Les Assises du Patrimoine 2021

Les Assises du Patrimoine 2021

Retour en images sur les grands moments des Assises du Patrimoine qui se sont déroulés le 1er et 2 juin dernier, où 26 experts ont partagé leurs expériences et leurs visions du marché dans de nombreux domaines.

Comment se portent les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) ? Quelle évolution constate-t-on de leur métier et de leur organisation ? Comment voient-ils l’avenir et, forts de leurs compétences, quelles stratégies ont-ils développé pour affronter une situation économique particulièrement complexe ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions qui se sont posées avant d’établir le programme des Assises du Patrimoine 2021, durant lesquelles 26 experts du patrimoine vont partager leurs expériences au cours de débats ou d’entretiens exclusifs.

A l’évidence, si un optimisme général – mesuré cependant – règne au sein de la profession, quelques points importants nécessitent une certaine vigilance. Retour sur quelques moments forts de la préparation d’une manifestation qui s’annonce riche en informations et en enseignements.

ACTIVITÉ : LES CHOIX STRATÉGIQUES DES CGP DANS LA CRISE
 

 


Sereins. C’est a minima la façon dont on peut qualifier l’état d’esprit des CGP. Malgré la crise. Il est vrai que celle-ci n’a pas provoqué la mutation que connaît la profession. Le phénomène de consolidation auquel on assiste est nettement antérieur. En revanche, la crise a sans doute participé à l’accélération du mouvement. « Le marché est en croissance et les produits d’épargne en expansion, expose Meyer Azogui, président de Cyrus Conseil. Le terrain est favorable pour permettre à notre profession de se mettre en avant et conquérir des parts de marché. L’environnement juridico-fiscal est des plus complexes et il est nécessaire de tenir compte de phénomènes sociétaux importants tels que le vieillissement de la population ou la persistance de problématiques liées aux financements des retraites avec, en filigrane, la fin de l’Etat providence. » Tout cela constitue donc un terreau favorable à une approche patrimoniale à forte valeur ajoutée. Elle explique une redistribution des cartes dans un pays riche et avec un taux d’épargne parmi les plus élevés dans le monde. La période actuelle leur est d’autant plus profitable que pour Meyer Azogui, les banques de réseau sont freinées par l’hyper-réglementation qui conduit à une standardisation extrême des offres clients, tandis que les banques privées segmentent de plus en plus leurs clientèles et augmentent leurs seuils d’accès…

Si la consolidation est une réalité, elle le doit en partie à l’arrivée des fonds d’investissement qui résistent également très bien à la crise. Ils ont clairement accéléré le mouvement en cours. « Les fonds viennent chercher des opportunités, confirme Vincent Couroyer, président du groupement Magnacarta. Parce que notre modèle s’est révélé extrêmement résilient et parce que nous sommes à la fin de la première génération de CGP apparue en 1990. » Dans ce cadre, la crise favorise les vendeurs chez qui pointe une certaine lassitude après deux décennies d’activité et pas moins de six crises majeures... « Pour ceux-là, la question de continuer ou non est clairement posée », indique Vincent Couroyer.

Outre la réglementation et la lourdeur des tâches, il faut également prendre en compte la pyramide des âges et aussi la crainte pour certains professionnels que l’interdiction des rétrocessions s’impose tôt ou tard. « Voilà qui pourrait dévaloriser leur cabinet et les inciter à franchir le pas dès maintenant », précise le président de Magnacarta.

Marché atomisé

Imaginer pour autant que la consolidation se fera sans heurts est sans doute un peu rapide. « Il y aura des gagnants et des perdants », prédit Meyer Azogui qui évoque un problème de taille critique pour justifier le phénomène de concentration. Mais attention, elle n’explique pas tout ! « Le vieillissement de la population des CGP et le niveau de valorisation attractif des cabinets - soutenus par la présence des fonds d’investissement - accélèrent également ce phénomène de concentration » relève le président de Cyrus Conseil.

