Marché de l’art

L’impressionnante dynamique de l’Asie

Par Artprice.com @artpricedotcom
Plusieurs artistes chinois affichent aujourd’hui des cotes comparables à celles des grands noms occidentaux
Le marché asiatique est soutenu par de nombreux collectionneurs locaux qui diversifient leurs collections
Bloomberg, Le tableau Big Family Series : No. 15, de l’artiste chinois Zhang Xiaogang, présenté à la vente chez Sotheby’s Hong Kong, en 2006.

Un record a été emporté à Pékin le 17 décembre dernier. Plus qu'un simple record d'artiste, ce coup de marteau constitue une étape historique pour l'ensemble du marché de l'art asiatique, s'agissant de la première œuvre d'art chinoise vendue plus de 100 millions de dollars aux enchères.

Un tournant historique pour l'art chinois. Le nom du premier artiste chinois vendu plus de 100 millions de dollars lors d’une vente aux enchères est celui de Qi Baishi (1864-1957), considéré comme l'un des plus grands peintres chinois du XXe siècle. Qi Baishi, qui fut autant apprécié par les lettrés que par le peuple, et à qui Pablo Picasso vouait une grande admiration, culmine désormais à 140,9 millions de dollars pour un ensemble de douze écrans paysagers achevés en 1925, en pleine maturité de son art. Cet ensemble de douze dessins fut offert par l'artiste à son ami Chen Zilin (respectable médecin connu à l'époque), puis acheté par Guo Xiuyi, un homme du monde et grand amateur d'art, avant d'être mis sous le feu des enchères le 17 décembre 2017. La détermination de l'acheteur pour acquérir cet ensemble de douze dessins a permis un rééquilibrage entre le marché occidental et le marché asiatique, car jusqu'à présent, seuls des artistes occidentaux avaient passé un tel seuil de prix aux enchères. L'art de Qi Baishi est donc entré dans le cercle très restreint des sept artistes à avoir dépassé le seuil des 110 millions de dollars aux enchères, avec Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Alberto Giacometti, Francis Bacon, Edvard Munch et Jean-Michel Basquiat.

Le XXe siècle très présent. Qi Baishi n'est pas l'unique artiste chinois dont les prix se trouvent à la mesure de ceux des grands artistes occidentaux. Le classement des meilleures enchères établies au cours de l'année 2017 dévoile en effet qu'une vingtaine d'œuvres s'est vendue plus de 10 millions de dollars chacune entre Pékin et Hong Kong, les deux piliers du marché asiatique. Ces œuvres très cotées ne sont pas forcément très anciennes. Au contraire, la majorité d'entre elles ont été réalisées au cours du XXe siècle : outre les douze écrans paysagers de Qi Baishi, les mieux classées sont celles de Huang Binhong (1865-1955), Fu Baoshi (1904-1965), Zao Wou-Ki (1921-2013), Pan Tianshou (1897-1971), Cui Ruzhuo (1944-), Li Keran (1907-1989), Zeng Fanzhi (1964-), Zhu Yuanzhi (1906-1963), Zhang Daqian (1899-1983) et San Yu (1901-1966). Un seul artiste historique apparaît au classement des meilleures adjudications de l'année : Shi Tao (1642-c.1707), avec un ensemble de huit dessins intitulé Du fu poetic landscape painting vendu l'équivalent de 10,4 millions de dollars le 4 décembre 2017, chez Beijing Council International.

Hausses fulgurantes. Parmi les résultats les plus marquants de l'année 2017, celui obtenu pour Yellow mountain de Huang Binhong marque un cap remarquable car il a permis d'augmenter de 40 millions de dollars le précédent record de l'artiste. L'augmentation des prix constatée pour Huang Binhong est véritablement spectaculaire. Cette hausse a commencé un peu avant le 150e anniversaire de la naissance de l'artiste, en 2015. Des expositions lui rendant hommage étaient alors organisées dans plusieurs villes, ce qui a fortement stimulé la demande et fait grimper les prix, jusqu'à atteindre un record de 50,57 millions de dollars le 19 juin 2017 chez Christie's Hong Kong, pour un grand travail à l'encre intitulé Yellow mountain. La progression des prix de Huang Binhong est l'une des plus impressionnantes de notre époque, avec un indice en hausse de +886 % entre l'année 2000 et la fin de l'année 2017.

Opérée sur les fondements d'une tradition vivante, la modernité audacieuse de Huang Binhong incarne l'une des tendances les mieux valorisées sur le marché des ventes publiques en Asie. Cet art complexe du renouvellement de la tradition fut aussi tenté par l'artiste Fu Baoshi, récompensé par quatre œuvres vendues pour de 10 millions chacune au cours de l'année dernière. Fu Baoshi est lui aussi une signature brûlante du marché asiatique, comme en témoigne la progression spectaculaire de son indice de prix : +822 % depuis l'année 2000.

Un art qui s’exporte. Parallèlement à ces signatures inscrites dans la tradition chinoise du dessin à l'encre, d'autres tendances se confirment, notamment à travers le succès phénoménal de Zao Wou-Ki dont le record absolu à été battu à deux reprises au cours de l'année 2017 avec deux huiles sur toile réalisées en 1964. La première œuvre vendue, 29/09/64, atteignait 19,6 millions de dollars le 27 mai, tandis que la seconde, 29/01/64, grimpait à 25,9 millions de dollars six mois plus tard. Le prix des œuvres de Zao est maintenant en hausse de 864 % depuis 2000 et la clef de ce succès passe majoritairement par les collectionneurs asiatiques (73 % du produit de ventes 2017 provient de Hong Kong, environ 6 % de Chine continentale et 4 % de Taiwan), sans omettre une demande enthousiaste dans toute l’Europe, notamment sur le territoire français, qui a généré près de 14 % du chiffre d'affaires de l'artiste en 2017.

Ouverture. On constate par ailleurs que les collectionneurs asiatiques s'intéressent de près aux grandes signatures de l'art occidental. Pour la première fois, une œuvre de l'artiste américain Andy Warhol se classe parmi les 20 meilleurs résultats obtenus en Asie, grâce à un portrait pop de Mao vendu 12,67 millions de dollars chez Sotheby's Hong Kong, le 2 avril 2017. Un tel résultat prouve que la circulation des grands artistes occidentaux prend un nouvel élan en Asie.

Le marché de l'art asiatique, qui s'est considérablement diversifié au cours des dernières années, est l'un des plus intéressants et des plus dynamiques de notre époque. Les derniers résultats obtenus aux enchères témoignent de la puissance de ce marché et de la motivation de collectionneurs asiatiques qui ne se contentent pas d’investir sur leurs compatriotes, mais qui diversifient leurs collections en se portant acquéreurs de quelques chefs-d’œuvre occidentaux, parmi les mieux cotés au monde...