Les Européens s’accordent sur le principe d’un fonds de relance commun

Mathieu Solal, à Bruxelles
Les contours de cet instrument restant bien flous, la Commission européenne est chargée de trouver un compromis
Charles Michel, président du Conseil européen, lors de la réunion des dirigeants des 27 pays de l’UE par visioconférence le jeudi 23 avril 2020 (Crédit European Union.)

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont entériné l’idée d’un fonds de relance européen pour faire face aux conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus, lors d’un Conseil européen virtuel organisé hier.

A l’issue de la réunion, le président du Conseil, Charles Michel, s’est félicité de la volonté commune d’aller vers un «outil de solidarité européen» tout en concédant qu’il fallait «poursuivre l’effort pour dégager une approche commune sur ses modalités»

Malgré plusieurs heures de discussions, les Vingt-Sept ont en effet échoué à dessiner les contours de cet instrument, laissant à la Commission européenne (CE) le soin de trouver un compromis entre eux. La présidente de l’institution, Ursula von der Leyen a promis de leur transmettre une proposition pour «la deuxième ou la troisième semaine de mai».

Deux batailles à mener de front

Pour l’Allemande, le fonds de relance doit être «clairement connecté» au budget 2021-2027 de l’UE, sur lequel s’écharpent les Etats membres depuis deux ans. La CE, qui souhaite voir relevé à 2% le plafond des ressources propres de l’Union, aura donc la difficile mission de mener de front ces deux batailles qui divisent les pays européens. 

Ce mélange fait craindre un retour au marchandage stérile qui pourrait profiter au «club des frugaux» (Pays-Bas, Danemark, Autriche, Suède), les Etats membres les moins prompts à faire preuve de solidarité.

Les Pays-Bas ont d’ailleurs jeté de l’huile sur le feu en publiant en amont du Conseil une proposition de fonds de relance «vert», fondé notamment sur des objectifs de réduction des gaz à effet de serre réhaussés, propre à réactiver le clivage Est-Ouest autour de la question environnementale.

Les Etats du Sud de l’Europe et la France, qui militent pour un fonds ad hoc, se tourneront sans doute vers l’Eurogroupe où ne siègent ni le Danemark, ni la Suède, pour trouver une solution. Le président de l’Eurogroupe Mario Centeno, qui plaide pour une utilisation du futur budget de la zone euro (BICC) pour relancer l’économie, a promis que les ministres des finances de l'eurozone se pencheraient sur le sujet dans les deux semaines.

Subventions versus prêts

Les discussions ont aussi achoppé sur l’utilisation qui devrait être faite de ces fonds. Pour Emmanuel Macron, «si l’idée est que l’Europe s’endette pour faire des prêts vers d’autres pays, ce n’est pas à la hauteur de la réponse parce que ces prêts viendront s’ajouter aux dettes que ces pays ont déjà». La France et les pays du Sud espèrent plutôt que le fonds, alimenté par de la dette à long terme voire perpétuelle, servira à distribuer des subventions aux Etats en ayant le plus besoin.

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz estime au contraire que le fonds doit prêter. «Une mutualisation de la dette ou des eurobonds ne sont pas acceptables. Nous continuerons de coordonner notre position avec les Etats pensant comme nous» a-t-il promis.

La CE tentera essaiera de trouver un compromis composé à la fois de subventions et de prêts. 

Pas des milliards, mais des trillions

Les Vingt-Sept n’ont pas non plus réussi à trouver un terrain d’entente sur le montant qui serait alloué pour la relance. «Cela ne se comptera pas en milliards, mais en trillions», a promis Ursula von der Leyen, qui estime que le fonds pourrait être opérationnel début 2021. Les propositions des Etats membres tablent sur des sommes comprises entre 500 et 1.500 milliards d’euros.

Ce fonds viendra s’ajouter aux trois premières mesures sur lesquelles s’est accordé l’Eurogroupe. Le refinancement des mesures nationales de chômage partiel (SURE, 100 milliards d’euros), le soutien aux entreprises via la Banque européenne d’investissement (BEI, 200 milliards) et le soutien budgétaire assuré par le Mécanisme européen de stabilité (MES, jusqu’à 240 milliards d’euros) devront être opérationnels au plus tard le 1er juin, ont décidé les Vingt-Sept hier. 

Le Conseil a enfin confié à la CE la tâche d’analyser les dégâts économiques pays par pays et secteur par secteur.