Dirigeant d'une holding

La manne de l'épargne salariale

Charlotte Thameur, Directrice Conseil , Yomoni
L’épargne salariale agit comme un véritable effet de levier pour le chef d’entreprise
Rien dans la règlementation ne s’oppose aujourd’hui à ce qu’il profite au sein de sa holding de ce dispositif dédié aux salariés
Charlotte Thameur, directrice conseil chez Yomoni

Plus connue pour ses avantages juridiques financiers et fiscaux, la holding peut également devenir une source de revenus défiscalisés pour le chef d’entreprise via l’épargne salariale. L’épargne salariale est un dispositif d’épargne collectif qui permet aux salariés d’être associés aux résultats de l’entreprise par le biais de primes d’abondement, d’intéressement ou encore de participation. Ce complément de revenus connaît un renouveau avec le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) et la loi de financement pour la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 depuis le 1er janvier, notamment pour les sociétés de moins de 50 salariés. Grâce à des conditions fiscales et sociales extrêmement avantageuses, elle agit comme un véritable effet de levier pour le chef d’entreprise en vue notamment de préparer sa retraite. Nous étudions ici les conditions d’éligibilité de l’épargne salariale au sein d’une holding et étudions les avantages sociaux et fiscaux de cette rémunération pour le dirigeant depuis le 1er janvier 2019 (voir graphique ci-dessous).



  Considérée comme trop compliquée, l’épargne salariale est restée l’apanage des salariés de grands groupes ces dernières années. Pour autant, le projet de loi Pacte tend bien à changer la donne. En effet, même si le projet de loi n’est pas encore adopté, une de ses réformes majeures est d’ores et déjà mis en application via la LFSS du 22 décembre 2018 (LFSS pour 2019). Ainsi et depuis le 1er janvier 2019, le forfait social s’élevant à 20 % maximum a été supprimé pour :

• Les primes d’intéressement dans les sociétés ayant 1 à 250 salariés

• Les primes d’abondement à un Plan d’épargne salariale (PEE/PEI/Perco)

• Les primes de participation pour les sociétés de moins de 50 salariés.

Ainsi, l’épargne salariale est exemptée de charges pour l’entreprise de moins de 50 salariés tout en restant déductible de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices ou de l’impôt sur le revenu. Même si ces avantages sociaux et fiscaux sont par essence destinés aux salariés afin de les récompenser, les motiver ou encore les fidéliser, ils sont également accessibles au chef d’entreprise. Ce dernier peut en disposer, et à double titre : au niveau de l’entreprise comme nous venons de l’évoquer ci-dessus, mais également à titre personnel. Car en effet, il s’agit là de l’autre partie attractive de l’épargne salariale. Non seulement les primes perçues au titre de l’abondement, de l’intéressement et de la participation sont exonérées de cotisations sociales, même si elles restent assujetties à la CSG CRDS (9,7 % en 2018 contre 23 % sur une prime salariale classique), mais elles sont également exonérées d’impôt sur le revenu à condition d’être versées sur un plan d’épargne salariale (PEE) ou un plan d’épargne retraite collectif (Perco). Une fois investies, les primes d’épargne salariale vous constituent un portefeuille de valeurs mobilières. Même si les sommes sont bloquées cinq ans sur le PEE (sauf cas de déblocages anticipés au nombre de neuf) et jusqu’à votre départ à la retraite sur le Perco (sauf cas de déblocage anticipé au nombre de cinq), à la sortie la plus value réalisée sera totalement exonérée de prélèvement forfaitaire unique flat tax  (à l’exception des prélèvements sociaux de 17,2 % en 2018).
 Grâce au projet de loi Pacte, il semblerait bien que le chef d’entreprise soit face à un véritable trésor de défiscalisation dont il aurait tout intérêt à profiter pour optimiser sa rémunération et préparer sa retraite. Encore faut-il qu’il remplisse certaines conditions. Car en effet, ne l’oublions pas, l’épargne salariale est à l’origine un dispositif à destination des salariés. Cependant rien dans la règlementation ne s’oppose aujourd’hui à ce que le dirigeant en profite également au sein de sa holding, mais également en tant que membre actif de cette dernière. C’est justement de cet aspect méconnu que nous allons traiter :

A. La mise en place

Pour pouvoir mettre en place l’épargne salariale au sein de votre holding, il est impératif qu’il y ait au moins un salarié en plus du dirigeant (de vous-même) et pas plus de 250 salariés au sein de la holding. Plus précisément, en tant que dirigeant :

• Il faut que vous employiez « habituellement » au moins un salarié (et pas plus de 250) ; cette notion d’emploi habituel renvoyant à la participation (art L.3322-2 CT), il faut que vous ayez un salarié pendant douze mois.

