
Mécanique de palmipède

Une bonne image vaut mieux qu’un long discours. Les financiers l’ont compris depuis longtemps qui, pour définir un marché haussier, ont pris comme symbole le taureau parce qu’il attaque de bas en haut, tandis que l’ours représente un marché baissier en ce qu’il attaque à l’inverse, de haut en bas. Mais la bourse est-elle devenue plus complexe ? Ce distinguo n’est pas toujours pertinent. Et justifie qu’au taureau et à l’ours, d’aucuns lui ajoutent désormais… le canard. De façon mécanique, ce dernier symbolise la quiétude au-dessus du niveau de l’eau alors qu’en dessous, le palmipède réalise des mouvements saccadés. Or ce « swimming duck syndrom » est parfaitement adapté pour décrire la situation actuelle. A la surface, tout est calme, avec, à titre d’exemple, un MSCI Eurozone qui, entre le 10 octobre et le 10 novembre dernier, n’a progressé que de 0,09 %. Pourtant, sur la même période d’observation, les indices sectoriels ont décrit des mouvements violents. En chiffres, l’écart entre le meilleur (celui de l’énergie) et le pire (celui de la santé) a atteint 9,5 points. Autant dire que malgré l’absence de mouvement apparent, il a été facile pour un investisseur d’être pris à contrepied. Et d’y laisser des plumes. Faut-il se rassurer en tablant sur une période exceptionnelle ? A priori non, comme le démontre la présence en 2011 du MSCI Europe sous la ligne de flottaison (-11,3 %) alors que les indices sectoriels de la santé, de la consommation non cyclique et de l’énergie ont progressé respectivement de 9,7 %, 4,2 % et 2,2 %. Et ce qui vaut dans un sens vaut également dans l’autre. En 2012, le MSCI Europe a ainsi fait état d’une progression de 5,5 % tandis que les indices sectoriels MSCI Matériaux de base et MSCI Energie ont bu la tasse (respectivement -11,4 % et -12,5 %). Que faut-il en retenir, alors que l’on s’interroge sur le comportement des marchés dans les mois à venir ? Entre consolidation salutaire pour les uns et fin de fête pour les autres, les épargnants peuvent légitimement s’interroger. Ce qu’ils font d’ailleurs, si l’on se réfère aux dernières statistiques de Six Financial Information pour les OPCVM de droit français. Les fonds actions en octobre n’ont collecté en net que 532 millions d’euros, soit le montant de collecte positive le plus faible depuis le début de l’année. Dans cet environnement, L’Agefi Actifs s’est focalisé non pas sur les marchés mais sur les gérants. Plus que la tenue des places financières, il est nettement plus judicieux de s’intéresser à la capacité pour des asset-managers à dégager de l’alpha, quelle que soit la tenue des marchés. Aussi, vous retrouverez dans ce numéro les podiums de l’édition 2017 du Grand Prix de la gestion d’actifs, et la surperformance sur trois ans que chacun d’entre eux est parvenu à dégager. On notera que les vainqueurs de cette année se sont souvent distingués sur des classes d’actifs actions jugées moins efficientes que les autres. Telles les catégories investies en petites et moyennes capitalisations, par nature sujettes à d’amples variations. A croire que lorsque les places sont frappées par le syndrome du canard, les meilleurs gérants se distinguent dans les marchés les plus… volatils.
Jean-François Tardiveau