
L'année du patrimoine, entre cassure et inflexion

De surprise en surprise. C’est ainsi que l’on peut résumer l’année 2022. Parce qu’en y regardant bien, il y a douze mois, une guerre russo-ukrainienne, une élection présidentielle avec une majorité relative au Parlement pour le nouveau président de la République, conduisant le gouvernement à recourir dans les grandes largeurs au 49-3, ou encore des banques centrales remontant sans sourciller leurs taux pour cause d’inflation omniprésente dans les rouages de l’économie, ce n’était clairement pas le scénario envisagé. Ce qui fait dès lors de 2022 une année de cassure, de remise en cause également. A tel point que l’on fait de 2023 une période de transition, tant il y a à appréhender un nouvel environnement. Retour sur une année où tout a changé…
FISCALITÉ
Une relative accalmie
Rares sont les années aussi maigres en réformes fiscales que 2022. Cette stabilité à laquelle est peu habitué l’environnement fiscal français s’explique aisément. Le second mandat du président de la République se déroule sur fond de double crise – Covid et pouvoir d’achat – et les articles 49-3 de la Constitution dégainés pour l’adoption des budgets de fin d’année ont limité les traditionnels enrichissements apportés par le Parlement. Toutefois, la jurisprudence a livré plusieurs moments forts dans le champ patrimonial.
L’usufruitier n’est pas associé : impact sur le Dutreil
Fin décembre 2021, la Cour de cassation tranchait un débat doctrinal de longue date : l’usufruitier n’a pas la qualité d'associé, laquelle n’appartient qu’au propriétaire. Toutefois, « il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance », indique la Cour de cassation (Cass. com., avis, 1er décembre 2021, n° 20-15164, et Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-15.164).
« Outre ces nombreux impacts sur le droit des biens et des sociétés, cette décision risque d’avoir une incidence fiscale, particulièrement au regard des pactes Dutreil, indique Rosa Riche, directrice juridique et fiscale, clientèle privée de Cholet-Dupont-Oudart. En matière d’engagement réputé acquis, par exemple après une donation, seuls les donataires peuvent exercer la fonction de direction requise par la loi. La doctrine administrative admet qu’un autre associé puisse exercer cette fonction à leurs côtés, ce qui permet une cogestion entre classiquement les héritiers donataires et le parent donateur. Mais si celui-ci n’est plus qu’usufruitier, il ne peut plus, a priori, remplir la condition de direction. Cette décision peut perturber de nombreux schémas en place. Les donateurs doivent conserver des parts en pleine propriété. »
Vente d’usufruit temporaire de titres : la bonne méthode d’évaluation
Lorsque l’usufruit temporaire de parts sociales de société civile immobilière (SCI) est cédé, plusieurs méthodes d’évaluation s’offrent au contribuable, et l’option retenue est souvent contestée par l’administration fiscale. Le Conseil d’Etat a rappelé les méthodes à suivre : « L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives » (CE 9°-10° ch. réunies, 20 mai n° 449385, Société civile Ambroise). Parmi ces méthodes alternatives : celle fondée sur l’actif net réévalué et celle fondée sur les flux futurs, également appelée discounted cash-flow.
« Cette dernière est souvent écartée par l’administration fiscale car elle est fondée sur les perspectives d’avenir telles que déterminées par le business plan, dont l’administration n’a pas connaissance, indique Jérôme Commerçon, avocat associé chez Scotto Partners. De plus, l’administration préfère faire référence au passé et utiliser les méthodes qui figurent dans son guide de l’évaluation de l’entreprise de 2006, quelque peu dépassé. Pourtant, c’est bien cette méthode que préconise le Conseil d’Etat en cas de démembrement de droits sociaux. »
L’arrêt indique en effet que « l'usufruitier, conformément à l'article 582 du Code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n'a droit qu'aux dividendes distribués. Il en résulte que l'évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles, qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d'emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d'investissements futurs, lorsqu'elles sont justifiées par la société ».
