Ventes aux enchères

Un premier semestre de bon augure

Le marché des enchères a redressé la barre après deux années consécutives de ralentissement
Durant cette période, seul le secteur de l'art contemporain avait affiché des prix en progression
Bloomberg, Christie’s et Sotheby’s ont bien saisi les enjeux de l’ouverture du marché, ils attirent les collectionneurs chinois fortunés à New York en organisant deux fois par an une grande semaine de ventes entièrement dédiée à l’art asiatique (mars et septembre).

Après deux années consécutives de ralentissement, le marché des enchères a redressé la barre sur les six premiers mois de l’année 2017. Le bilan mondial est rassurant : la seule vente d’œuvres d’art a généré 6,9 milliards de dollars au cours du premier semestre – avec d’importantes marges de progression enregistrées au Royaume-Uni et en France –, et un secteur de l’art contemporain plein d’allant.

Face-à-face Chine/Etats-Unis.

Les performances mondiales pour la vente d’œuvres d’art aux enchères sont en hausse de 5,3 % par rapport aux six premiers mois de l’année 2016. Ce rétablissement est essentiellement attribuable aux performances du marché américain, dont le chiffre d’affaires enregistre une nette progression de 28 %.
Aux Etats-Unis, 38.000 œuvres se sont vendues en six mois pour un total de 2,2 milliards de dollars, le marché américain devançant ainsi de peu le marché chinois (37.900 œuvres d’art vendues aux enchères sur la même période pour 2 milliards de dollars). Les deux grandes super-puissance se retrouvent cette année au coude à coude, tant en termes de volume de transactions que de chiffre d’affaires. Une nouvelle égalité, jamais atteinte auparavant, qui est le résultat d’une évolution diamétralement opposée des deux côtés du Pacifique : alors que le produit des ventes grimpe de 28 % aux Etats-Unis, la Chine supporte une baisse de 12 %.
Cette chute de 12 % s’explique par la diminution du nombre de lots vendus, -16 %, et non par une éventuelle déstabilisation du prix des œuvres. Cela signifie que la contraction actuellement observée à travers presque tout le pays (Pékin, Nanjing, Hong Kong ou Hangzhou) doit être interprétée comme une restructuration du marché à l’échelle nationale. Comme les Etats-Unis en 2016 et comme le Royaume-Uni en 2014, la Chine traverse à son tour une période de restructuration qui passe par une nécessaire réduction du nombre de ventes. Toutefois, la seconde puissance du marché de l’art mondial n’est pas en souffrance : le pays enregistre une saine correction après de très nombreux records. Il gagne en maturité, évitant de renouer avec le fantasme récurent de la bulle spéculative. L’un des facteurs les plus rassurants permettant cette conclusion tient en la nette amélioration du taux d’invendus en Chine : le pays avait vu ce ratio augmenter dangereusement au cours des deux dernières années, jusqu’à atteindre 70 % sur le premier semestre 2016. Il redescend cette année à un niveau beaucoup plus stable de 54 %, un taux qui prévalait en 2013 et 2014, à l’apogée du marché chinois.
Par ailleurs, la circulation des artistes s’accélère entre la Chine et les Etats-Unis. Bien que la puissance du marché chinois repose en premier lieu sur les artistes nationaux, le goût et les investissements des collectionneurs locaux changent. Ils sont de plus en plus actifs dans l’acquisition des grands maîtres occidentaux – tels que Monet, Van Gogh, Picasso, Rembrandt, Bacon ou Modigliani – et diversifient actuellement leurs collections de plusieurs façons, achetant à Londres, Paris ou New York, ainsi que, désormais, au sein des grandes sociétés de ventes chinoises qui commencent à intégrer des artistes européens à leurs catalogues. Christie’s et Sotheby’s ayant bien saisi les enjeux de cette ouverture du marché, ils attirent les collectionneurs chinois fortunés à New York en organisant deux fois par an une grande semaine de ventes entièrement dédiée à l’art asiatique (mars et septembre).
Preuve que cette stratégie est opérante : lors sa cession asiatique de mars 2017, Christie’s vendait le rouleau des Six Dragons de Chen Rong pour près de 49 millions de dollars contre une estimation initiale comprise entre 1,2 et 1,8 million de dollars. Par ce coup de marteau, Christie’s cédait l’œuvre chinoise la plus chère vendue en dehors du pays, tout en établissant un nouveau record absolu pour Chen Rong, illustrant que la place new-yorkaise est désormais tout aussi attractive que les sociétés de ventes implantées en Chine en matière de chefs-d’œuvre chinois.
De profonds bouleversements sont en cours car les collectionneurs chinois acquièrent des œuvres occidentales tandis que des chefs-d’œuvre de l’art chinois trouvent un écho de plus en plus favorable sur le marché haut de gamme américain.

L’Occident compte sur l’art contemporain.

Après plusieurs mois de difficultés et d’ajustements, le marché occidental a trouvé un nouveau souffle en parvenant à réunir des lots de première qualité pour l’art contemporain, un secteur qui mène la reprise générale du marché par une hausse de 5 %.
Alors que l’art moderne et les périodes antérieures présentent des indices stable du fait d’une pénurie de chefs-d’œuvre, l’art d’après-guerre rencontre à son tour de plus en plus de difficultés à maintenir la cadence. Les pièces maîtresses d’Andy Warhol, Cy Twombly, Roy Lichtenstein et même Gerhard Richter deviennent rares en salles de ventes.
La nouvelle ère de prospérité dans laquelle est entré le marché de l’art se trouve, pour la première fois de son histoire, activée par l’art contemporain. Cette réalité est clairement mise en lumière par l’évolution générale des prix pour les différentes périodes de création. En effet, depuis deux années, seul le secteur de l’art contemporain (artistes nés après 1945) affiche des prix en croissance. Cela constitue tout d’abord un événement historique dans l’histoire de l’art et, par ailleurs, un marqueur indéniable démontrant la confiance des acteurs du marché pour les artistes vivants. Autrefois segment le plus fragile, l’art contemporain constitue aujourd’hui une formidable caution pour les nouveaux arrivants.
Une période faste a été annoncée au cours des derniers mois. Le signal le plus probant est celui lancé par la vente de l’œuvre Untitled (1982) de Jean-Michel Basquiat. Les 110,5 millions de dollars déboursés pour acquérir cette toile contemporaine annoncent une évolution profonde : sixième œuvre la plus chère jamais vendue aux enchères, Untitled (1982) fait entrer le graffeur new-yorkais dans le panthéon des géants de l’histoire de l’art aux côtés de Picasso, Modigliani, Giacometti, Bacon et Munch, les seuls à avoir dépassé les 110 millions de dollars. Les collectionneurs sont aujourd’hui parfaitement prêts à payer des sommes équivalentes pour s’offrir des chefs-d’œuvre contemporains ou des œuvres
historiques.
Cette nouvelle conjoncture est le résultat d’une transformation progressive du marché. Depuis 2000, les collectionneurs ont montré un intérêt croissant pour les œuvres réalisées au cours de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Alors que l’art d’après-guerre et l’art contemporain pesaient respectivement 8 % et 3 % du produit de ventes mondial il y a 17 ans, leur part de marché s’élève aujourd’hui à 21 % et 15 %.