Les banques privées jonglent avec les appels de marges sur la dette russe

Les banques n'admettent plus la dette russe en garantie pour les portefeuilles de leurs clients. Au risque de les perdre.

C’est un effet du conflit entre la Russie et l’Ukraine dont les banques privées se seraient bien passées. Une à une, elles ont commencé à déclencher des appels de marges pour les grandes fortunes utilisant des obligations russes comme garantie pour leurs titres en portefeuille. Tous les clients dans ce cas de figure peuvent être concernés, sans qu’ils soient visés par les sanctions décidées la semaine dernière par les Etats-Unis et l’Europe. UBS a été la première à le faire jeudi dernier, a dévoilé Bloomberg, suivie par Pictet et Credit Suisse. Les banques, contactées par l’agence de presse, n’ont pas voulu commenter.

Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, la valeur des obligations russes a brutalement chuté. Ce mouvement a conduit les banques à ne plus les accepter comme collatéral pour des opérations impliquant un effet de levier, ou à en déprécier fortement la valeur.

Les banques privées ont donc sollicité leurs clients utilisant cette technique pour réalimenter leurs comptes en espèces ou en titres éligibles pour conserver leurs autres positions en portefeuille. Car lorsque des titres détenus en garantie ne suffisent plus à couvrir suffisamment les opérations avec levier qu’un client effectue par ailleurs, la banque peut couper immédiatement toute ou partie des lignes qu’il détient.

Or, liquider le portefeuille d’un client est toujours très délicat pour un banquier privé. Et d’autant plus dans un contexte de correction des marchés. Si des obligations russes servaient, par exemple, de garantie pour un portefeuille d’actions, la vente des positions dans des journées comme celle de jeudi, où les marchés européens ont perdu près de 4%, peut conduire à de très lourdes pertes. Si la banque liquide le portefeuille de son client, dans bien des cas, elle le perd. Si elle ne le fait pas, elle se retrouve en risque. Un dilemme difficile à résoudre, surtout que les clients aptes à utiliser des titres en garantie pour leurs opérations ne sont pas les moins rentables pour la banque.

Et la concurrence est actuellement très rude sur le segment des grandes fortunes. Toutes les grandes banques privées suisses ont décidé de s'y renforcer. L’image de Credit Suisse vis-à-vis de ses clients a déjà pâti de ses déboires à répétition, et notamment dans les affaires Geensill et Archegos. Les autres ne voudraient pas perdre une clientèle réputée très difficile à séduire. Même si elle détient des obligations russes.