Selon Jérôme Commerçon, « dès lors, la question se pose de savoir s’il convient d’actualiser le montant que l’usufruitier peut capter ou le montant des distributions réelles, lequel est plafonné par la trésorerie disponible. La lecture de l’arrêt nous répond : il faut faire du cas par cas, ce qui nous paraît adapté à la réalité de la diversité des situations ».
Les management packages dans l’œil du cyclone
Deux arrêts du Conseil d'Etat rendus en juillet 2021 ont fortement fragilisé les management packages développés par la pratique (CE, plén., 11 juill. 2021, n°s 428506, 437498 et 435452). Pour mémoire, la haute cour administrative avait jugé que les gains obtenus par les dirigeants d’entreprise à raison de la cession de bons autonomes de souscription d’action ou de l’exercice de leur option d’achat d’actions doivent être assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires dès lors qu’ils sont liés à l’exercice des fonctions de dirigeant ou de salarié. Les secousses n’ont pas tardé à se faire ressentir. « Malgré l’absence de prise de position doctrinale, l’administration fiscale s’est déjà saisie de ces décisions dans le cadre de contrôles en cours, constate Jérôme Commerçon. Il serait sain que le législateur s’empare du sujet et clarifie cette règle, en prenant en compte la réalité des pratiques, la prise de risque capitalistique, ainsi que l’attractivité de la place de Paris. »
Dans ce contexte, les conseils passent en revue les packages existants et mettent en œuvre les nouveaux accords à la lumière des critères de requalification retenus par le Conseil d'Etat. Mais la marge de manœuvre est étroite et le risque fiscal plane sur les dossiers. « Certains écueils peuvent être facilement contournés, comme la question de la non-concurrence imposée aux actionnaires et l’obligation de loyauté. Ces contraintes peuvent être basculées dans le contrat de travail. En revanche, c’est plus compliqué de faire fi de l’incessibilité des titres, profondément liée aux investissements dans l’univers du non-coté, ou encore des clauses de leaver », indique l’avocat.
Enfin, la question de la qualification se pose de façon très concrète dans certains dossiers de clients qui liquident leurs droits. « Par exemple, comment déclarer en 2023 le produit de cession d’actions ordinaires bénéficiant d’un effet de sweet equity du fait de la mise à disposition de la holding de reprise, par le fonds majoritaire, de financements sous forme de prêts d’actionnaires ou d’obligations convertibles ? S’il s’agit d’une plus-value, elle est imposable au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, ou au barème progressif (au taux marginal de 45 %), et aux prélèvements sociaux de 17,2 % avec possibilité de déduire une partie de la CSG. S’il s’agit de salaire, le barème s’impose. Cela implique aussi que l’entreprise verse des cotisations sociales. Retenir cette qualification entraîne donc de nombreuses conséquences, également en droit social ; elle revient à ouvrir la boîte de Pandore », constate Jérôme Commerçon.
Société civile et contrat de capitalisation
Le Conseil d’Etat a rappelé à l’ordre l’administration fiscale sur la taxation des revenus réalisés par les sociétés translucides et son application aux revenus des contrats de capitalisation (CE, 14 avril 2022, n°s 454264, 454265 et 454266). Si le résultat imposable est déterminé au niveau de la société, les associés des sociétés civiles sont imposables, à hauteur de leur quote-part dans la société, à raison des bénéfices constatés par ces sociétés en fin d’exercice indépendamment de leur mise effective à disposition des associés (Code général des impôts – CGI –, art. 8).
« En l’espèce, l’administration fiscale avait intégré aux résultats imposables les intérêts et les gains latents des contrats de capitalisation souscrits par la société civile, rappelle Rosa Riche. En effet, conformément aux statuts, les sociétés avaient arrêté leurs bénéfices en fonction de la variation de l'actif net de chaque société entre l'ouverture et la clôture de l'exercice, en ce compris la valorisation positive prise par ces contrats. L’administration s’appuyait sur le fait que ces sommes étaient inscrites en compte courant pour les considérer comme ayant été mises à la disposition effective des associés et, à ce titre, imposables entre leurs mains. En censurant cette position, le Conseil d’Etat rappelle qu’il ne faut pas confondre résultat comptable et résultat fiscal. »
Selon les juges, les associés « sont soumis à l'impôt sur le revenu à concurrence de leur quote-part des bénéfices de la société indépendamment de la répartition de ces bénéfices et sans qu'aient d'incidence à cet égard les modalités de calcul du résultat que la société était statutairement tenue de déterminer à seule fin d'information de ces mêmes associés ».
