Le capital-investissement se tourne vers l’assurance

Bertrand De Meyer
Apollo va fusionner avec sa filiale d'assurance retraite Athene pour former un groupe valant 29 milliards de dollars en Bourse. Une tendance lourde dans le secteur.
(Pixabay)

Créé dans la crise, racheté dans la crise. Le fonds de capital-investissement américain Apollo Global Management a annoncé lundi le rachat des 65% qu’il ne détient pas encore des parts d’Athene Holding, un groupe spécialisé dans l’épargne retraite qu’il avait aidé à bâtir en 2009. Entièrement en actions, l’opération valorise Athene à hauteur de 11 milliards de dollars (9,2 milliards de dollars) et aboutira à une valeur combinée en Bourse de 29 milliards de dollars. Les actionnaires d’Apollo détiendront 76% de l’entité combinée, le groupe indiquant que chaque action d’Athene sera échangée contre 1,149 action d’Apollo. Le bouclage de l’opération est attendu en janvier 2022.

La nouvelle entité sera dirigée par Marc Rowan, l'un des cofondateurs d'Apollo, appelé à remplacer Leon Black, qui a dû prendre du recul chez le géant du private equity dans la foulée du scandale Epstein. Jim Balerdi continuera de diriger Athene.

Cette transaction pousse un cran plus loin la transformation d'Apollo, créé en 1990. De spécialiste de la dette et du capital investissement, le groupe s'est mué en gestionnaire alternatif présent sur toutes les classes d'actifs, décuplant en dix ans ses encours gérés, à 455 milliards de dollars. En fusionnant avec un assureur, il se transforme désormais en un groupe financier plus traditionnel, même si «ce n'est pas un investissement dans le secteur de l'assurance ni une tentative de créer un conglomérat, il s'agit de créer une entreprise intégrée», selon Marc Rowan.

La logique industrielle est claire : les assureurs vie et retraite gèrent des passifs de longue durée, qui doivent être investis dans des actifs rémunérateurs qu'un groupe comme Apollo est prêt à dénicher. Athene était déjà devenu un très gros client du gestionnaire d'actifs, et un non moins gros pourvoyeur de commissions de gestion, au point que des actionnaires de l'assureur avaient dénoncé en 2018 un conflit d'intérêts.
La fusion des deux sociétés permet aussi de régler ce problème.

«La limite de notre croissance n'est pas la capacité à trouver des capitaux ou des engagements, expliquait lundi Marc Rowan. La limite est la capacité à trouver des rendements excédentaires sur l'ensemble du spectre des risques. Cette fusion crée un capital incroyable et un alignement qui nous le permet. Apollo a la capacité de générer ce rendement excédentaire à tous les niveaux de risque. » La transaction devrait permettre de doubler les bénéfices rapportés par Apollo l’an dernier. Si le futur PDG affirme que «la fusion nous permet de tirer plus d'actifs et de valeur de l'actif d'origine», Marc Rowan a précisé qu’il n’y aurait pas de synergies et d’économies de coûts.

L'exemple Eurazeo en France

Cette «transaction stratégique», selon le PDG d’Athene Jim Balerdi, traduit un mouvement de fond dans le secteur. Déjà, Apollo avait manifesté son intérêt indirect pour le rachat des activités d’assurance-vie d’Aviva France à travers son soutien à Athora dans son duo avec Allianz.

En France, Eurazeo a dévoilé plus clairement ses ambitions en se déclarant aussi candidat au rachat d’Aviva France : l'idée était de doper la performance des contrats d'assurance vie à travers l’investissement de l’épargne dans le capital-investissement. «La volonté d’Eurazeo d’acquérir Aviva France correspondait à cette perception de hausse d’actifs sous gestion et cet objectif évident dans un contexte de taux bas de trouver un rendement à la fois sûr et, sinon élevé, intéressant», explique un proche d’Eurazeo. La convergence entre assurance et private equity ne fait que commencer.