La gestion de patrimoine a besoin de la tech

Par Guillaume-Olivier Doré, CEO d’Elwin
Les fintechs doivent s’inspirer du e-commerce en créant des suites logicielles 100 % dédiées à la gestion de patrimoine

La digitalisation de nos économies à marche forcée par la pandémie a mis à jour les secteurs financiers les plus avancés et ceux pour qui la marge de progrès était encore significative. Sans surprise, la gestion de patrimoine reste un secteur où la transformation numérique n’est pas allée assez loin. Si les Conseillers en gestion de patrimoine (CGP) sont les premiers à réclamer à corps et à cri des outils qui leur feraient gagner du temps, la révolution qu’ont connue les fintechs BtoC se fait encore attendre du côté de la gestion de patrimoine. Des courtiers aux CGP, la simplicité n’est pas encore au rendez-vous. Pourtant, les acteurs de l’écosystème fintech BtoB auraient tout à gagner à adopter les réflexes des autres univers de la tech.

 

Une transformation numérique urgente

Pendant des décennies, le métier de CGP, comme celui de courtier, a relevé d’un artisanat assez noble avec une relation client sur-mesure et une gestion administrative complexe mais maîtrisable. Cette approche a fait long feu, à la faveur d’une réglementation plus importante d’années en années et de produits d’épargne eux-mêmes de plus en plus complexes.

Côté clients, les attentes des investisseurs évoluent et avec elles la diversité de problématiques à aborder : ISR,  intérêt pour le crowdfunding, questions sur les cryptomonnaies… Pour chacun de ces sujets, les CGP ont besoin d’être tour à tour évangélisés, formés ou soutenus par des outils qui atténuent la complexité que ces évolutions génèrent dans la pratique de leur métier. Le risque d’être effrayé par la multiplicité de ces problématiques est grand. Dans une profession où la majorité des acteurs sont des indépendants, un clivage darwinien se dessine rapidement entre ceux qui s’adaptent pour ne pas être dépassés - au risque de s’épuiser - et ceux qui préfèrent rester dans leur zone de confort, prenant de leur côté le risque de perdre des clients.

 

Penser expérience utilisateur

D’abord rétifs à la digitalisation de leurs process, les CGP et les courtiers vivent aujourd’hui ce que le e-commerce a vécu il y a 10 ans : un besoin criant de simplicité lié à la cohabitation d’outils métiers multiples fonctionnant en silos. Car oui, dans le monde de la gestion de patrimoine aussi, la simplicité peut venir de la technologie elle-même. Le problème majeur auquel font face les professionnels est celui de l’interopérabilité des systèmes qu’ils utilisent chacun. Différents outils métiers répondent à différentes problématiques à différentes étapes du cycle de vente : CRM d’un côté, logiciel pour gérer la conformité réglementaire ou l’expertise technique de l’autre. Cette situation rend nécessaire la création d’écosystèmes « tech » qui fonctionnent ensemble, entre eux, au bénéfice des utilisateurs avant tout. Et si les CGP et les courtiers sont sur le point de découvrir les bénéfices de la user experience (UX) et de la user interface (UI), la transformation numérique doit lever quelques obstacles sur son chemin.

« APIsation » : sous ce nom barbare se cache en réalité l’enjeu principal d’une solution qui couvrirait enfin l’ensemble de la chaîne de valeur et permetterait aux CGP et aux courtiers de casser les silos qui les entravent. Mais pour arriver à une telle révolution, encore faut-il que les acteurs qui soutiennent la tech acceptent d’ouvrir leurs API pour proposer un service intégré. Pour l’instant, la réponse se situe plus du côté de l’acquisition de solutions complémentaires ou de partenariats stratégiques. Évidemment pas suffisant :  cette « APIsation » entre logiciels est nécessaire pour assurer la compatibilité des outils entre eux et leur capacité à communiquer pour ne pas atteindre rapidement un plafond de verre dans leur développement. Mais surtout cette interopérabilité des logiciels est la seule solution pour que les courtiers puissent choisir leurs outils en fonction de leurs besoins. Avec 82 % des cabinets qui sont des boutiques,  peu d’entre elles peuvent s’offrir le luxe d’une « vision à 360 degrés ». C’est ainsi que l’expérience utilisateur du conseiller en gestion de patrimoine sera une réalité.