
Les régulateurs français se penchent sur le conseil automatisé

L’Agefi Actifs. - Les instances européennes ont prévu en 2015 de travailler sur la vente à distance en lançant notamment un groupe de travail sur le « conseil automatisé ». Qu’en est-il du côté des régulateurs français ?
Olivier Fliche, coordonnateur du pôle commun de l’Autorité de contrôle et de résolution (ACPR) et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), directeur du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR. - Au niveau européen, l’ACPR et l’AMF participent activement au groupe de travail sur le « conseil automatisé ». Dans ce cadre, nous avons contribué à l’élaboration du document qui était en consultation jusqu’au 4 mars dernier.
Ces travaux de portée générale nourrissent les travaux du Pôle commun au niveau national, qui portent sur un champ encore plus large. Nous nous intéressons à la commercialisation à distance sous toutes ses formes, que ce soit la vente par téléphone, par internet ou mixte (téléphone-internet) ou bien l’utilisation de moyens digitaux tels que les médias sociaux. Outre les moyens mis en œuvre pour conduire le client à la souscription ou l’acte de souscription lui-même, nous sommes également vigilants sur l’accompagnement du client tout au long de la vie du contrat. La protection de la clientèle ne devrait en effet pas être amoindrie dans le cas d’une relation contractuelle nouée à distance.
Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants, AMF. - Le Pôle commun a effectivement inscrit dans son programme de travail « la vente à distance » dans le souci d’une meilleure appréhension de ces nouveaux modes de distribution et de leurs impacts. La feuille de route de ce programme est donc large : évolutions éventuelles de la doctrine existante, réflexion sur les nouvelles pratiques, en passant par la sécurisation du parcours client sans oublier les médias sociaux… Une consultation a été lancée sur le sujet et de premiers résultats sont en cours d’analyse. Les différentes conclusions seront partagées et relayées si cela est pertinent.
Outre ces travaux, l’AMF est également impliquée dans un groupe de travail de l’OICV (Organisation internationale des commissions de valeurs) qui mène une étude sur le conseil automatisé auprès de ses membres.
Dans le rapport d’activité 2014, il est évoqué le fait que des tests soient menés auprès des acteurs de la vente à distance et que les enseignements tirés vous permettront « d’identifier comment la réglementation doit s’adapter et évoluer face à la digitalisation de la commercialisation des produits financiers ». Une prise de position est-elle prévue ?
Claire Castanet. - Comme dit ci-dessus, nous sommes sur le sujet. L’approche est pragmatique. Notre doctrine permet-elle de prendre en compte ces nouvelles pratiques, nécessite-t-elle des précisions, voire des compléments ? Nous y travaillons en nous accordant au tempo européen et international, qui est plus large que les aspects de commercialisation.
Olivier Fliche. - Notre doctrine commune a peut-être en effet besoin de mieux reconnaître les spécificités de ces nouvelles méthodes de commercialisation. Pour cela, nous travaillons afin d’approfondir notre connaissance des différentes technologies utilisées par les acteurs. Celles-ci évoluent tous les jours. Dans tous les cas, l’approche cherchera à être équilibrée, pour permettre à la fois de développer la vente à distance via les technologies digitales et de préserver un haut niveau de protection des consommateurs de produits financiers.
En 2014, à l’issue des sept contrôles qu’elle a menés, l’ACPR a souligné une relation insuffisante entre les étapes de connaissance client, matérialisées par des questionnaires en ligne, et le conseil fourni. Par ailleurs, il est indiqué qu’« il apparaît fréquemment que les outils utilisés ne permettent pas d’identifier et traiter les incohérences dans les réponses formulées par l’internaute, voire permettent à celui-ci de modifier ses réponses en cours de processus. La possibilité laissée à l’internaute de se soustraire au profil déterminé ne s’accompagne que trop peu souvent d’une mise en garde par le professionnel. » Des contrôles ont-ils été menés en 2015 ? Les résultats sont-ils identiques ? Comment vous positionnez vous sur ce sujet ?
Olivier Fliche. - L’ACPR a effectivement poursuivi des contrôles sur la commercialisation des contrats d’assurances par les différents outils de vente à distance (internet, téléphone). Les contrôles portent sur les contrats d’assurance vie, mais aussi sur les autres contrats d’assurances. Pour ce qui concerne la distribution des contrats d’assurance vie, les enseignements des contrôles restent identiques pour certains acteurs. Toutefois, les contrôles mettent en avant également les avancées réalisées par les acteurs dans la mise en place d’une collecte d’informations pertinentes, accompagnées de mentions d’avertissement des clients lors de la saisie, et d’analyse plus complète des informations ainsi collectées. Le traitement des anomalies et incohérences reste cependant perfectible tant en matière de données collectées que de souscription du contrat où le client peut, même s’il souhaite a priori suivre le conseil fourni, souscrire un contrat différent sans alerte.
Claire Castanet. - Les résultats de ces contrôles alimentent les travaux sur la vente à distance qui doivent aboutir en 2016 pour une large part d’entre eux. Nous réaffirmons que la connaissance client est clé afin de permettre un conseil adapté. Les contrôles permettent d’agir individuellement au niveau des acteurs ; les travaux menés actuellement sur notre doctrine existante, qu’elle nécessite ou pas des précisions, sont l’occasion de réaffirmer ce principe.
Enfin, les nombreuses échéances réglementaires (telles que MIF II) renforcent la nécessité d’adéquation entre la connaissance client (situation financière, connaissance et expérience, objectifs d’investissement, risque raisonnable) et la fourniture de conseil. Il s’agit donc d’un axe prioritaire.