
Économie : mais où va le monde ?

Guerre commerciale : Une trêve temporaire. L’enjeu de la guerre commerciale est clair : déterminer le leader économique de demain, à l’horizon 2050. Les États-Unis sont conscients de la montée en puissance du leadership chinois. La volonté de Donald Trump est de contenir la progression de la Chine en augmentant les tarifs douaniers, en limitant les accès aux technologies de pointe et en l’obligeant à respecter la propriété intellectuelle. Mais à l’évidence, au regard des enjeux, une guerre froide économique qui risque de durer des années et de donner le tempo des marchés est à craindre.
Cependant, avec les élections américaines qui auront lieu cette année, cela devrait pousser le président Trump à chercher une trêve temporaire, quitte à faire des concessions. La première phase de l'accord, signé mercredi 15 janvier, marque donc un « cessez le feu » dans une douloureuse guerre commerciale, qui a pesé non seulement sur l'économie américaine et chinoise, mais encore sur la croissance mondiale. Nous sommes toutefois loin d’une véritable résolution et les investisseurs devront vivre dans cet environnement incertain de guerre économique froide sur le long terme. Pendant ce temps, l’incertitude entourant la politique commerciale et les effets d’annonce des deux côtés pénalise l'économie réelle aux États-Unis et en Chine mais fragilise aussi la croissance mondiale. Ces tensions pèsent de plus en plus sur le moral des entrepreneurs et des patrons de sociétés qui ont considérablement réduit leurs investissements. A ce rythme, il peut y avoir un impact sur la croissance des entreprises.
Toutefois, l’économie américaine résiste bien selon les dernières statistiques réelles de la production, de l’emploi, et de la construction résidentielle, presque à contrecourant des enquêtes de conjoncture, plus pessimistes. En résumé, le cessez-le-feu sino-américain actuel combiné au soutien des banques centrales et à l’éloignement d’un « no deal » du Brexit, pourrait redonner un peu d’oxygène à l’économie mondiale et limiter les perspectives de ralentissement. On éviterait donc une récession en 2020.
Dans ce contexte, des opportunités peuvent néanmoins se dessiner. De forts écarts sur les valorisations sont constatés, d’une ampleur qui serait justifiée par une récession, alors que ce scenario peut être écarté. Les actions défensives sont survalorisées alors que les valeurs dites cycliques subissent le pessimisme ambiant qui a pesé sur les marchés depuis octobre 2018. Elles sont par conséquent délaissées. Une opportunité tactique serait de renforcer l’exposition aux actions cycliques, notamment en Europe, à travers un panier d’actions sélectionnées.
Ré-inversion de la courbe des taux. Pendant un temps, le 14 août 2019, la courbe des taux s’est inversée. Les taux longs ont été plus bas que les taux courts. Avec la baisse des taux à court terme et la hausse des rendements à long terme, amplifiée par l’optimisme vers une trêve commerciale entre la Chine et les États-Unis, la courbe des taux s’est « repentifiée ». Ce qui semble être un bon signe peut être trompeur, comme cela avait été le cas dans des années précédant une récession (2000 et 2006). Ce n’est donc pas un signal fiable d’éloignement du risque. Les principales banques centrales vont continuer à injecter des liquidités dans le circuit économique, notamment la FED qui a annoncé un programme de rachat d’obligations de 60 milliards de dollars par mois. Dans les 12 prochains mois, les banques centrales des États-Unis, de la Zone Euro et du Japon vont injecter quelques 1.100 milliards de dollars de liquidités.
Dans ce contexte, les anticipations d'inflation aux États-Unis semblent trop basses, ce qui conduit à renforcer l’exposition aux points morts d’inflation américains au sein des portefeuilles, en achetant des obligations indexées à l’inflation. Le constat est similaire en zone euro.
Alors, où trouve-t-on du potentiel sur les marchés ? Les politiques accommodantes des banques centrales soutiennent les obligations à haut rendement et les stratégies de portage. Les obligations européennes à haut rendement sont à privilégier, face aux obligations investment grade depuis l’été 2019. En effet, elles présentent un profil plus intéressant du fait de leur duration moins élevée ainsi que des niveaux de spread plus élevés qui protègeraient le portefeuille en cas de hausse des taux. Toutefois, une exposition réduite à cette classe d’actifs permettrait en parallèle de réallouer ce risque sur les actions cycliques.
Il est probable que les marchés émergents, dont les rendements sont attractifs, bénéficient des perspectives plus conciliantes de la Fed et d’un dollar américain qui devrait cesser de s’apprécier. Il est important d’être sélectif sur ces pays.
L’exposition aux valeurs technologiques américaines. La sélection des valeurs est au cœur de l’approche des stock-pickers. Malgré les valorisations plutôt élevées de ce secteur, certaines entreprises sont très bien positionnées sur les grandes tendances qui se profilent à long terme. Il est important d’identifier les sociétés dont les business model sont les plus solides, les entreprises leaders dans leurs domaines respectifs ainsi que celles qui devraient continuer de croître et voir leurs bénéfices augmenter tout en dégageant des niveaux de free cash-flow attractifs. Elles sont en majorité situées aux États-Unis alors que quelques entreprises seulement se démarquent en Europe.
Les tendances telles que le paiement en ligne, la cybersécurité, l’internet des objets et la robotique restent attractives, et leur niveau de valorisation ne devrait pas être un frein face à leur croissance. Les « med tech » dans le secteur de la santé aux États-Unis, ainsi que celles implantées en Asie, présentent aussi un profil intéressant dans une stratégie flexible multi-actifs globale.
Alors, où va le monde ? Le sentiment de marché actuel est plutôt à l’optimisme.
Certes, plusieurs points d’inquiétude demeurent, en particulier au sujet récent du coronavirus, des élections présidentielles aux États-Unis, du commerce, de la faiblesse des dépenses d’investissement, de l’importance de la dette des entreprises ou plus généralement des risques géopolitiques.
En effet, il est frappant de constater que la nuit où l’Iran a lancé ses missiles balistiques sur une base américaine en Irak, les contrats à terme sur l’indice S&P 500 ont brièvement cédé 2 % mais se sont vite redressés pour clôturer la séance en hausse, sans avoir de réel impact sur la volatilité implicite. En temps normal, une telle situation aurait déclenché une réaction plus vive sur les marchés.
Alors pourquoi les marchés se montrent-ils si résistants ? Pour le moment, il est certain que les facteurs positifs l’emportent. Les dispositifs de relance monétaire continuent d’être renforcés et les conditions financières s’assouplissent encore.
Tout ceci dans un contexte où l’on peut déjà espérer une accélération du commerce international. Dans son dernier rapport publié en début de semaine, le FMI estime que grâce à la trêve entre les États-Unis et la Chine, la croissance du commerce international atteindra 2,9 % cette année, après 1 % l’an passé.
Nous vivons actuellement dans une période de transition à plusieurs niveaux. L’intervention forte des banques centrales depuis la crise a épuisé un cycle de 40 ans de baisse des taux. Il semble que nous arrivons à la fin de celui-ci. La question est : combien de temps resterons-nous avec ces taux bas ? De plus, le monde se « dé-globalise » avec la montée du populisme au niveau mondial avec en toile de fonds trois gros blocs économiques et politiques, les États-Unis, l’Europe et la Chine. Il faut aussi tenir compte des révolutions technologiques qui transforment des pans entiers des secteurs économiques. Dans ce contexte, une stratégie active bien diversifiée peut permettre de naviguer dans ces périodes complexes.