
L’euro signale une reprise plus rapide sur le Vieux Continent

L’euro a gagné 2% face au dollar jeudi avec la décision de la Banque centrale européenne (BCE) d’étendre au-delà des attentes son programme d’achats d’urgence (PEPP), de 600 milliards d’euros et jusqu’en décembre 2021. A 1,134 euro/dollar jeudi, la monnaie unique a même touché un pic de trois mois, pas loin d’une série historique de neuf hausses consécutives sans un recul à 1,13 vendredi. Alors, déconnexion des marchés sur tous les actifs ou signe de reprise sur le Vieux continent ?
«Les marchés anticipent une reprise rapide de l’économie depuis mi-avril déjà, avec les interventions fortes du Trésor et de la Fed aux Etats-Unis. L’euro n’en avait pas bénéficié jusque-là car les investisseurs avaient encore des inquiétudes sur la fragmentation politique de la zone, malgré les compensations de la BCE. Avec désormais l’espoir d’un plan de relance inédit, dont l’adoption n’est pas encore actée et maintiendra le risque de volatilité sur la devise, il y a un effet de rattrapage», estime Guillaume Dejean, analyste spécialisé chez Western Union Business Solutions.
Michel Martinez, chef économiste Europe de SG CIB, rappelle que la réaction monétaire et budgétaire a été très rapide en zone euro aussi, presqu’autant qu'aux Etats-Unis et beaucoup plus qu’en 2008 ou 2011 : «On gagne du temps, et cela remet en cause les doutes sur la capacité de résistance de la région, comme le prouve le fait que l’euro remonte après une annonce de QE alors que cela entraîne généralement une baisse de la monnaie».
Les devises constituent un pari sur la reprise à moyen terme, mais peuvent se tenir plus longtemps que d’autres actifs éloignées des fondamentaux. La zone euro, avec des mesures fortes comme le chômage partiel et les prêts garantis, a ses chances. «Une clé sera la reprise, ou non, de la consommation, des services et de l’emploi aux Etats-Unis», juge Guillaume Dejean. «Pour l’instant, c’est plutôt le dollar qui se déprécie du fait d’un alignement nouveau des politiques monétaires entre les deux régions. La Fed a repris des idées de Mario Draghi, mais est aussi ‘victime’ de sa politique de liquidités en dollars abondantes au niveau domestique et international, ce qui diminue mécaniquement les tensions sur la devise qui n’a donc été qu’un refuge temporaire, poursuit Michel Martinez. Avant la crise du coronavirus, l’économie, les marges des entreprises et les finances publiques américaines étaient plus fragilisées qu’en zone euro ; cela nous semble encore plus vrai désormais, au regard des risques de défauts, de faillites et de chômage.» Mais un euro à 1,13 dollar reste déconnecté de ses valorisations théoriques (en parité de pouvoir d’achat par exemple) ou historiques, plutôt entre 1,20 et 1,30.
Les gagnants de la crise en recul
Le dollar a d’ailleurs corrigé face à presque toutes les devises, l’indice DXY ayant chuté depuis son plus haut de 103,66 du 19 mars à 96,90 vendredi. «C’est également le cas des autres valeurs refuge comme le yen et le franc suisse», note Guillaume Dejean. La livre sterling, malgré toutes les incertitudes autour du passage de la Banque d’Angleterre (BoE) en taux négatifs et du Brexit, s’en trouve revigorée (1,27 dollar). De même que les devises émergentes comme le rand sud-africain, passé de 18,58 à 16,82 face au dollar, et surtout le réal brésilien (4,95 face au dollar) et le rouble (69,54 face au dollar), deux monnaies également soutenues par la remontée du pétrole. Le dollar évoluera aussi avec la perspective des élections américaines, pour lesquelles Donald Trump risque de raviver les tensions avec la Chine, comme le montre le recul du yuan, à 7,09 face au dollar.