Actions technologiques américaines

Secteur sous surveillance

Des titres phares du secteur de la technologie ont été sévèrement chahutés ces dernières semaines aux États-Unis
Si le spectre des années 2000 n’est pas évoqué, les gérants surveillent tout de même ce secteur attentivement

C’était un poisson d’avril mais il est des circonstances où les investisseurs ne goûtent pas ce genre d’humour. Elon Musk, dans un tweet du 1er avril, a annoncé la faillite de Tesla, le constructeur d’automobiles électriques dont il est le président. « Malgré d’intenses efforts pour lever de l’argent, y compris via une vente massive d’œufs de Pâques en dernier recours, nous sommes tristes d’annoncer que Tesla a fait complètement faillite. Une faillite comme vous ne pouvez pas l’imaginer », pouvait-on lire sur Twitter. Le message, suivi d’autres, est sans équivoque sur son caractère humoristique, mais peu importe, l’action a immédiatement dévissé de 5%, une baisse s’ajoutant aux 20% perdus depuis les plus-hauts atteints en 2017. Et si le titre a fortement rebondi après l’épisode de début avril, cela montre tout de même à quel point, d’une part, les investisseurs sont fébriles sur toute nouvelle concernant les valeurs technologiques et, d’autre part, que les dirigeants de ces sociétés ne sont peut-être pas vraiment préparés à faire face à des difficultés, seraient-elles même passagères.

Catalyseurs. Il est vrai que les nouvelles pour les actions technologiques n’ont pas été florissantes ces dernières semaines. De nombreuses sociétés emblématiques ont connu des déboires, certains pouvant paraître anecdotiques, d’autres pouvant avoir des répercussions sur le long terme. Et mises bout à bout, toutes ces nouvelles finissent par entraîner le secteur. Ainsi, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a été entendu le 11 avril devant le Congrès américain. Le réseau social est en effet soupçonné de négligence concernant le siphonnage des données de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs, utilisées ensuite par la société Cambridge Analytica à des fins électorales aux États-Unis. Autre exemple de déconvenue, le titre de Snap, l’éditeur de l’application Snapchat, évolue aux alentours de 14 dollars alors qu’il en valait près du double en mars 2017, trois mois après son introduction en Bourse. Enfin, les valeurs technologiques ne sont pas à l’abri de décisions politiques qui peuvent leur être très défavorables. Les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont ainsi souvent montrées du doigt pour leur optimisation fiscale et certaines de ces sociétés, comme Amazon, ont été, ces dernières semaines, à de multiples reprises la cible de critiques de Donald Trump.

Valorisation élevée. Si aux dires des gérants la valorisation, à elle seule, ne provoque pas de rupture à la hausse ou à la baisse des actions, elle joue tout de même le rôle d’un accélérateur de tendance. Or, depuis plusieurs mois, et encore aujourd’hui même après la période de baisse des indices, le marché américain dans son ensemble apparaît surévalué à nombre d’investisseurs. Le Nasdaq, par exemple, présente toujours un ratio  de cours sur bénéfices de 26,33, contre 19,28 pour le Dow Jones et 15,25 pour le CAC 40. Il n’est donc pas étonnant, à ces niveaux de valorisation, que la moindre mauvaise nouvelle provoque des variations des titres de plusieurs pourcents. Pour autant, les gérants ne comparent pas cette situation à celle des années 2000, réfutant toute situation de bulle. Contrairement à l’époque, beaucoup de sociétés du secteur, si hautement valorisées soient-elles, arrivent à dégager d’importants bénéfices. « Selon nous, explique Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute, la récente baisse témoigne de risques croissants, mais un effondrement des valeurs technologiques n’est pas en vue. Des fondamentaux solides étayent notre préférence pour le secteur. »

Conséquences. Finalement, les discours des allocataires restent souvent classiques, touchant ces valeurs. Pas de panique annoncée mais davantage de sélectivité dans les choix d’investissement. Il n’empêche, ils gardent tout de même les yeux rivés sur l’évolution du marché américain dans son ensemble, tiré depuis longtemps maintenant par les géants de la technologie. Car, si les États-Unis trébuchaient, les autres marchés pourraient en pâtir. « Le découplage entre les actions européennes et américaines n’existe tout simplement pas », met en garde Laurent Gaetani, le directeur général de Degroof Petercam Gestion.