États-Unis

Nervosité sur les taux

Les États-Unis sont aujourd’hui proches de leur objectif d’inflation de 2% et le taux à 10 ans américain a touché la barre des 3%
La Réserve fédérale a voulu rassurer les marchés, mais ces derniers seront beaucoup plus sensibles à l’évolution de l’indice des prix

Un seuil a été franchi sur les marchés de taux à la fin du mois d’avril. Les emprunts à dix ans américains sont passés – momentanément – au-dessus de 3 %, un niveau qui, avant d’avoir été très brièvement atteint à la toute fin de l’année 2013, n’avait pas été observé depuis 2011 (voir graphique). Or, de nombreux gérants avaient ce palier en ligne de mire depuis le début de l’année. Et maintenant qu’il a été atteint, reste à savoir si cette remontée des taux va continuer et quelles en seraient les implications sur les différentes classes d’actifs.

Inflation et réaction. Si cela fait maintenant plusieurs mois que l’inflation moyenne aux États-Unis avoisine les 2 % visés par la Banque centrale américaine, un élément est venu perturber les marchés au mois d’avril. L’inflation sous-jacente, c’est-à-dire ne prenant pas en compte les évolutions des prix de l’alimentation et de l’énergie, a, elle aussi, dépassé les 2 %. Cette évolution des prix à la consommation a été confirmée par la Banque centrale américaine au début du mois de mai, mais cette dernière a tout de même tenu à rassurer les opérateurs en introduisant la notion de « symétrie » dans ses objectifs d’inflation. « En cas d’objectif asymétrique, la banque centrale cherche à ce que l’inflation converge vers l’objectif tout en évitant un dépassement […]. En cas d’objectif symétrique, accepter un certain dépassement de la cible permet de conserver une politique accommodante pendant plus longtemps, ce qui renforce la probabilité d’atteindre l’objectif », explique William De Vijlder, directeur de la recherche économique du groupe BNP Paribas. En clair, la Réserve fédérale a voulu éviter que les marchés anticipent une réaction violente de sa part si les objectifs d’inflation de 2 % étaient durablement dépassés. Bernard Aybran, directeur de la multigestion chez Invesco, estime pour sa part que « le niveau actuel des taux à dix ans américains est, certes, lié aux anticipations d’inflation, mais aussi à des phénomènes techniques conjoncturels, comme le rapatriement de liquidités des entreprises américaines. Nous n’anticipons pas, à court terme, une envolée des taux longs américains. »

Conséquences mesurées. Cela étant, les investisseurs s’interrogent tout de même sur les conséquences possibles d’une remontée des taux longs américains sur les autres classes d’actifs, même si, comme le rappelle la Financière de l’Echiquier (LFDE), « à 3 %, le dix ans américain est encore loin de son niveau de 2007 (5 %) ». Des taux élevés ont évidemment des répercussions sur l’économie, aussi bien du côté des ménages, qui deviennent moins solvables, que des entreprises, qui pourraient avoir plus de mal à se financer.  Même si ce n’est pas le scénario qu’il anticipe, Bernard Aybran met en garde sur le fait qu’« une montée des taux d’intérêt américains à long terme, si elle s’accélérait, pourrait avoir des répercussions importantes, notamment sur les entreprises. Ces dernières n’ont jamais été autant endettées et l’équilibre actuel ne peut perdurer que si la charge de la dette reste faible. Si la croissance de leurs bénéfices commençait à ralentir et si les taux remontaient à des niveaux sensiblement supérieurs à ceux observés aujourd’hui, certaines d’entre elles pourraient avoir beaucoup de mal à se refinancer. »

Dollar à surveiller. Enfin, si l’économie américaine ne devrait pas trop souffrir de taux à dix ans qui resteraient aux environs de 3 %, des changements pourraient provenir de l’évolution des devises. Ainsi, depuis la mi-avril, le dollar, qui affichait une tendance baissière par rapport à l’euro depuis la fin de l’année 2016, s’est repris à la hausse. Ce mouvement, lié au différentiel de taux d’intérêt entre l’Europe et les États-Unis, est donc à surveiller. Même si certains estiment qu’un dollar fort est positif pour les entreprises européennes exportatrices, « l’histoire a montré que les marchés européens performent mieux lorsque l’euro est fort », constate Bernard Aybran. Par ailleurs, la classe d’actifs des émergents reste, comme à l’accoutumée, très sensible aux évolutions de la monnaie américaine et pourrait pâtir de cette hausse.


Graphique