Produits structurés : l’intérêt des indices à décrément

Par Éric Barthe, associé et responsable de l'ingénierie financière chez Anova Partners
Depuis quelques années les banques proposent des produits d’investissements indexés sur des « indices à décrément ». Ces indices de synthèse proposent des rendements plus attractifs, mais aussi des risques additionnels qu’il convient de maitriser.

Le marché français de l’investissement est très friand des produits structurés « autocallables ». A l’heure où les fonds euros ou le marché obligataire ne proposent que des rendements proches de zéro, ces produits proposent en général des rendements de l’ordre de 5% à 6%.

Le contrat propose ainsi un rendement de 5% ou 6% annuel sur cinq à huit ans si un indice boursier (typiquement l’Eurostoxx 50 ou le CAC 40) se maintient au-dessus d’un certain niveau. Le produit peut être rappelé de façon anticipée si le marché est haussier. Le capital est à risque à maturité typiquement si l’indice boursier en question termine en baisse de plus de 40% ou 50% de sa valeur initiale.

Comment les banques génèrent-elles ce rendement ?

Une fois le produit émis, les bureaux d’échange couvrent leur position en achetant l’indice et en réajustant leur couverture, à profit, dès que cet indice devient volatile. D’une part, acheter l’indice implique que le trader recevra les dividendes détachés par les différentes actions pendant la vie du produit. D’autre part, plus l’indice sera volatile, plus le réajustement de la couverture génèrera de profit pour le trader. Pour évaluer correctement quel rendement il est capable de payer à l’investisseur, le trader doit donc pouvoir évaluer, dès la date d’émission du produit, quels seront ces dividendes et quelle sera cette volatilité. Il portera jusqu’à maturité le risque que ces dividendes et cette volatilité soient revus à la baisse.

L’hypothèse retenue sur les dividendes futurs est souvent très conservatrice, particulièrement après l’épisode Covid, où beaucoup d’entreprises ont revu leurs dividendes à la baisse soit de leur propre initiative soit sous la pression des États.  Et pour un Eurostoxx 50, qui historiquement (hors crise Covid) a payé de l’ordre de 3,5% de dividende, le trader fera l’hypothèse que ce dividende ne sera plus que de 2,5% dans le futur. Dans ce contexte, les produits autocallables peinent à offrir des rendements attractifs.

L’indice à décrément : gommer l’incertitude sur le dividende pour accroître le rendement

Les ingénieurs financiers ont alors inventé les indices à décrément. Contrairement aux indices classiques comme l’Eurostoxx 50 ou le CAC 40 - qui tous les ans détachent les véritables dividendes payés par les entreprises membres - un indice décrément est un indice « de synthèse ». Par construction il paiera un dividende convenu à l’avance, typiquement 4% ou 5%, ce qui revient à remplacer les vrais dividendes des entreprises par ce dividende de synthèse. Pour le trader, c’est très pratique puisqu’il sait en avance ce qu’il recevra au cours de la vie du produit. Un dividende de 5% étant typiquement le double de l’hypothèse qu’il aurait faite pour l’indice normal, il pourra alors payer à l’investisseur un coupon bien plus important.

Contre ce rendement plus important, l’investisseur a changé de risque. Ce n’est plus le véritable indice qui dictera si le capital est préservé à maturité mais cet indice de synthèse.

Par construction l’indice original et l’indice à décrément auront des performances divergentes. Très précisément, si l’indice original détache un dividende de 3,5%, alors l’indice décrément qui détache 5% sous performera de 1.5%. Si le produit dure cinq ou huit ans, une sous performance pareille (de 10% à 16%) peux devenir problématique et mettre en péril le capital.

Le twist final pour améliorer la performance de l’indice à décrément

Les indices à décrément ont souvent un « twist » additionnel pour compenser leur sous-performance de construction.

On l’a vu, historiquement, l’Eurostoxx 50 a payé en moyenne 3,5% de dividendes. Donc, l’Eurostoxx à 5% de décrément aurait historiquement sous-performé l’indice de référence de 1,5% par an. Les ingénieurs financiers transforment alors légèrement l’indice à décrément pour générer une surperformance additionnelle pour compenser cette sous performance. Ils ajouteront par exemple un filtre ESG et surpondèreront les moyennes capitalisations par rapport aux grosses capitalisations en créant un indice équipondéré (EW pour equally weighted). Ils jouent ainsi sur la surperformance passée des moyennes et petites capitalisations sur les grosses capitalisations européennes.

L’indice « twisté » à décrément peut maintenant être en mesure de montrer des performances passées supérieures à l’indice de base.

A retenir

L’indice à décrément est un sous-jacent de synthèse qui rajoute une complexité additionnelle au produit autocall. Le rendement additionnel qu’il offre doit être considéré à l’aune de la différence de performance qu’il peut exhiber dans le futur. Souvent « twisté », la performance future de cet indice par rapport à l’indice de base dépend fortement de la persistance de phénomènes passés comme la surperformance des petites capitalisations sur les plus grosses. Un rendement additionnel donc, qui comme toujours en finance, va de paire avec un risque additionnel.