Reste que de nombreux CGP se disent à l’achat essentiellement pour faire de la croissance. En raison également des coûts de production qui se sont accrus et ont remonté les points morts. En outre, « small is beautiful » ne se conjugue plus vraiment dans le monde des conseillers. « Cela devient de plus en plus compliqué compte tenu de la sophistication de la recherche », avoue Vincent Couroyer qui cite en exemple la complexité des connaissances requises dans des domaines aussi différents que ceux des cryptomonnaies ou de la fiscalité, etc.

« Le métier se porte très bien, le digital s’est accéléré, et l’ensembles des tâches se dématérialisent de plus en plus », affirme Hélène Barraud-Ousset, gérante au Centre du Patrimoine et présidente du club des Entrepreneurs CGP. « Mais il faut bien admettre que si pour les gros cabinets, l’activité s’est accélérée, pour les petits en revanche, les temps ont été plus difficiles », explique-t-elle. Ce constat n’est pas récent. Il sous-entend qu’un CGP seul peut mener à bien son activité s’il n’est pas en risque. En revanche, sa qualité de vie ne cesse de se dégrader... Il est vrai que le marché est atomisé. Il y a de gros acteurs comme des micro-acteurs. Pour ceux-là, il est difficile parfois d’équilibrer vie privée et vie professionnelle tant les aspects administratifs ont pris le pas sur le reste. « Ces conseillers pourraient être rattrapés par des plateformes qui seront en mesure de leur faciliter la vie et de leur permettre d’exercer en sécurité leur activité, prévient Meyer Azogui. Mais le revers de la médaille risque d’être une dépendance plus forte à ces plateformes qui proposeront de plus en plus de solutions d’investissements maison. »

L’union fait la force

Tout ceci explique sans doute la présence de groupements dans la profession. A l’évidence, il y en a pléthore et cela peut interroger. « Le meilleur business model est celui avec lequel vous vous sentez le plus en phase », résume Vincent Couroyer.

En pratique, Cyrus Conseil se présente par exemple comme une société structurée forte de 240 collaborateurs et construite sur un modèle intrapreneuriale où 110 actionnaires salariés se partagent 71 % du capital. Le groupe est doté d’une direction de l’ingénierie patrimoniale, de ressources humaines, d’un service juridique… et de deux sociétés de gestion - financière et immobilière. « Notre stratégie de développement est ambitieuse et cohérente. Nous souhaitons créer une marque nationale forte et reconnue dans le domaine de la gestion privée et la gestion de fortune qui couvre l’ensemble des besoins de nos clients afin de leur faciliter la vie et donner du sens à leur patrimoine », détaille Meyer Azogui.

Pour autant, Cyrus Conseil évolue dans le monde de la distribution et la production avec quatre expertises bien identifiées. Ces expertises permettent de proposer des produits performants et sécurisés dans des domaines de la gestion d’actifs, le private equity, les produits structurés, ou encore l’immobilier sous toutes ses formes. « Naturellement, il faut des moyens et du temps pour offrir ce que nous offrons », admet Meyer Azogui qui entend parallèlement développer la distribution externe des produits d’Invest AM et Eternam - les deux sociétés de gestion du groupe.

Changement de décor avec Magnacarta. Le groupement qui compte une centaine de cabinets affiliés s’adresse à des conseillers qui trouvent ainsi un moyen efficace de baisser les coûts dans leur activité et de se tourner vers leurs clients. Au demeurant les cabinets peuvent faire de la croissance externe pour aller plus vite dans leur développement. Dans ce cadre, Vincent Couroyer doit profiter des Assises du Patrimoine pour annoncer une évolution d’importance pour son groupement. « Nous allons donner la possibilité à des cabinets membres ou non, de s’associer au groupement », a-t-il dévoilé à la rédaction en préparation de l’événement. Baptisée Mérimée, cette offre qui se présente comme une alternative aux fonds d’investissement sous-entendra un lien capitalistique avec Magnacarta et s’adressera plus précisément aux cabinets souhaitant dépasser leur plafond de verre. Elle sera également marquée par un fort régionalisme car la territorialité est un point important pour Vincent Couroyer. « Cela autorise toutes les formes de développements des cabinets en les accompagnant dans différentes opérations comme nous l’avons déjà fait avec trois d’entre eux en 2019 », a précisé le responsable.

