
Les « Trésors nationaux » mieux encadrés

En vertu de la convention de l’Unesco de 1970 sur la circulation des biens culturels et de directives européennes, la France s’est dotée d’outils juridiques afin de contrôler l’exportation de biens culturels hors de France. Ces outils ont été intégrés par les lois de 1992 et de 2000 dans le Code du patrimoine qui prévoit un ensemble de mesures nécessaires à réaliser afin de quitter le territoire français avec des œuvres d’art.
En particulier lorsque la valeur des biens atteint un certain seuil et que l’ancienneté est supérieure à une certaine limite (exemple : 150.000 euros et 50 ans pour les tableaux), le propriétaire ou l’exportateur doit demander à la direction des Musée de France un certificat de libre circulation.
Dans la très grande majorité des cas, ce certificat est délivré mais lorsqu’il ne l’est pas, le bien est déclaré « Trésor national ». L’Etat et le propriétaire ont alors 30 mois pour négocier sa cession à l’Etat. L’ordonnance du président est venue corriger des difficultés qui étaient apparues au cours du temps.
Information sur le lieu de dépôt.
Jusqu’à présent, les propriétaires d’œuvres déclarées « Trésor national » n’avaient pas à communiquer à l’administration leur lieu de conservation. L’article L. 111-7-1 du Code du patrimoine, créé par l’ordonnance n°2017-1134, prévoit désormais que les propriétaires de trésors nationaux ou leurs mandataires doivent déclarer à l’autorité administrative le lieu de conservation des biens concernés. Pendant la durée d’effet de ce refus, tout changement de lieu de conservation doit être déclaré auprès de l’autorité administrative et les propriétaires ou détenteurs de trésors nationaux doivent les présenter aux agents, habilités à cette fin, qui en font la demande.
Interdiction de restaurer des trésors nationaux.
Lorsqu’une œuvre a été déclarée « Trésor national », il est désormais impossible pour le propriétaire d’opérer des restaurations sur l’œuvre en question sans l’accord de l’administration. C’est l’article 111-7-2 du Code du patrimoine qui prévoit désormais que pendant la durée d’effet du refus de délivrance du certificat (en principe 30 mois), les trésors nationaux ne peuvent être modifiés ou restaurés sans autorisation de l’autorité administrative. Dans l’hypothèse où des travaux de restauration sont autorisés, ils s’exécutent sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat chargés de la culture. Cette disposition fait suite à une affaire lors de laquelle des propriétaires avaient sciemment fait réaliser des restaurations sur une œuvre qui avait été déclarée « Trésor national »
Interdiction de dépareiller une collection « Trésor national ».
Le nouvel article L. 111-7-3 du Code du patrimoine prévoit qu’il n’est plus possible de vendre un élément ou un bien composant un ensemble ou une collection qui a été déclarée dans son ensemble « Trésor national ». Cette disposition a pour objectif de maintenir jusqu’à la cession potentielle l’ensemble cohérent tel qu’il a été interdit de sortie de territoire et évite que des biens de cet ensemble soient vendus par petit lots.
Un contrôle strict.
Le nouvel article L. 111-3-1 du Code du patrimoine prévoit que l’instruction de demande de certificat d’exportation peut être suspendue s’il existe des présomptions graves et concordantes que le bien appartient au domaine public, a été illicitement importé, constitue une contrefaçon ou provient d’un autre crime ou délit. Le propriétaire doit alors justifier du déclassement du domaine public, de l’authenticité du bien ou de la licéité de sa provenance ou de son importation.
Cette disposition répond au souci légitime de plus en plus strict de contrôler les cessions de biens appartenant à l’Etat. L’affaire des discours du Général De Gaulle achetés par la société Aristophil a été retentissante, l’Etat réclamant la restitution de ces archives qu’il considère comme faisant partie du patrimoine domanial. De nombreux cas de biens de l’Etat proposés aux enchères ou en vente de gré à gré, comme les morceaux de la colonne Vendôme ou un morceau de Jubé de la Cathédrale de Chartres, ont conduit à une prise de conscience salutaire de la vérification du statut juridique d’une œuvre quittant la France.