Covid-19

Les Big Tech se présentent comme les nouvelles valeurs refuge

Capucine Cousin
Les groupes de technologies, notamment ceux qui fournissent des services à domicile, sont les grands gagnants d'un marché boursier déboussolé.

Les entreprises technologiques pourraient être les grandes gagnantes, en Bourse, de la pandémie de coronavirus. Alors que plus d'un tiers de l’humanité est confiné à domicile, ces valeurs «stay at home» (restez chez vous) telles qu’identifiées fin février par la société de conseil américaines MKM Partners, sont devenues des valeurs refuge dans une phase de forte volatilité boursière. Netflix, Facebook, Amazon, Slack mais aussi Peloton (vélo d’appartement connecté) et Zoom (webconférences) figurent parmi les 32 sociétés choisies par MKM Partners. «Nous avons essayé d’identifier quels services bénéficieraient d’un contexte où presque tous les individus sont confinés chez eux», explique J.C. O’Hara, de chez MKM Partners, dans une note.
Bond du Nyse FANG Index

Depuis le début de l’année, la performance du Nasdaq 100 est légèrement positive, à 0,61%. Derrière, le S&P 500 est en repli de plus de 10%, et le Dow Jones de -16%. Mais un sous-indice affiche une performance singulière, le Nyse FANG Index (Facebook, Netflix, Alibaba, Baidu, Tesla, etc.), en hausse de 20% sur 2020. De fait, plusieurs des «Big tech» ont vu leurs valeurs dopées depuis le début de l’année. Cela se vérifie alors que s’est ouvert le grand bal des résultats trimestriels. Elles sont donc particulièrement surveillées, dans un contexte de profonde incertitude liée au Covid-19.

Exemple, le géant du streaming sur abonnement Netflix, dont le cours a pris 30% depuis le 1er janvier, pour atteindre une valorisation de 187 milliards de dollars (172 milliards d'euros). D’autant qu’il a explosé les attentes des analystes avec ses derniers résultats trimestriels, publiés la semaine dernière : il a atteint les 182 millions d’abonnés dans le monde, et a doublé son bénéfice net en un an, à 709 millions de dollars.

Très attendus aussi, les résultats d'Amazon, ce jeudi 30 avril : le bras de fer juridique qu’il a engagé en France, et avec certains syndicats américains, quant aux conditions de sécurité sanitaire, devrait à peine peser sur son activité et son cours de Bourse, en hausse de 30% depuis début janvier. Sa division de e-commerce génère des petites marges, et Amazon «finance son activité de grande distribution grâce à son service de cloud (stockage distant)», rappelle Catherine Garrigues, chez Allianz GI.

Le secteur est-il pour autant un refuge ? Avant tout ceux qui apportent des services technologiques à domicile, pour les loisirs, le télétravail, et la santé. «Il y a quatre secteurs où nous investissons : le e-commerce, les médias numériques, le télétravail, ainsi que le cloud (stockage distant de données) et la cybersécurité», confirme Stéphane Lago, spécialiste investissement actions thématiques chez Axa IM : «mais ces valeurs étaient identifiées bien avant la crise liée au coronavirus, pour leurs services faciles d’utilisation, et leur potentiel de croissance». La pandémie, et les nouveaux comportements qui en résultent, a servi d’accélérateur. Avec par exemple l’avènement du télétravail et de la télémédecine, entrés dans les usages. Zoom a vu son cours bondir de 133%. Consécration, le groupe va intégrer le Nasdaq 100 à partir de jeudi, remplaçant Willis Towers Watson.


Les semi-conducteurs européens plébiscités

Certaines valeurs en Asie et en Europe tirent aussi leur épingle du jeu. Catherine Garrigues estime elle aussi que «la crise ne fait qu’accélérer des tendances que nous avions déjà : cela exacerbe notamment les besoins en serveurs informatiques pour les services de cloud». Ce qui dope plusieurs acteurs européens «des semi-conducteurs, ainsi que les logiciels», tels que l’entreprise néerlandaise de semi-conducteurs ASM, qui stagne à 0,50% depuis janvier, mais a gagné 19% en Bourse depuis un mois, l'allemand SAP, qui a pris 9% en un mois, ou encore le spécialiste des paiements Ingenico, qui a progressé de 22% en un mois.

Côté asiatique, chez les géants de la tech chinois, «les divergences sont importantes, entre ceux qui ont leur propre logistique et leur écosystème, et ceux qui ont dû interrompre leur activité», résume Haiyan Li-Labbé, analyste chez Carmignac. Tencent a été un des seuls à voir son cours dopé (+9,6% depuis janvier), fort de son écosystème complet, entre son activité d’e-commerce, sa messagerie instantanée WeChat qui permet d’acheter en direct, et ses jeux mobiles. Le moteur de recherche Baidu a vu ses revenus publicitaires s’effondrer, et son cours chuter de 20% depuis janvier. Mais la Chine, «déconfinée» depuis peu, affiche sa résilience et «sa capacité de reprise de production : elle est de 80 à 90% dans l’industrie, de 80% dans l’immobilier, de 35-40% dans l’aérien, etc.», poursuit Haiyan Li-Labbé

Reste le risque que ces valeurs «tech» suscitent une attente excessive sur les marchés. Dans leurs résultats trimestriels, elles devront se montrer à la hauteur. «Nous n’avons pas de visibilité, mars sera un mois exceptionnel, jamais vécu : il sera plus facile de faire des estimations au second semestre», indique Stéphane Lago. Certaines valeurs seraient-elles survalorisées ? «Plusieurs de ces services, comme dans le e-commerce, ont gagné de nouveaux clients, et vu leur panier moyen d’achats augmenter. Cela justifie les valorisations, ainsi que les potentiels de croissances futurs», estime le gérant d'Axa IM. Tel le supermarché Ocado, dont le cours a pris 32% en un mois. En clair, les investisseurs misent sur ces valeurs au-delà de l’«effet coronavirus», qui aura juste eu un effet d’accélérateur.