Liberté préservée

A la tête du Club des Entrepreneurs, Hélène Barraud-Ousset évoque pour sa part la complexité du métier, la réglementation, le respect des bonnes pratiques ou la recherche de retours d’expérience pour justifier la naissance de son groupement. « Le CGP seul est moins d’actualité », insiste la responsable. Cependant, les 19 membres actuels n’ont pas de lien capitalistique entre eux. « C’est plus un regroupement qu’un groupement car il est très important que nous gardions chacun notre liberté », expose Hélène Barraud-Ousset. Le club des entrepreneurs permet ainsi de bénéficier d’un « effet volume » auprès des fournisseurs mais la liberté d’entreprendre de tous les membres est préservée… Et les approches comme les formations différenciantes également. « C’est un enrichissement sans remettre en cause l’ego de chaque CGP », résume la responsable qui note que dans la phase de consolidation que l’on connaît, des sociétés de gestion courtisent des cabinets pour encours et leurs savoir-faire. « Cela facilite les choses mais on ne fait pas le même métier pour autant, relève-t-elle. Avec notre groupement, nous ne perdons pas notre âme... »

Restait pour finir à évoquer l’avenir de la profession. Compte tenu de la présence de patrimoines importants, des compétences requises pour exercer le métier et de la marge de développement importante, les trois experts ont fait preuve d’optimisme. N’oublions pas que les CGP ne représentent que 7 % à 8 % du marché, a rappelé Meyer Azogui. « La concurrence des acteurs traditionnels comme les banques ne me fait pas peur mais elle pourrait avoir peur de nous », a conclu Vincent Couroyer. Sereins donc.

LA CONSTRUCTION D’UNE ALLOCATION D’ACTIFS À L’ÉPREUVE
 

 


 

La période est délicate. La crise sanitaire s’estompe – sans disparaître pour autant – permettant à l’économie mondiale de donner des signes évidents de reprise. Mais le mouvement est loin d’être uniforme. En tête, les Etats-Unis profitent de soutiens massifs dus à la vaccination de la population sur une grande échelle, ainsi que de la politique accommodante de la Fed et d’un plan de relance très ambitieux. La Grande-Bretagne suit, puis l’Europe… Cette évolution est marquée depuis quelques mois par des poussées inflationnistes et une hausse des taux longs des deux côtés de l’Atlantique. Enfin, la Chine, si elle est déjà sortie de la problématique pandémique se retrouve à nouveau au centre de tensions géopolitiques et commerciales. Autant de facteurs d’instabilité qui viennent s’ajouter à une période non moins délicate sur les marchés d’actions, où les niveaux de valorisation élevés ont fait monter d’un cran la volatilité...

Faut-il s’en inquiéter ? Au cours du premier débat qui doit se tenir dans le cadre des Assises du Patrimoine 2021, les intervenants sont apparus plutôt confiants lors des interviews préparatoires. « Nous allons connaître des épisodes de volatilité comme nous en avons eu fin janvier, mais de là à évoquer une rupture de tendance, il y a un pas qu’on peut ne pas franchir, a indiqué François Gazier, gestionnaire de patrimoine et responsable allocation d’actifs et sélection de fonds chez Haussmann Patrimoine. Les taux réels devraient rester durablement négatifs et par la même offrir un soutien aux actifs risqués au-delà des épisodes de stress », a-t-il ajouté en relevant également la bonne visibilité des marchés, et la présence de liquidités et de capacités d’épargne considérables.

