
Un horizon dégagé pour la distribution d’assurance vie

Le 1er juillet 2015, la Commission européenne s’est félicitée de l’accord trouvé sur la nouvelle mouture de la directive sur la distribution d’assurance, également désignée sous le terme Insurance distribution directive (IDD). Particularité de cette version de la directive sur l’intermédiation en assurance (DIA II) qui remplacera le précédent texte datant de 2002 : IDD est appelée à couvrir la totalité de la chaîne de distribution.
« Par rapport à la directive DIA I, qui ne concernait que la moitié des activités de détail en assurance vie et 60 % en assurance non vie, cette réglementation vise à peu près toute l’intermédiation en assurance en Europe, à l’exclusion de la couverture des grands risques, des consommateurs avertis et des services de vente liée », détaille Henri Debruyne, président de l’Observatoire européen de la distribution de l’assurance (Medi). Il souligne également que ce texte s’appliquera aux courtiers, aux intermédiaires, mais aussi aux compagnies d’assurances.
De leur côté, les conseillers patrimoniaux retiendront surtout de la directive IDD la confirmation du modèle de rémunération basé sur le commissionnement.
Une prudence à l’égard de la prochaine version du texte.
Dans un communiqué, la Commission a reconnu que les Etats membres peuvent permettre aux distributeurs de produits d’assurance de continuer à tirer des revenus de commissions ou de paiement de tiers, « mais uniquement s’ils sont en mesure de prouver que de telles commissions présentent aussi un bénéfice pour le client ». Dans sa version actuelle, IDD contraint l’intermédiaire à révéler à son client l’existence de commissions « mais il n’a pas à lui en préciser le montant, cette disposition ayant été abrogée », précise Nicola Gotzev, consultant chez Aurexia.
Si le principe est clairement posé, les mises en garde fusent. Selon David Charlet, le président de l’Anacofi, les difficultés peuvent survenir au niveau de la formalisation technique de cette directive source : « Nous craignons par exemple ce que l’on a pu observer sur la directive MIF II où le principe de la rémunération basée sur des commissions, accepté dans la directive elle-même, a fait l’objet d’une proposition de l’Esma (l’Autorité européenne des marchés financiers) de limitation à la moitié du chiffre d’affaires réalisé par le conseiller. Il aura fallu une mobilisation générale et des mois de négociation pour que l’Esma revienne sur sa proposition ‘technique’. »
Par ailleurs, l’accord politique conclu à l’échelon européen ne tient pas compte des adaptations que les Etats membres seront amenées à réaliser. « Ils restent souverains pour la question de savoir s’il y a ou non un effet préjudiciable des commissionnements pour leurs marchés respectifs, note Nicola Gotzev. Il est donc toujours possible que le service rendu par l’intermédiaire ne soit pas susceptible de donner lieu à des rétrocessions. »
Les prochaines étapes de l’adoption de ce texte seront donc scrutées avec attention. A partir du mois de septembre, le Parlement européen pourrait être amené à se prononcer sur le texte en séance plénière, avant une adoption par le Conseil et une publication officielle à la fin de l’année. En France, IDD devrait être transposée en début d’année 2018 au plus tard. Pour mémoire, l’entrée en vigueur de la directive MIF II est prévue pour le mois de janvier 2017 et est encore susceptible de faire l’objet d’évolutions.
Des distorsions avec MIF II ?
Si les directives MIF II et IDD portent l’ambition commune d’améliorer la protection des investisseurs, des divergences se font jour. Dans le détail, MIF II fixe une transparence totale sur l’ensemble des rétrocessions perçues par les non-indépendants et l’obligation de reverser ces rétrocessions pour les indépendants. En ce sens, elle érige les modalités de la rémunération au rang d’élément clé de l’indépendance. « Ce n’est pas le cas avec IDD où il n’existe pas de distinction selon le caractère dépendant ou indépendant d’un conseiller, retient Henri Debruyne. Toutefois, l’objectivité due aux clients devient une vertu cardinale. Pour y aider, l’encadrement des rémunérations devient strict. »
Nicola Gotzev ajoute que dans le cadre de la directive MIF II, « le CGPI qui se déclare non-indépendant et qui promet une amélioration de la qualité de service devra en porter la preuve auprès de l’AMF. En revanche, d’après IDD, pour ce qui concerne la vente de produits d’investissements assurantiels (PIA), le même conseiller n’aura pas de justification de l’amélioration de la qualité de service à fournir ». En l’état actuel du texte, l’appréciation du caractère préjudiciable des rétrocessions sur la qualité du service fourni doit encore être définie par la Commission, « mais le dernier mot reviendra aux Etats membres au moment de la transposition de la directive », poursuit-il.
