé n’est pas illégal. « Nous considérons que notre prestation nous permet de reverser une partie des rétrocessions au client et nous avons validé juridiquement que  nous avions le droit de faire ce geste commercial », indique Clément Renault. Les services juridiques de la CNCGP et de l’Anacofi, contactés par la société, n’ont rien trouvé à y redire. En revanche, certaines sociétés de gestion interdisent cette pratique de manière contractuelle. « Un certain nombre de sociétés de gestion écrivent noir sur blanc dans leurs conventions de partenariats que les gestes commerciaux sont interdits, notamment celles qui permettent de souscrire en direct », souligne Pierre Garin, directeur du pôle immobilier de Linxea. C’est notamment le cas de Corum, Sogenial, Atland Voisin… « Nous voulons que tous les associés soient égaux, explique une société de gestion. La rentabilité du client à qui l'on redonne une partie des frais de souscription n’est plus la même. »

D’autres ont refusé de s’associer avec ce nouveau distributeur pour éviter la fureur de leurs partenaires historiques ou bien ont remis en cause leur convention. Mais ils voient toujours leurs produits référencés sur le site. Chez Louve Invest on se défend d’aller contre la volonté des sociétés de gestion. « Certaines sociétés de gestion travaillent avec nous sans forcément le mettre en avant, indique Clément Renault. Elles se rendent compte que le risque de refus de vente est trop important. » A bien y regarder, la réalité semble être assez complexe. Tout d’abord, la marque Louve Invest n’est pas celle qui est enregistrée à l’ORIAS, mais la société Optima Capital, une source de confusion. Plusieurs gestionnaires de fonds ont aussi dénoncé les pratiques de Louve Invest pour continuer à afficher leurs produits sur le site. « J’ai refusé de signer une convention avec eux mais ils passent par des plateformes de distribution pour contourner le problème », s’indigne le représentant d’une société de gestion. A l’image d’Alpheys Invest, qui donne accès à 30 SCPI de 16 sociétés de gestion différentes, en souscription totalement digitalisée. Mais selon une source proche du dossier, la plateforme aurait coupé les accès de la start-up courant janvier. Autre pratique cavalière : « Ils montent des partenariats avec d’autres CGP pour contourner l’absence de convention », assure un gérant.  

Conseillers certifiés AMF

Les gestionnaires de SCPI avancent un autre argument pour justifier leur méfiance : la qualité du conseil prodigué par le site. « On dirait qu’ils vendent des SPCI comme des fruits et des légumes alors que si on est CIF il faut établir un rapport de connaissance client et prodiguer du conseil, le font-il réellement ? », s’interroge Pauline Collet, directrice du développement et du marketing d’Alderan. Interrogée à ce sujet, Louve Invest indique employer quatre conseillers financiers certifiés AMF. Le sujet est remonté aux oreilles de l’Anacofi, qui étudie le dossier avec attention. « « La distribution de SCPI est encadrée par le statut de CIF, rappelle Jean-Jacques Olivié, président de l’Anacofi Immo. Un tel investissement doit se faire dans le cadre d'une stratégie patrimoniale et ne peut pas se limiter à une réduction de prix. Les sociétés de gestion ont d’ailleurs intérêt à s’assurer que le client a investi en toute connaissance de cause sur ce placement de long terme. » Un rappel d’autant plus valable que 60 % des clients de Louve Invest sont des primo-investisseurs en SCPI.