A quelques nuances près, ce sentiment est partagé par Cédric Genet, associé fondateur chez Carat Capital. Certes, les données économiques de court terme font état de pressions inflationnistes et l’on constate des effets de base pour les matières premières. En revanche, on ne perçoit pas de hausse des salaires en raison de la forte présence de chômage. « Sur le long terme, il n’y aura pas d’inflation, d’autant que les banques centrales disposent des instruments nécessaires et interviendront comme elles sont intervenues pour lutter contre la déflation », a insisté Cédric Genet. Pour autant, ce scénario va créer de l’instabilité dans les semaines voire les mois à venir. Sur un plan tactique, voilà qui appelle à la prudence avec, par ailleurs, un regain de volatilité. Il ne s’agit en réalité que de la résultante logique de la hausse très rapide des indices, de la forte progression des valeurs de croissance qui ont profité de l’afflux de liquidités et enfin, de la croissance de la dette des Etats. « Oui nous entrons sans doute dans une période plus volatile, a confirmé Marnix van den Berge, directeur général, Intermédiaires Financiers France & Benelux chez Capital Group. Nous nous y attendons et nous pouvons même en profiter ! »

Une gestion appropriée

Dans ce cadre, la question est alors de disposer d’une gestion appropriée. « En matière d’allocation, nous sommes dans une phase de consolidation des acquis », indique François Gazier, dont la gestion est articulée autour d’une organisation core-satellite. « Il s’agit d’une réponse appropriée aux attentes de nos clients plutôt averses au risque, qui offre une gestion patrimoniale diversifiée », a-t-il ajouté.

La diversification est également le maître mot pour Cédric Genet, pour qui, à ce stade de valorisation des marchés, fait preuve de méfiance. « Même si nos portefeuilles consacrent 45 % aux actions, nous avons mis en place des mécanismes de ‘stop loss’ car nos clients sont des investisseurs de long terme », a-t-il expliqué. Pour Marnix van den Berge, en matière d’investissements, le facteur temps reste un élément essentiel. D’où une approche essentiellement centrée sur l’horizon de placement des investisseurs, avec une expertise de gestion liée aux objectifs des investisseurs. C’est donc à partir des objectifs et des horizons de placement envisagés par et pour les clients que la gestion se met en place.

Des fonds plus complémentaires qu’opposés

De ces différentes approches dépendra également la place accordée aux fonds d’investissement à la disposition des gérants. Au centre duquel figurent les fonds patrimoniaux.  « Le fonds patrimonial doit constituer une réponse universelle et afficher une capacité ‘tout-terrain’ », a résumé François Gazier. Non sans rappeler que ces fonds en 2018 ont souffert d’une recorrélation entre les actifs actions et obligations qui constituaient l’essentiel des portefeuilles pour nombre d’entre eux. Trois années de baisse des taux plus tard, force est cependant de constater que ce n’est plus le cas. « Beaucoup de fonds patrimoniaux se sont réinventés (Carmignac Patrimoine, Eurose, etc), a-t-il ajouté. Ils sont plus diversifiés et ont recours à des instruments de couverture. En outre, selon le conseiller, les fonds patrimoniaux, jusque-là binaires, sont devenus flexibles et ont réalisé d’importants efforts en matière de transparence. Tant en matière de communication que de reportings hebdomadaires et de communication. « Nous pensons que tous ceux qui sont capables de transpariser leurs fonds patrimoniaux vont gagner, contrairement à ceux dont les porteurs ont acheté la performance passée, a relevé Cédric Genet. Car ce temps est révolu. Avec le recul, les gagnants d’hier ne sont plus les gagnants d’aujourd’hui. »