La holding animatrice, le feuilleton de l’année
La notion de holding animatrice et la détermination de ses contours ont rythmé l’année 2022. Son incidence est de taille puisqu’elle détermine notamment l’éligibilité des titres de la holding au dispositif Dutreil. En mai, la Cour de cassation statuait sur la condition de l’activité éligible et sur son appréciation dans le temps (Cass. com. 25 mai 2022, n° 19-25.513). Elle a ainsi jugé qu’une holding animatrice qui cesse d’exercer de manière prépondérante son activité éligible après la transmission à titre gratuit de ses titres ne devait pas entraîner la remise en cause du régime de faveur. « Cette interprétation strictement littérale de la loi s’éloigne toutefois de l’intention réelle du législateur à laquelle la Cour de cassation aurait pu davantage se référer », estime Jérôme Commerçon.
Le législateur n’a pas tardé à réagir, en modifiant l’article 787 B, c bis du CGI dans la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de Finances rectificative : « La condition d'exercice d'une activité éligible doit être remplie à compter de l'engagement [collectif] de conservation et jusqu'au terme de l'engagement [individuel] de conservation. » Cette nouvelle condition s'applique aux transmissions réalisées depuis le 18 juillet 2022. « Son application est toutefois rétroactive puisqu’elle est susceptible de s’appliquer aux transmissions réalisées avant cette date sous réserve que l'un des engagements soit toujours en cours (collectif, unilatéral ou individuel) et que la société exploitante n'ait pas cessé d'exercer une activité éligible, ce qui pose néanmoins la question de sa constitutionnalité, soulève l’avocat. En attendant, il est conseillé aux sociétés potentiellement concernées de s’adapter. Elles sont invitées à réinvestir le cash issu de la vente de leur filiale dans une activité existante ou d’acquérir des participations dans une société qu’elles pourraient animer, sans provoquer de rupture dans l’exercice d’une activité éligible. »
Sur le plan pratique, les cours d’appel ont poursuivi leur analyse de l’animation à l’épreuve des éléments factuels (voir notamment CA Paris, 5 septembre 2022 en matière d’ISF, n° 21/08463 et CA Paris, 24 octobre 2022,
n° 21/00555 en matière de pacte Dutreil).
JURIDIQUE
Des sujets forts sur le haut de la pile
A l’évidence, l’année 2022 aura été riche en actualités juridiques dans l’univers du patrimoine. Parmi les mesures phares, retenons tout d’abord l’obligation faite aux distributeurs de prendre en compte les préférences ESG (environnement, social, gouvernance) des investisseurs et d’affiner le profil client en fonction de ses appétences en matière de durabilité. Un poids s’ajoute ainsi sur la traditionnelle balance appétence au risque et connaissances. Depuis le 2 août, les intermédiaires doivent étoffer leur questionnaire d’ESG et, ce faisant, proposer des fonds prenant en compte le degré d'alignement avec la taxonomie souhaité, de même que la proportion d'actifs durables ou la prise en compte des incidences négatives de l'investissement. L'obligation est aussi bien valable pour les produits financiers, par le biais d'un acte délégué de la directive concernant les marchés d'instruments financiers (MIF 2), qu'assurantiels, avec un autre pour la directive sur la distribution d'assurance (DDA).
