
Londres opte pour une évolution plutôt qu’une révolution de son secteur financier

Le renforcement de la croissance au Royaume-Uni passera par le secteur financier mais ce ne sera pas le Big Bang vanté par les dirigeants politiques britanniques. Jeremy Hunt, le ministre des Finances britannique, a annoncé vendredi à Edimbourg un train de 30 mesures très diverses couvrant un vaste champ. Le Big Bang 2.0, faisant référence à une réforme aussi profonde que celle des années 1980, s’est transformé en «Réformes d’Edimbourg». Jeremy Hunt, le ministre des Finances britannique a assuré qu’il fallait «s’assurer de ne pas désapprendre les leçons de 2008, mais en même temps reconnaître que les banques ont aujourd'hui des bilans beaucoup plus solides».
L’objectif est de relancer la croissance, débloquer les investissements et maintenir la City comme l'un des centres financiers les plus compétitifs au monde. Ce train de réforme passera notamment par l'abrogation ou l’adaptation de certaines règles de l'Union européenne encore en vigueur. «Nous irons plus loin – en réformant les lois contraignantes de l'UE qui étouffent la croissance d'autres secteurs tels que la technologie numérique et les sciences de la vie», a assuré Jeremy Hunt. «L'Afme soutient une réglementation financière qui encourage la croissance et qui est adaptée à son objectif et proportionnée aux marchés de capitaux britanniques», a réagi Adam Farkas, le directeur général du lobby financier.
En sortant de l’Union européenne, le Royaume-Uni a retrouvé son autonomie après l'accord sur le Brexit. Mais Londres ne peut détricoter totalement sa réglementation. Et la City est aujourd’hui menacée dans son leadership par d’autres places, notamment en Europe. Ce d’autant que l’UE accélère ses réformes sur les marchés financiers.
Vaste projet
Le projet de Jeremy Hunt couvre des domaines aussi vastes que la réglementation bancaire et des assurances, les activités de marché, la finance verte ou la monnaie digitale de banque centrale. Certaines mesures visant à renforcer la compétitivité de la finance britannique ont déjà été annoncées, comme la suppression d'un plafond sur les bonus des banquiers. Londres va aussi ajouter comme objectif pour les régulateurs de tenir compte de la compétitivité mondiale de la City lors de la rédaction des règles.
Le gouvernement avait déjà annoncé l'assouplissement des règles de capital pour les assureurs – Solvabilité 2 -, afin de libérer 100 milliards de livres pour l’investissement privé. Vendredi, il a annoncé les mesures concernant les banques, principalement sur le contingentement (ring-fencing) des activités de banque de détail. Les banques estiment que ces règles, trop strictes, empêchent le développement des acteurs de taille moyenne. Le gouvernement suivra les recommandations de la Skeoch Review et consultera mi-2023 sur l'exemption des règles des banques sans activités majeures de banque d'investissement et sur le relèvement du seuil des dépôts qui déclenche le respect des règles de cantonnement, de 25 milliards de livres à 35 milliards de livres. L’objectif est «d’alléger les charges réglementaires inutiles pour les entreprises tout en maintenant la protection des déposants», explique le ministère. En ce qui concerne une autre règle héritée de la crise financière, le régime SMCR (senior managers' and certification regime), le gouvernement indique vouloir réformer le dispositif début 2023 mais n’a pas donné de détail sur ses intentions.
Attrait de la City
Une grande partie des mesures concerne les marchés et le financement. L’un des objectifs est d’attirer les entreprises à la Bourse de Londres. Cela passe notamment par une refonte des règles relatives aux prospectus. Le gouvernement veut aussi revoir les règles de transactions, comme celles sur les ventes à découvert ou la titrisation, et examiner la possibilité de réduire de moitié le temps nécessaire pour le règlement des transactions à un jour. Le texte veut aussi rompre avec la directive sur les marchés d'instruments financiers MIF 2 et l’obligation pour les banques et les courtiers à détailler les frais pour la recherche de sélection de titres et l'exécution d'ordres sur titres, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis. Des tests seront par ailleurs menés pour la mise en place d’un marché de «gros» fonctionnant de façon intermittente afin que les entreprises lèvent plus facilement des fonds avant une cotation. Le gouvernement veut aussi promouvoir la version britannique du fonds d’investissement de long terme (LTAF) estimant que le véhicule promu par l’UE (LTIF) n’est pas efficace.
Le crédit à la consommation est également visé. «Le gouvernement publie aujourd'hui sa première consultation sur des propositions visant à moderniser la législation sur le crédit à la consommation - en simplifiant le régime pour encourager l'innovation dans le secteur du crédit et en réduisant les coûts pour les consommateurs et les entreprises», indique le communiqué du ministère des finances britannique. Une consultation va par ailleurs être menée dans les semaines à venir concernant le lancement d’une monnaie numérique de banque centrale. «D'autres mesures verront l'exemption de gestion des investissements étendue aux crypto-actifs - et le gouvernement s'est réengagé à établir en 2023 le Financial Markets Infrastructure Sandbox, permettant aux entreprises et aux régulateurs de tester, d'adopter et de faire évoluer en toute sécurité de nouvelles technologies, qui pourrait transformer les marchés financiers», est-il précisé.
Il y aura également une consultation sur la réglementation des fournisseurs de notations sur les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises, pour les inclure dans le périmètre de surveillance du régulateur. Le gouvernement publiera en début d’année prochaine sa nouvelle stratégie dans la finance verte. L’objectif de Londres étant de devenir un leader mondial de la finance durable.