Au sein de l’allocation, ces fonds patrimoniaux ne doivent pas être opposés à des fonds purs. Ces derniers leur sont plutôt complémentaires. « Les fonds patrimoniaux constituent la partie ‘core’ et les fonds purs, les fonds de convictions de la partie ‘satellite’ », a détaillé François Gazier. A ce titre, les fonds thématiques qui y ont leur place affichent d’indéniables qualités. « Ils ont permis de s’extraire des fonds patrimoniaux », a rappelé Cédric Genet, pour qui expliquer un fonds patrimonial, est compliqué. « C’est beaucoup plus simple avec un fonds thématique », a-t-il ajouté. Mais les fonds thématiques doivent illustrer des convictions de long terme et doivent être pertinents. Attention aux fonds de ce type dont l’univers n’est pas robuste…

Marnix van den Berge entend pour sa part souligner l’approche distincte de Capital Group dans l’ensemble décrit. Selon lui, les fonds doivent respecter un principe de base : la clarté et la simplicité. « Les fonds patrimoniaux, les fonds purs, l’objectif de protection du capital, doivent être autant de solutions simples, qui impliquent au demeurant de la pédagogie. Notre gestion se réalise sans ‘black box’, sans levier ou positions short », a-t-il énoncé. L’horizon de placement est pour Marnix van den Berge un élément beaucoup plus important. « Nous sommes des gérants bottom-up, flexibles et nous faisons de l’investissement stratégique, de long terme. Pas de pari tactique, pas de pari spéculatif à court terme, et pas de produits complexes types dérivés et autres », a-t-il martelé. Dans ce cadre, la perte en capital étant un risque important à prendre en compte, le représentant de Capital Group indique que les investissements portent sur des entreprises solides, offrant des perspectives de croissance sur le long terme. « Quant à l’obligataire, il permet, dans une certaine mesure, de protéger le portefeuille et d’amortir les chocs », a précisé Marnix van den Berge.

Fonds purs et diversification

Les fonds purs s’inscrivent donc dans un cadre de stock-picking. Ils incarnent des investissements qui font sens avec une approche plus concrète telle que la gestion à impact. Au vu de la maturité du cycle économique, ils imposent par ailleurs la présence dans l’allocation de classes d’actifs de diversification tels que les métaux qui sont portés par les plans de relance et qui restent néanmoins un sujet de long terme. L’or et les cryptomonnaies entrent également dans la poche de diversification, d’autant que l’immobilier ne constitue plus la panacée désormais. Dans une logique de diversification des actions, le private equity a aussi le vent en poupe. « Mais il est plus risqué et offre une liquidité moindre », a souligné Cédric Genet pour qui la gestion alternative peut constituer une solution. « En revanche, pour la gestion obligataire, la fête est finie », a-t-il constaté.  Même si certains d’entre eux sont plus flexibles en termes de duration, sensibilités, et investissent dans des titres de toutes natures. « Ceux-là sont des actifs de niche attrayants », a considéré François Gazier.

Au vu de la situation économique actuelle, la diversification sera donc essentielle dans les prochains mois. Pour Cédric Genet, elle passe par des ajustements tactiques sur la partie actions. Une exposition aux valeurs chinoises, des valeurs d’hypercroissance avec des stop-loss, des couvertures sur les fonds dédiés (short sur indice) ainsi que des produits structurés constituent une bonne stratégie. En revanche, le private equity ou la dette qui prennent de plus en plus de place avec de plus en plus d’acteurs préoccupent Cédric Genet : « Ce qui m’inquiète, ce n’est pas le private equity ou la private debt en eux-mêmes, mais le fait que l’univers commercialisé auprès des clients me semble trop européen, voire français et que les risques inhérents au manque de liquidités puissent ne pas être bien pris en compte par l’investisseur final. »

Enfin, soucieux de présenter une gestion simple et efficace, chez Capital Group, on veille à proposer et construire des portefeuilles équilibrés, sans gérants stars. « Nos portefeuilles sont composés de multiples compartiments, dédiés à des gérants aux styles différents car il est important que tous les styles de gestion soient représentés », a résumé Marnix van den Berge.