• Cette personne supplémentaire peut travailler à temps partiel à condition qu’elle ait bien le statut de salarié. Ainsi que vous soyez dirigeant salarié ou TNS, vous pourrez jouir sans problème du dispositif.

• Si actuellement vous disposez déjà d’une holding au sein de laquelle votre conjoint(e) dispose du statut de conjoint(e) collaborateur ou associé, il faut également que la holding comporte un salarié en sus de vous deux.

• Dans le cas où votre conjoint(e) serait d’ores et déjà salarié au sein de la structure, même à temps partiel, vous disposeriez des conditions nécessaires.

En pratique, le fait de salarier son conjoint(e) reste la méthode la plus sûre et la plus profitable.

B. Le fonctionnement

Comme nous l’avons vu précédemment, le plan d’épargne salariale est un système d’épargne collectif qui vous permet de vous constituer un portefeuille de valeurs mobilières sous la forme d’un plan d’épargne entreprise (PEE) et d’un plan d’épargne retraite collectif (Perco). Chacun de ses plans peut être alimenté par des versements volontaires plafonnés à 25 % de votre revenu annuel brut et par le biais de l’entreprise sous forme de prime d’intéressement, de participation et d’abondement. Chaque canal d’alimentation a ses propres règles de mise en place et de plafonnement définis par la réglementation et réévalués chaque année par l’actualisation du Pass (Plafond annuel de la Sécurité sociale)

B.1. L’intéressement

Celui-ci prend la forme d’un accord qui doit être conclu au plus tard et transmis à la DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) selon un formalisme et un calendrier précis. Ainsi un accord d’intéressement doit être conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet. Le délai de dépôt est de 15 jours à compter de la date limite de conclusion de l’accord. En pratique, pour une holding qui clôture au 31/12 et dont l’accord prévoit un calcul sur l’année à partir du 1er janvier, celui-ci est censé être conclu avant le 1er juillet et déposé au plus tard à la DIRECCTE le 15 juillet. Un accord d’intéressement est conclu pour une période de trois ans. Il doit comporter des critères de déclenchement collectifs et aléatoires ainsi que des critères de répartition. Concernant son plafonnement, il est possible de vous verser à titre individuel jusqu’à 50 % du Pass (40.524 euros en 2019) par an soit 20.262 euros en 2019 à condition de ne pas déPasser le plafond collectif correspondant à 20 % du total des salaires bruts versés aux personnes concernées. Les primes versées au titre de l’intéressement peuvent être perçues directement ou versées sur votre dispositif PEE/Perco. C’est uniquement à cette dernière condition qu’elles seront exonérées d'impôt sur le revenu.

B.2. La participation

On parle ici de participation volontaire en ce sens où contrairement aux sociétés de plus de 50 salariés, elle n’est pas obligatoire(*). Elle prend également la forme d’un accord écrit qui doit être conclu avant l’expiration d’un délai d’un an suivant la clôture de l’exercice sur lequel elle s’applique. Une fois l’accord conclu, il doit être déposé à la DIRECCTE. Même si aucun délai n’est imposé pour ce faire, l’entreprise ne pourra prétendre à aucun avantage fiscal ou social lié à la participation tant que cela ne sera pas fait. Par ailleurs, si la participation est mise en place au sein de la holding concomitamment à un plan d’épargne interentreprise (PEI) destiné à en recueillir les sommes, alors elle peut être mise en place sans qu’il ne soit nécessaire de conclure un accord et de le déposer à la DIRECCTE (art L3333-5 du Code du travail). La validation tacite du plan entraînera celle de votre accord de participation volontaire.
 Concernant la durée de la participation, rien n’est légalement prévu. L’accord de participation est mis en place pour une durée déterminée (un an minimum) ou indéterminée. Pour autant, il y a une notion d’exercice connu et inconnu à respecter. Au-delà de six mois, l’exercice est considéré comme connu pour l’entreprise. La participation doit s’appliquer à au moins un exercice dont les résultats ne sont pas connus ni prévisibles au moment de l’adhésion au plan d’épargne (soit dans les six premiers mois de l’exercice servant de base de calcul).

