Le rebond des actions n’est pas durable

Xavier Diaz
La forte reprise pourrait se poursuivre à court terme mais les risques de récession persistent et les banques centrales n’ont pas fini de relever leurs taux.
(Bloomberg)

Les investisseurs n’attendaient que cela pour se ruer à nouveau sur les actions : le signe d’une inflation en repli, même léger, mais suffisant pour relancer les anticipations d’un prochain pivot des banques centrales, c’est-à-dire un ralentissement du rythme des hausses de taux. C’est l’effet insufflé depuis une semaine par l’inflation américaine, renforcé mardi par un indice des prix à la production dont la hausse a été moins forte que prévu. «Les marchés ont finalement eu ce qu’ils voulaient», souligne Emmanuel Cau, stratégiste chez Barclays. Et ce malgré les avertissements des membres de la Fed. « Cette année, l’évolution des prix a porté sur la corrélation des taux et des actions. Du point de vue du marché boursier, tant que la menace de taux beaucoup plus élevés est écartée, cela supprime un vent de face majeur», poursuit le stratégiste pour qui le chemin est encore long avant que les banques centrales n’arrêtent leur resserrement monétaire.

Depuis une semaine, l’indice Nasdaq, dont les valeurs à duration longue sont très sensibles à l’évolution des taux, a logiquement bondi, de 7,6%, mais il reste toujours très négatif depuis janvier. Le S&P 500 a repris 4,7% et l’Euro Stoxx 50 +4,4%. Pour Michael Wilson, responsable de la stratégie actions chez Morgan Stanley, qui a été l’un des plus pessimistes cette année sur les actions, le récent rebond, impulsé par les données d’inflation pourrait encore se prolonger quelques semaines. Emmanuel Cau rappelle que le marché bénéficie d’une saisonnalité favorable en novembre et en décembre. Ce sont généralement deux bons mois pour les marchés actions (hausses d’environ 1,5% en moyenne et plus de 70% des fois positifs). Et cette fois les rachats de positions vendeuses (bear squeeze) peuvent avoir un impact puissant sur le marché.

Pas aussi enthousiastes

Mais tous ne sont pas aussi enthousiastes. Les stratégistes actions de JPMorgan, qui ont maintenu leur biais positif tout au long de l’année, ont accentué cette semaine la réduction de la surpondération aux actions, estimant que le récent rebond était une opportunité à saisir alors que les risques de récession restent élevés et que le chiffre d’inflation pourrait être un mauvais signal. Leur positionnement sectoriel dans la consommation de base ou la santé témoigne de leur prudence. «L’envol des actions montre que les marchés parient toujours sur un atterrissage en douceur de la part de la Fed, ajoute Jean Boivin, directeur du BlackRock Investment Institute. Nous ne partageons pas cet avis et maintenons notre sous-pondération aux actions des marchés développés.»

Credit Suisse reste aussi prudent pour 2023 comme il l’a été tout au long de cette année en raison du risque sur les prévisions bénéficiaires. Ses stratégistes anticipent une baisse de 15% des bénéfices aux Etats-Unis. Chez Morgan Stanley, Michael Wilson estime également que la baisse des bénéfices devrait peser sur les actions avec une première partie de 2023 volatile avant un rebond au second semestre pour finir stables sur l’année. Mais le plus important ajustement risque de venir du marché européen où les analystes continuent d’anticiper une hausse des bénéfices de 2% l’an prochain. Une prévision trop optimiste pour la plupart des observateurs comme Maximilien Uleer, responsable de la stratégie actions et cross-asset chez Deutsche Bank qui anticipe une baisse de 10% des bénéfices des entreprises européennes l’an prochain.

Le rebond des marchés au début de l’été, déjà sur l’anticipation d’un pivot de la Fed, qui avait entraîné une amélioration des conditions financières aux Etats-Unis, avait valu un sévère avertissement des membres de la Fed et une forte correction en septembre. Comme un air de déjà-vu.