DES THÉMATIQUES POUR UN IMPACT DURABLE, HUMAIN ET ÉCOLOGIQUE
 


 

Que dire sur l’ISR qui n’a pas déjà été dit ? Toutes les sociétés de gestion affirment être pionnières en la matière. Entre mauvaise foi, green washing et véritable parti pris, difficile pour les distributeurs de faire le tri parmi l’offre de placements ESG. C’est le cas par exemple d’Anne Delaroche. La conseillère en gestion de patrimoine a témoigné lors de la préparation de la table-ronde sur les thématiques d’avenir à impact durable des difficultés qui persistent pour comprendre les informations communiquées par les sociétés de gestion. Coincée entre le marteau et l’enclume, la CGP joue le rôle de trait d’union entre des gérants pas toujours très clairs et des investisseurs finaux plus exigeants que les autres. « Une fois qu’ils adhèrent au principe de placements responsables, les clients deviennent plus pointilleux sur le suivi car ils veulent connaître l’impact réel de leur investissement », explique-t-elle.   

Et pour y voir plus clair dans leur portefeuille, ces investisseurs se reposent quasi entièrement sur leur conseiller. Charge à eux de vulgariser l’information. « Il faut être vigilant, mais il est impossible de tout regarder à mon niveau, reconnaît Paul Franceschi, client d’Anne Delaroche. Je fais le point avec ma conseillère sur l’ensemble de mon portefeuille une à deux fois par an maximum ».

La question des pétrolières

Le passage en revue des lignes en portefeuille peut justement s’avérer un moment fatidique, qui révèle son lot de bonnes et de mauvaises surprises. Certaines valeurs de placements dits responsables font parfois lever quelques sourcils, à l’image notamment des compagnies pétrolières. Des gérants, convaincus par les discours de transition énergétique de ces entreprises, décident de continuer à miser sur elles. A l’image d’Ecofi Investissements, qui a décidé de ne pas les exclure de tous ses fonds. « Les compagnies pétrolières sont les plus gros émetteurs de CO2 mais certaines s’adaptent et transforment leur business model. Elles ont donc un rôle à jouer dans la transition énergétique en convergeant vers l’objectif de zéro émission de CO2 en 2050, défend Laurent Vidal, directeur du développement de la société de gestion. Par exemple, on peut imaginer que Total se transforme à la hauteur de La Poste ces vingt dernières années. »

Les stratégies de gestion ESG sont souvent au cœur de débats, entre ceux qui partagent cette vision de long terme et ceux qui ne la comprennent pas. A la fin, c’est l’investisseur qui tranchera et il peut se montrer d’autant plus intransigeant qu’il n’est pas à l’origine du portefeuille. Florian Boulte, fondateur de la société de conseil en investissement durable Tellus Matters et président de la commission investissement durable de l’Association française du family office (Affo), dit voir dans la transmission de patrimoine un moment charnière. « Les personnes qui héritent d’un portefeuille ont tendance à faire le tri parmi les lignes et à supprimer celles qui ne correspondent pas à leurs valeurs », décrypte-t-il. L’accélération du débat public sur le sujet de l’environnement a échauffé les esprits et conforté une jeunesse dans ses convictions. Ce phénomène de « tri » pourrait donc s’accélérer à l’avenir, lorsque les « boomers transmettront leur patrimoine à une génération plus alerte qu’eux sur le sujet », conclut-il. Si la prédiction de Florian Boulte se confirme, la pression se renforcera donc sur les entreprises les moins respectueuses des critères ESG, et notamment de l’environnement.

Ce n’est pas le seul changement que le conseiller voit naître. Pour lui, les stocks d’énergies fossiles arrivent à épuisement. Or, l’absence d’alternatives aussi fiables et pratiques conduirait inéluctablement à une contraction de la production se traduisant par un transfert des ressources vers les entreprises qui répondent à des besoins primaires. « On redescendra progressivement les échelons de la pyramide de Maslow, avance Florian Boulte. ll vaut donc mieux investir dans les sociétés qui en sont à la base, le luxe faisant vraisemblablement exception ».