La participation est définie d’un point de vue économique par une formule légale minimale :

RSP = ½ (B – 5 % C) x (S / VA)

B est le bénéfice net fiscal
C représente les capitaux propres
S symbolise les salaires
VA signifie valeur ajoutée

Il n’est possible de déroger à la formule légale qu’en vue de l’améliorer et à condition que votre accord de participation soit mis en place sur la partie non connue de l’exercice sur lequel elle s’applique. Par conséquent, la mise en place de la participation sur un exercice connu implique que la formule utilisée soit la formule légale. La réserve calculée selon une formule dérogatoire ne doit pas excéder l’un des plafonds suivants, au choix des signataires de l’accord :

• 50 % du bénéfice net comptable ;

• Bénéfice net comptable diminué de 5 % des capitaux propres ;

• Bénéfice net fiscal diminué de 5 % des capitaux propres ;

• 50 % du bénéfice net fiscal.

 Concernant le plafonnement de la participation, celui-ci est individuellement fixé à 75 % du Pass (40.524 euros en 2019) soit 30.393 euros en 2019 et ne peut pas collectivement excéder quatre fois le plafond annuel de la Sécurité sociale. Les primes perçues au titre de la participation peuvent être directement perçues ou investies sur votre dispositif PEE/Perco. C’est uniquement à cette condition qu’elles seront exonérées d’imposition sur le revenu.

B.3. L’abondement

L’abondement quant à lui est peut-être la source d’épargne salariale la plus simple à mettre en place. Il est mis en place au moment de l’ouverture de vos plans (PEE et/ou Perco). A la différence de l’intéressement et de la participation, il est obligatoirement perçu via votre PEE et/ou votre Perco. Son plafonnement est double. Il ne peut excéder 300 % de votre versement initial dans la limite de 3.242 euros (8 % du Pass) sur le PEE et 6.484 euros (16 % du Pass) sur le Perco pour 2019. Enfin la réglementation autorise un abondement unilatéral de l’entreprise uniquement sur le Perco plafonné à 2 % du Pass soit 810 euros en 2019 (dans la limite des 16 % du Pass). L’abondement est exonéré d’impôt sur le revenu.
 En pratique, dans votre cas d’espèce, l’abondement doit être considéré comme une surprime. En effet, même si ce dernier est traditionnellement déclenché par le versement initial du salarié, ici c’est le versement de votre prime d’intéressement et/ou de participation qui va venir déclencher ce dernier pour optimiser le résultat final. Pour conclure, et à condition d’avoir au minimum un salarié, l’épargne salariale, peut être maximisée sans problème au sein de votre holding. Elle peut vous permettre en tant que chef d’entreprise de capitaliser à travers votre PEE et Perco jusqu’à 60.381 euros en 2019 totalement exempt :

• De charges patronales,

• De cotisations sociales, (à l’exception de la CSG et CRDS de 9,7 %)

• D’imposition sur le revenu,

• D’imposition sur les plus-values (seuls les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % à ce jour sont dus sur la plus-value à la sortie des plans).

Recommandation

Face à ces avantages sociaux et fiscaux non négligeables cumulables avec les avantages juridiques fiscaux et financiers inhérents à la holding, un certain nombre de dirigeants peuvent être tentés par le montage d’une holding de rémunération en sus de leur société d’exploitation. L’idée, loin d’être mauvaise, mérite tout de même une mise en garde. Il convient ici de préciser qu’en cas de mise en place d’un plan d’épargne salariale au sein de la holding, aucun texte de loi ne vous oblige à étendre ce plan à votre société d’exploitation, filiale. En effet à la lecture de l’article L3344-1 al.1 du Code du travail, nous comprenons que la législation en la matière s’applique de manière autonome à chaque société. Les textes actuels évoquent en effet une simple possibilité de conclure des plans d’épargne salariale de groupe pour les sociétés ayant établi entre elles des liens financiers et économiques. Pour autant, instituée depuis l’ordonnance fondatrice de 1967 par le général de Gaulle, l’épargne salariale porte en elle l’idée d’un partage de profit avec les salariés. Il nous paraît donc important et plus sécuritaire de respecter l’essence de ce dispositif. Pour ce faire, nous vous recommandons d’équiper également votre société d’exploitation dans des conditions peut-être plus minimalistes.


(*) En cas d’échec des négociations, vous pourrez, dans les conditions précisées par l’article L. 3323-6 du Code du travail, décider seul d’instaurer un régime de participation conforme aux dispositions légales.