Pourtant, une typologie d’acteurs échappe – mais plus pour longtemps – à cette obligation. Son application aux conseillers en investissements financiers (CIF), qui dépendent d’un régime national, nécessitait une modification du règlement intérieur de l’Autorité des marchés financiers (AMF), leur autorité de tutelle. Celle-ci prévoit une entrée en vigueur de l’obligation au 1er janvier 2023. Dans un entretien accordé à Actifs, Grégoire Vuarlot, coordonnateur du pôle commun ACPR/AMF, avait indiqué que les superviseurs ne comptaient pas « diligenter immédiatement des contrôles » sur le respect de cette obligation mais examiner « d’abord les difficultés avec les acteurs ».
L’OCDE veut remodeler la fiscalité immobilière
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) récidive. Après avoir passé au crible la thématique des successions et donations en 2021, elle s’est attelée à la fiscalité immobilière sous le même prisme, celui des inégalités. Encore une fois, elles sont criantes : si la résidence principale compose 50 % du patrimoine en moyenne, « les ménages à haut revenu, à haut patrimoine et plus âgés détiennent une part disproportionnée du patrimoine immobilier global », souligne le rapport. L’accession à la propriété est de plus en plus difficile pour les jeunes, la pandémie a mis un coup d’accélérateur aux prix, le secteur résidentiel est responsable de 17 % des émissions de CO2 liées à l’énergie… Bref, les choses vont mal.
Parmi les propositions du rapport, on peut citer l’actualisation des valeurs cadastrales qui servent de base au calcul de la taxe foncière, un meilleur ciblage des incitations fiscales à la rénovation énergétique, la discrimination fiscale des meublés de tourisme et le plafonnement des plus-values sur la résidence principale. Si ce rapport, comme le précédent, venait à échoir dans le débat public, cette dernière proposition pourrait le propulser au même niveau de polémique. Emmanuel Macron s’était d’ailleurs prononcé en ce sens en 2019…
La réforme du courtage est validée par le Conseil constitutionnel
Le recours de l’Association nationale des conseils diplômés en gestion de patrimoine (ANCDGP) visant à faire annuler l’obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée pour les intermédiaires en assurance (IAS) et les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) avait semé la panique dans les rangs des concernés, à quelques mois de son entrée en vigueur. L’Association française des intermédiaires en bancassurance (Afib) et l'Association d'autorégulation de référence en courtage (Endya) avaient même décidé de suspendre leurs investissements, le temps que les Sages se prononcent. « Pourquoi l’ANCDGP s’oppose-t-elle à un texte que la majorité souhaite et approuve, et qui nous a obligés à engager des moyens considérables ? avait fustigé David Charlet, président de l'Association nationale des conseils financiers (Anacofi), dans nos colonnes. La réforme ne met pas en place des associations agressives pour les entreprises, mais d’accompagnement. » Le Conseil constitutionnel a finalement déclaré conformes les passages contestés de la loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement. Selon les Sages, l’atteinte à la liberté d’entreprendre poursuit un objectif d’intérêt général de protection des consommateurs, l’obligation ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi et le pouvoir de sanction des associations « n’a pas le caractère d’une punition ». Beaucoup de bruit pour rien ? L’ANCDGP n’a en réalité perdu que la première manche. Un recours reste pendant devant le Conseil d’Etat, qui doit d’abord statuer sur le renvoi à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur la conformité de la réforme aux textes européens avant de se prononcer lui-même.
Notariat, de l’acte au conseil
Lors du dernier Congrès des notaires, le thème était à la harangue. « Le notariat doit amorcer un virage, c’est une question de survie », exhortait Thierry Delesalle, président du 118e Congrès des notaires de France. Dans notre magazine, il insistait sur la nécessité pour la profession de transiter d’une culture de l’acte à une culture du conseil, sur mesure et monnayable. Le virage se veut avant tout patrimonial puisque l’équipe du Congrès pousse pour que les notaires deviennent des family officers. Un rôle qui, pour Thierry Delesalle, pourrait aller « de la simple conciergerie » jusqu’à « la gestion immobilière active », impliquant de l’ingénierie tant fiscale que civile.
Si le notaire est au centre du dispositif, à lui de s’entourer des bons professionnels (avocat, CGP…) en fonction des problématiques soulevées par la clientèle.
