
Les investissements vont accuser un sérieux recul

La dégradation de l’environnement économique et financier devrait avoir raison du marché de l’investissement en immobilier d’entreprise en 2012. Difficile d’être très précis en début d’année, les anticipations sur les volumes restant à l’intérieur d’une large fourchette, entre 8 et 10 milliards d’euros en Ile-de-France contre 11,25 milliards d’euros pour les uns, 12,3 milliards pour les autres pour l’année dernière. Mais sur l’ensemble du territoire, ce sont quelque 10 à 12 milliards d’euros qui sont attendus par les professionnels du conseil, contre 16 à 17 milliards d’euros comptabilisés en 2011, soit une baisse située entre 25 % et 40 % selon les sources.
Bon millésime 2011.Porté en partie par la fin du traitement de faveur autorisé par l’article 210 E du Code général des impôts (CGI), celui-ci permettant, sous conditions, une imposition du montant net des plus-values au taux réduit de 19 %, le quatrième trimestre 2011, avec des engagements de l’ordre de 7 milliards d’euros, a nettement contribué au dynamisme de l’année passée. L’arrivée de nouveaux entrants, à l’instar du fonds de pension du gouvernement norvégien géré par Norges Bank qui, pour ses premières opérations en France, a investi 704 millions puis 290 millions d’euros aux côtés d’Axa Reim, a également participé à stimuler le marché.
Au total, d’après Jones Lang LaSalle, cinq transactions de plus de 300 millions d’euros et 29 de plus de 100 millions d’euros ont été recensées. Toutefois, les volumes de transactions de 2011, qui auraient même pu atteindre, selon Cushman & Wakefield, des niveaux dignes des très bonnes années si les investisseurs avaient pu faire de l’effet de levier, seront beaucoup plus sages cette année.
Points noirs pour 2012. Délicate à décrypter, 2012 laisse les professionnels dans une grande incertitude. « Il peut se produire n’importe quoi », annonce Maurice Gauchot, président de CB Richard Ellis (CBRE). Et si, jusqu’ici, peu d’investisseurs se sont retrouvés dans l’obligation de rendre les clés de leurs immeubles à leurs créanciers, le sujet du refinancement des engagements arrivant à échéance préoccupe. « Un certain nombre de refinancements ne se feront pas. Les banques seront les grandes absentes de 2012 »,juge Antoine Derville, président de CBRE Investment. « Aujourd’hui,certaines banques déclarent qu'elles ne seront pas en mesure de proroger les prochaines échéances,prévient pour sa part Philippe Couturier, président directeur général de Constructa Asset Management.L’année 2012 va voir le retour d’opérations très fortement décotées que nous attendons tous depuis 2008. »
De son côté, Olivier Gérard, président de Cushman & Wakefield, relativise, jugeant ce type de déconvenue non significatif pour la France en comparaison avec l’Allemagne et le Royaume-Uni. Il est vrai qu’il est difficile d’obtenir des chiffres quant aux sommes mises en jeu. Les bureaux de CBRE à Londres estimaient il y a quelques mois à environ 960 milliards d’euros le montant des dettes assises sur de l’immobilier d’entreprise en Europe, dont la maturité varie entre 2011 et 2020 (25 % concerneraient des actifs non sécurisés par un bail). A court terme, pour les seules années 2012 et 2013, 180 et 170 milliards d’euros arriveraient à échéance. En revanche, aucun professionnel ne s’aventure à calculer l’addition pour la France.
Des écarts de rendements qui se creusent.Dans ce contexte, et au regard de loyers faisant toujours l’objet d’âpres négociations, les taux de rendement, plutôt orientés à la baisse en 2011, devraient augmenter en 2012 (voir letableau)- ce qui signifie des prix à la baisse. Mais surtout, l’écart entre les biens de qualité (prime), qui resteront prisés en temps de crise, et les actifs dits secondaires, risque de se creuser sérieusement. D’autant que la définition d’actif « prime » se révèle être de plus en plus restreinte. « Aux critères de localisation ou de loyers sécurisés par un bail s’ajoute aujourd’hui l’élément environnemental pour lequel les investisseurs sont de plus en plus attentifs »,explique Virginie Houze, directeur études & recherche, Jones Lang LaSalle.
Aussi, si les rendements des biens prime, de plus en plus rares, ne devraient augmenter que légèrement cette année, les rendements des actifs moins sécurisés, eux, pourraient bien croître fortement, accusant mécaniquement une baisse des prix non négligeable.