Maisons individuelles

Un marché conditionné à l’évolution des taux de crédit

En 2010, les ventes sont reparties à la hausse, rattrapant doucement les niveaux de 2006 - Face aux exigences thermiques et à la progression du coût des matières premières, les prix devraient augmenter en 2011.

A l’heure de la lutte contre l’étalement urbain, la maison individuelle reste-t-elle toujours d’actualité ? Au regard des chiffres diffusés par les filières concernées, la réponse est positive. Sans doute devra-t-elle cependant être pensée autrement dans les années à venir, notamment avec l’avènement de la nouvelle réglementation thermique dite RT 2012 introduisant le critère BBC (Bâtiment basse consommation) comme norme obligatoire dès janvier 2013.

En attendant, sur les 453.542 autorisations de construire délivrées en 2010 pour le résidentiel neuf, 240.460, soit 53 %, concernent des maisons individuelles. Parmi elles, le logement individuel pur (ou en diffus) - terrain et maison sont acquis juridiquement distinctement - par opposition à l’habitat individuel groupé - terrain et maison sont achetés à un promoteur - concentre 70 % des demandes. Un marché porté par les départements longeant l’Atlantique, Gironde, Vendée, Loire-Atlantique et Morbihan, que se partagent constructeurs (60 %), architectes (18 %) et entreprises artisanales sollicitées en direct (22 %), d’après les données de Caron Marketing, cabinet d’études et de conseil spécialisé dans l’immobilier et le bâtiment.

Des ventes reparties à la hausse.

Sur les douze derniers mois, le nombre de ventes brutes en maisons individuelles diffus, constaté par l’indicateur Markemétron (1), approche 198.000, soit une croissance de plus de 15 % par rapport à 2009. L’année 2010 renoue doucement avec les plus hauts constatés en 2006 (voir le graphique). Cependant, l’embellie des ventes en individuel pur ne trouve pas encore un écho positif dans les ouvertures de chantiers.

Il convient d’abord d’appliquer un taux d’annulation de 13 % environ pour l’année 2010 : les chantiers réellement ouverts devraient donc côtoyer les 172.000 unités. Ensuite, les mises en chantier, informations recueillies par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, présentent un décalage dans le temps avec les contrats de vente de l’ordre de 9 à 11 mois, voire un an, d’après les données d’André Caron de Caron Marketing relayées par l’Union des Maisons Françaises (UMF). Mais ce n’est pas tout : depuis deux ans, c’est leur fiabilité que les professionnels remettent en cause.

Les statistiques du ministère montrent une baisse des mises en chantier des logements concernés de 5,1 % entre les mois de décembre 2009 et décembre 2010, alors qu’un an auparavant, les signatures de contrats de construction avaient augmenté de près de 8 %. « Si, dans les mois à venir, l’écart persistait, il y aurait lieu de s’interroger sur la qualité de la collecte des informations », juge l’UMF.

Sensibilité aux taux de crédit.

Notons que ce marché est essentiellement centré sur les primo-accédants dont la solvabilité tient en grande partie au mouvement des taux de crédit et aux mécanismes fiscaux mis en place par le gouvernement. Ainsi, Christian Louis-Victor, président de l’UMF, prévoit pour 2011 une activité peu ou prou équivalente à celle de l’année 2010, soit environ 190.000 ventes, à condition que les taux d’intérêt se maintiennent à leur niveau d’aujourd’hui. Un relèvement de 100 points de base (pb) freinerait le dynamisme retrouvé, d’après les calculs d’André Caron, de 15 %. En revanche, le nouveau prêt à taux zéro (PTZ+) gomme en partie l’effet taux négatif. D’autant que, si la maison est labellisée BBC, le dispositif fiscal est majoré.

Des prix contenus en 2011.

Entre la maison de plain-pied avec une toiture à faible pente du Sud-ouest et la maison à étages avec une toiture à forte pente d’Alsace, le coût de construction varie d’une région à une autre. Mais en moyenne, une maison individuelle proposée par un constructeur vaut aujourd’hui, hors foncier, autour de 115.000 euros pour une surface de 115 m_ environ. Si en 2010, les prix, terrain exclu, ont diminué entre 1,5 et 2 %, en 2011, ils devraient augmenter mais rester contenus aux alentours de 5 %. « Les industriels ont d’ores et déjà annoncé une vague d’augmentations de la valeur d’un certain nombre de composants due à la hausse du coût des matières premières », explique Dominique Duperret, secrétaire général de l’UMF. Puisque seulement un quart des maisons qui sortent de terre à ce jour à l’initiative des constructeurs est certifié BBC, la croissance des prix annoncée ne prend que partiellement en compte le coût du saut technologique induit par le label, estimé, selon l'UMF, autour de 10 % pour les professionnels et entre 13 % et 18 % pour le client final.

Difficile d’obtenir des chiffres du côté des architectes, qui produisent des maisons plus grandes, de l’ordre de 125 m_, mais dont le prix moyen en France varie beaucoup plus.

Le BBC, une chance ?

Décriée par les constructeurs à cause de son surcoût, la norme BBC ne constitue-t-elle pas l’occasion de renouveler le parc de logements ? La révolution verte pourrait bien ouvrir pour les décennies à venir un important marché aux constructeurs de maisons individuelles. « Dans bien des cas, la rénovation thermique n’est pas la bonne solution », explique André Caron. Tout l’existant n’est pas à engloutir, mais « de manière générale, rénover une maison des années 70 pour l’adapter aux exigences environnementales actuelles coûte plus cher que de la démolir et de la reconstruire  », poursuit le professionnel.Actuellement, le nombre de démolitions suivies de reconstructions est très faible en France, 70.000 logements par an sur 26,5 millions de résidences principales. « Beaucoup de choses restent à faire à ce niveau-là : il faut rendre évidente l’obsolescence de l’ancien et particulièrement l’obsolescence thermique », explique André Caron.

Compte tenu des densités souhaitées aujourd’hui, particulièrement sur les zones tendues en Ile-de-France ou à la périphérie des grandes villes, sur un terrain où on construisait une seule maison il y a 40 ans, ne pourrait-on pas en bâtir deux de nos jours? C’est aussi ces considérations qu’entraîne l’exigence de développement durable : repenser la manière d’appréhender l’habitat. La maison individuelle telle qu’elle est conçue aujourd’hui a-t-elle encore sa place dans notre environnement ? Des réflexions sur lesquelles se penche Michèle Barbé, conseillère chargée de la communication du Conseil national de l’Ordre des architectes (lire l'encadré). 

(1) L’outil d’analyse est développé par Caron Marketing et calcule les ventes brutes annuelles de maisons individuelles en diffus sur la base des contrats de construction signés entre acheteurs et constructeurs et sur un échantillon de 300 constructeurs représentant 59 % du marché.

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