De son côté Laurent Vidal mise sur des secteurs d’avenir plus précis. Les énergies vertes bien sûr, et tout le secteur de la production et de la captation (panneaux solaires, batteries,…). Le secteur de la construction de bâtiments est également prometteur, grâce à ses acteurs, « de plus en plus incités voire contraints à construire vert », explique le directeur du développement d’Ecofi. Il n’oublie pas non plus le secteur de la technologie, à condition de cibler les entreprises qui permettent une consommation intelligente d’énergie.

Question de performances

Pour Anne Delaroche en revanche, pas de thématiques en particulier sur lesquelles miser. Elle rappelle que son métier est de faire fructifier le patrimoine de ses clients et que pour cela, la diversification reste de mise. Il lui parait d’autant plus déraisonnable de se restreindre à certains secteurs qu’elle prévoit une augmentation de l’offre de placements responsables dans les prochaines années. « L’appétit des investisseurs est tel qu’il n’y aura bientôt plus que des fonds ISR », anticipe-t-elle. Et de l’ESG, les clients en veulent toujours plus. A l’image de Paul Franceschi qui aura finalement surpris en se disant prêt à sacrifier un peu de performance sur l’autel de l’ESG. « Un ou deux points seulement », a-t-il précisé.

C’est peut-être un détail pour lui mais pour les sociétés de gestion ça veut dire beaucoup, elles qui se sont échinées ces dix dernières années à prouver que les fonds ESG pouvaient être aussi performants que les autres. Alors que la crise sanitaire a prouvé la résilience voire la surperformance des portefeuilles ISR, l’ironie veut que les clients se disent prêts à sacrifier un peu de rendement sur l’autel de l’ESG. Ils sont peu nombreux pour l’instant à l’affirmer. Une minorité certes, mais qui n’a plus de mal à se faire entendre.

LES BONNES CARTES POUR UNE ALLOCATION NOVATRICE ET RESPONSABLE

 

 



 

Dans cet environnement, comment bâtir des allocations créatrices de valeur, novatrices et responsables ? Trois experts ont été sollicités pour répondre à cette question à l’occasion d’une nouvelle table ronde, alors que le contexte actuel a plutôt poussé les conseillers à se concentrer sur des classiques que sur une recherche d’innovation. « Un CGP doit-il vraiment sortir des sentiers battus ? Notre travail est avant tout de préserver le capital de nos clients et ensuite de leur faire gagner de l’argent », a insisté en préparation de son intervention Géraldine Métifeux, fondatrice d’Alter Egale. Pour la dirigeante, être novateur aujourd’hui c’est surtout être « réactif et pro-actif ». Par exemple, proposer des fonds sur la Chine, qui en soit n’ont rien d’une trouvaille, mais sont pleinement dans l’air du temps. La clef serait donc plus dans le fait d’être à l’écoute du marché et d’avoir en portefeuille des gérants capables d’être flexibles. Même son de cloche chez Jean-Michel Vignau, fondateur du cabinet conseils éponyme, pour qui les fonds vraiment originaux ne doivent pas dépasser « plus de 10 % à 20 % maximum de l’allocation ».

Pour Bertrand Conchon, directeur adjoint des partenariats distribution chez Ofi AM, deux éléments sont aujourd’hui fondamentaux pour être novateur : la décorrélation et la gestion durable. « Dans le contexte actuel, nous devons être en mesure de proposer des fonds décorrélants. C’est ce que nous faisons avec notre fonds OFI Financial Investment Precious Metals, qui investit notamment sur les métaux importants pour la transition énergétique », détaille-t-il.

Sur le second point, Ofi AM, qui s’est spécialisée depuis de nombreuses années sur la gestion ESG, propose désormais un ETF ISR (OFI RS Multitrack), alliant ainsi l’intérêt grandissant des particuliers pour la gestion passive et la gestion responsable et durable.