Quelle incidence pour les CGP ?
Cette divergence entre MIF II et IDD suscite des réactions. Benoist Lombard, le président de la CNCGP, considère que « le pragmatisme du législateur européen l’a amené à ne pas reproduire les erreurs de MIF II, notamment sur l’interdiction des rétrocessions pour du conseil dit indépendant ».
Des interrogations portent également sur le modèle de distribution à privilégier par un CGP. Sur le terrain, si un conseiller en investissements financiers (CIF) qui se déclare indépendant n’a pas droit aux rétrocessions en application de la directive MIF II, privilégiera-t-il l’assurance vie, avec un statut d’intermédiaire d’assurance (IA) soumis à IDD, pour percevoir des commissions ? Benoist Lombard estime qu’« IDD ne favorisera pas la distribution d’assurance vie dans la mesure où les CGP réalisent déjà la majorité de leurs chiffres d’affaires par la vente de PIA. » D’après lui, MIF II n’aura pas davantage d’incidence sur le modèle des conseillers : « Nous n’avons pas de problème avec le fait qu’un CGP ne se déclare pas indépendant et continue à se faire rémunérer par le biais de commissions dans la mesure où il n’a pas vocation à l’exhaustivité dans son offre commerciale. »
Un alignement des directives.
La directive IDD partage plusieurs dispositions avec les normes européennes. Par exemple, la commercialisation des contrats d’assurance vie donne lieu à la communication d’informations standardisées par le conseiller. Sur ce point, IDD est alignée sans surprise sur les directives Solvabilité II et Priip – laquelle, pour mémoire, sera applicable à compter du 31 décembre 2016 et imposera la remise d’un document d’informations contractuelles (DIC) à l’investisseur. « Le statut de CIF nous protège déjà sur ce point en ce que les informations que nous demandons à nos clients et les préconisations que nous lui soumettons sont équivalentes au niveau d’exigence retenu par IDD », remarque Benoist Lombard.
Par ailleurs, il ressort de la directive IDD l’obligation pour le CGP d’informer son client de l’existence d’un intérêt économique à commercialiser un produit en particulier. Comme le prévoit la directive MIF II, la divulgation des informations sur les frais et les autres rémunérations devra être réalisée dès l’entrée en relation.
« Il existe également des similitudes entre les directives IDD et MIF II sur la notion de marché cible », relève Nicola Gotzev. Pour rappel, il revient au producteur d’un organisme de placement collectif (OPC) de définir un marché cible et de s'assurer que la stratégie de distribution employée soit en accord avec ce marché. Il complète : « Pour ce qui concerne IDD, le raisonnement est identique et il reviendra aux producteurs d’associer un produit à un certain niveau de risque, une stratégie de distribution et un marché cible. »
Echanges entre fournisseurs et distributeurs.
Henri Debruyne rappelle que les compagnies d’assurances se sont vu reconnaître un droit de contrôle accru sur les pratiques commerciales. Il regrette toutefois que « si IDD prévoit la mise en œuvre d’un processus de travail par ces entreprises, notamment avec les consommateurs, la participation des distributeurs n’est pas mentionnée ». Autre oubli selon lui, « le droit de contrôle exercé par le fournisseur du produit auprès du CGP tel que fixé par Solvabilité II ».
Formation.
Le texte introduit par ailleurs de nouvelles dispositions en matière de reconnaissance mutuelle des connaissances et des aptitudes professionnelles. Une obligation de formation continue – de 15 heures par an – pour chaque distributeur d’assurance est imposée.