Les effets de la guerre en Ukraine se diffusent dans l’économie française

Yves-Marc Le Réour
Le maintien des prix d’importation de l’énergie à leur niveau de début mars amputerait le PIB de près d’un point en 2022, selon l’Insee.
Geralt

Dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions sur les prix, le conflit russo-ukrainien est un événement géopolitique porteur de conséquences économiques significatives à court et moyen terme, indique l’Insee dans sa note de conjoncture publiée jeudi. En première analyse, cette guerre et les sanctions adoptées contre la Russie touchent l’économie française par le biais de plusieurs canaux. Le choc induit sur les prix de l’énergie et des matières premières s’accompagne notamment d’un risque grandissant pour le commerce extérieur.

Les résultats précoces des enquêtes de conjoncture de mars, collectés entre le 25 février et le 14 mars, montrent que les perspectives des entreprises françaises semblent particulièrement affectées dans l’industrie, le commerce de gros ainsi que dans certains services, alors que l’impact de ce conflit sur l’emploi paraît bien plus faible, du moins à court terme. Les hausses de prix devraient peser à la fois sur les coûts de production des entreprises et sur les dépenses des ménages, même si le «bouclier tarifaire» sur les prix du gaz et de l’électricité, mis en place à l’automne dernier par le gouvernement, tend à limiter l’inflation énergétique. En moyenne, le taux de marge des entreprises s’établirait à 32,4% au premier trimestre 2022, contre 34% sur l’ensemble de l’année 2021.

«En février, l’inflation d’ensemble qui s’est élevée à 3,6% sur un an aurait atteint 5% en l’absence de bouclier tarifaire», souligne la note de conjoncture. En mars, sous l’hypothèse d’un cours du pétrole à 125 dollars le baril de Brent et d’un taux de change euro-dollar à 1,09, l’inflation atteindrait 4,2% sur un an. En prolongeant ces hypothèses, le glissement annuel des prix à la consommation pourrait se situer autour de 4,5% au deuxième trimestre. Cette augmentation serait tirée par les prix de l’énergie et des produits alimentaires, avec la mise en œuvre en avril des négociations commerciales entre les producteurs et la grande distribution.

Une exacerbation des contraintes sur l’offre

La fermeture du marché russe, les difficultés d’approvisionnement depuis l’Ukraine et la désorganisation des chaînes de valeur mondiales contribueront à exacerber les contraintes sur l’offre, déjà très fortes dans l’industrie et la construction, tout en perturbant les échanges de biens et services. Des comportements de stockage ne peuvent être exclus pour prévenir d’éventuelles pénuries de matières ou de composants, ce qui aurait un impact sur les importations. Le tourisme international, déjà affecté par l’épidémie, pourrait également voir sa reprise entravée.

L’Insee a maintenu sa prévision d’une croissance de l’activité française de 0,3% au premier trimestre 2022, malgré un recul de 0,5% de la consommation des ménages. Bien qu’elle puisse se reposer sur un effet d’acquis important (+2,7% à l’issue du premier trimestre 2022), la progression du PIB souffrira de la montée des aléas qui pèseront sur l’activité des prochains trimestres. Ces aléas sont liés au choc de confiance subi par les entreprises et à l’ampleur de leurs difficultés d’approvisionnement découlant du conflit russo-ukrainien ou d’une résurgence de la pandémie dans certains pays.  

«À titre illustratif, si les prix d’importation de l’énergie observés début mars, certes très volatils, devaient se maintenir jusqu’à la fin de l’année, la perte d’activité associée pourrait être de près d’un point de PIB annuel pour l’économie française en 2022», estiment les économistes de l’Insee. Ils précisent que ce calcul ne prend pas en compte les réponses de politique budgétaire ou monétaire susceptibles d’être mises en œuvre pour freiner les hausses de prix.