La gestion ESG se démarque

D’ailleurs, si la crise a mis en lumière une chose, c’est la gestion ESG. Que ce soit grâce à ses performances ou par l’intérêt renouvelé des particuliers pour les enjeux sociaux et surtout environnementaux, l’ESG attire de plus en plus. « La gestion ESG permet d’éviter les controverses, les fameux accidents industriels, et donc de se prémunir contre des chutes brutales de cours pour des raisons extra-financières », explique Bertrand Conchon.

Il est vrai que le niveau des performances récentes a permis de rendre le discours plus audible pour les épargnants. « C’est devenu une composante importante des portefeuilles et une réelle demande de nos clients. On le voit au quotidien avec les habitudes de consommation des individus, comme le bio par exemple », avance Jean-Michel Vignau.

Mais attention, pas question pour autant d’en faire un sacerdoce. « Cela ne peut pas être notre critère principal, prévient Géraldine Métifeux. Nous préférons d’ailleurs miser sur l’avenir en essayant de trouver des gérants qui recherchent les bons élèves de demain plutôt que ceux d’aujourd’hui. Car la meilleure manière de créer de la valeur pour nos clients tout en alliant un objectif de durabilité, c’est d’accompagner ceux qui veulent changer. » Le fameux « best effort » plutôt que « best in class » donc.

La gestion thématique divise

Pour jouer l’ESG, beaucoup misent sur les thématiques. Un sujet qui divise les experts. Beaucoup de CGP y voit une martingale parfaite, notamment parce qu’elle permet de raconter une histoire à leur client et de rendre leurs investissements plus tangibles, compréhensibles. Plus facile alors d’aller miser sur des tendances en vogue comme la robotique, la santé ou l’intelligence artificielle.

Un avis que ne partage pas Géraldine Métifeux, qui y voit surtout un habillage marketing, ou du moins une restriction forte sur l’investissement. « Un gérant thématique est enfermé dans celle-ci. Il n’a peu ou pas de marge de manœuvre pour se retourner lorsque sa thématique plonge en Bourse. A l’inverse, en misant sur des gérants qui cherchent des leaders de marchés, tous secteurs confondus, on a une vraie possibilité d’adaptabilité aux marchés », insiste la présidente d’Alter Egale, pour qui la martingale actuelle est plutôt d’avoir des fonds actions internationales.

Du côté d’Ofi AM, le pragmatisme prévaut. Sans se spécialiser sur beaucoup de thématiques en particulier on se positionne plutôt sur celles qui en regroupent plusieurs. « Nous misons par exemple sur le changement climatique car nous estimons que c’est un sujet qui chapeaute toutes les thématiques, quel que soit le secteur, et qui sera la vraie tendance des 30 prochaines années », considère Bertrand Conchon.

Deux autres sujets pourraient également s’inviter dans le débat : le private equity et les cryptomonnaies.

Sur le premier, très à la mode en ce moment, les avis divergent également. Ainsi, sans complètement l’écarter, notamment au travers certaines unités de compte des contrats d’assurance vie, Géraldine Métifeux est très prudente et s’attend à de grosses désillusions dans les années à venir. Un avis que ne partagent pas forcément la plupart de ses pairs puisque le private equity est aujourd’hui l’un des principaux moteurs de très nombreuses allocations d’actifs en gestion de patrimoine et en gestion de fortune.

Concernant les cryptomonnaies, les discours se rapprochent. Nos trois experts ont indiqué avoir de nombreuses demandes de leurs clients, mais manquer de connaissances sur le sujet pour proposer des solutions d’investissement. Ici la maxime « je n’investis pas dans ce que je ne comprends pas » tourne à plein régime. Force est de constater que les derniers mouvements sur le bitcoin et l’ethereum, les deux principales monnaies numériques, leur donnent raison…

 

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Sommaire du dossier
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