
Les conseils d’administration doivent se préparer au dialogue avec les activistes

Comment faire face à une campagne activiste ? Avec la montée en puissance des attaques sur les sociétés européennes, nul n’est à l’abri. Dans ce contexte, la commission juridique de l’Institut français des administrateurs (IFA) et Lazard viennent de publier des recommandations à destination des administrateurs. « Lors d’une campagne, l’activiste vise le conseil d’administration et son président, rappelle Daniel Hurstel, président de la commission juridique de l’IFA. Tandis que les activistes déplorent une faible connaissance des sujets qu’ils soulèvent par les administrateurs, le conseil doit être parfaitement informé et former son propre avis, et non se contenter de reprendre les thèses de la direction générale ».
Préventivement, l’IFA recommande de mettre en œuvre une série de mesures. Le conseil doit d'abord mener un dialogue proactif avec les principaux investisseurs afin d’être en mesure d’identifier les critiques ou les sujets d’interrogation qui pourraient par la suite devenir des axes d’attaques de la part d’un activiste. « Les champs d’actions des activistes dépassent les sujets de gouvernance pour s’élargir aux questions sociales, de transition climatique, etc., poursuit Daniel Hurstel. Certaines entreprises s’exposent elles-mêmes en communiquant de manière parfois quasiment messianique, alors que leur action est ponctuelle ».
Analyser les vulnérabilités de l’entreprise
Ensuite, le conseil doit se préparer à affronter une campagne activiste. Comment ? Notamment en s’appuyant sur les intervenants concernés au sein de l’entreprise, en faisant régulièrement un point sur la question au sein du conseil d’administration. Le cas échéant avec des conseils externes (banques d’affaires, avocats, proxy solicitors, agence de communication). « Le conseil doit analyser les vulnérabilités, non seulement pour répondre aux activistes mais aussi pour accompagner l’entreprise », rappelle Daniel Hurstel. Et aussi en analysant les résultats des votes en assemblée générale, ainsi que les campagnes antérieures des activistes concernés. En étudiant les recommandations des agences de conseil en vote (proxys advisors) qui peuvent déceler des faiblesses de l’entreprise. Et en détectant l’arrivée et la montée au capital d’un activiste, notamment via des dérivés.
Troisièmement, alors que la gouvernance est un angle d’attaque privilégié des activistes, l’IFA invite le conseil à veiller à sa composition et à son fonctionnement. En particulier, en s’assurant d’une diversité de compétences et d’expériences au conseil. « Un conseil mal composé peut ne pas voir les failles détectées par les activistes, mais peut aussi être bloqué dans certaines évolutions, par exemple si certaines catégories de partenaires considèrent que leurs intérêts ne sont pas représentés ou pris en compte, prévient Daniel Hurstel. Pour autant, il ne semble pas pertinent d’accueillir au conseil un activiste, qui n’apportera pas nécessairement les compétences recherchées. D’ailleurs, les activistes ne le demandent en général pas et recommandent le cas échéant l’arrivée d’indépendants ».
Ne pas refuser le dialogue avec l’activiste
Quand l’attaque arrive, le rejet systématique n’est plus de mise mais un dialogue courtois et de bonne foi s’impose, notamment pour éviter que la campagne activiste devienne publique. Le conseil doit s’assurer que son fonctionnement est optimal. « Attention à ne pas créer systématiquement de comité ad hoc en cas de prétendu conflit d’intérêts, avoir un intérêt ne signifie pas être en situation de conflit d’intérêts. Les travaux du conseil en pâtiraient, prévient Daniel Hurstel. D’ailleurs, l’IFA publiera prochainement une note sur la gestion des conflits d’intérêts. Enfin, il est pertinent de regarder si l’activiste n’est pas lui-même en conflit d’intérêts avec d’autres sociétés. »
Si la société peut prendre d’elle-même l’initiative d’un contact avec l’activiste, dans tous les cas de figure, la communication du conseil doit être cohérente avec celle du management.
En tout état de cause, l’administrateur ne doit pas s’exprimer de façon individuelle, ni se désolidariser du conseil ou du management. Il ne doit pas non plus donner plus d’informations aux activistes qu’il ne donne aux autres actionnaires.