Toujours dans une optique patrimoniale, le Congrès veut élargir les cas de fiducie – un contrat qui autorise un transfert temporaire de patrimoine à un tiers qui en assure la gestion conformément à des objectifs prédéterminés – à la fiducie libéralité. Celle-ci est actuellement prohibée en raison du risque de contournement de l’imposition successorale et de la réserve. Seules sont possibles la fiducie gestion afin d’assurer la gestion d’un patrimoine – pour le dynamiser ou au soutien d’une personne vulnérable – ou la fiducie sûreté – qui constitue une garantie à la mise en place d’un financement. « La fiducie libéralité allie souplesse de la transmission et efficacité de la fiducie », a fait valoir l’équipe du Congrès. Elle veut également élargir le corpus de fiduciaires aux notaires, qui ne sont pour l’heure pas autorisés à tenir ce rôle. Au soutien de leur vœu, le faible nombre de professions autorisées à jouer ce rôle qui fait flamber les coûts de gestion.
Dans ce contexte, qu’attendre de l’année 2023 sur le plan juridique ? Sans doute une année aussi riche en actualités. En matière d’obligations pour les intermédiaires tout d’abord. La stratégie pour l’investisseur particulier (retail investment strategy), brique de l’Union des marchés de capitaux de la Commission européenne, devrait être dévoilée au cours du premier trimestre. Destinée à améliorer la participation des particuliers au financement de l’économie, elle pourrait apporter des changements substantiels à plusieurs réglementations. Pour l’heure, rien n’est encore gravé dans le marbre mais les pistes de réflexion de la Commission sont déjà bien alimentées par celles des régulateurs européens : label paneuropéen pour les intermédiaires, interdiction ou encadrement plus drastique des commissions, harmonisation de DDA et MIF…
L'année 2023 sera également celle du partage de la valeur en entreprise. L’exécutif a lancé une concertation entre partenaires sociaux centrée sur la généralisation de ces dispositifs (intéressement, prime de partage de la valeur…), la modernisation de la formule de participation et l’articulation entre les différents dispositifs d’épargne salariale. Une vaste tâche, dont certains syndicats craignent déjà qu’elle ne soit postiche : une Convention de Renaissance sera organisée à l’issue et il se murmure qu’une proposition de loi est déjà en chantier. L’eurodéputé Pascal Canfin, missionné par le gouvernement sur ce sujet, a déjà tracé deux lignes d’horizon : une « super-participation » destinée aux salariés dont l’entreprise réalise des « superprofits » (un bénéfice excédant de 20 % les bénéfices moyens des cinq dernières années) et l’instauration d’un « dividende salarié » (dispositif de partage de la valeur) obligatoire pour les entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires.
IMMOBILIER
L'année du changement
L'année 2022 aura marqué la fin d’un temps béni pour les marchés immobiliers. Neuf et ancien entament un nouveau cycle économique qui, après avoir désarçonné les particuliers, commence à donner quelques sueurs froides aux professionnels. Car 2023 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Au contraire. L’installation durable de l’inflation dans le paysage économique change la donne et rend obsolètes bon nombre de prévisions. Désormais, le consensus se fait seulement sur un mot : l’inconnu. Et certains craignent que le pire soit à venir.
L’ancien résiste mais ses prix dévissent
« L’année de l’atterrissage. » C’est avec ces mots que le futur ex-président de la Fnaim, Jean-Marc Torrollion – son mandat à la tête de la Fédération nationale de l'immobilier se termine fin décembre –, a décrit le marché immobilier de l’ancien en 2022 dans le Point Immo de septembre dernier. Sa façon à lui de dire : « La bamboche, c’est fini ! » Le marché se calme après une année 2021 record (1.177.000 ventes et des prix en hausse de 7,1 %). Un retour à la normale qui s’explique par une demande plus raisonnée. D’un côté, les Français se sont calmés après deux années à déménager tous azimuts. Terminée la ruée sur la campagne et les villes moyennes, qui avait cours depuis le premier confinement ! Le plus gros des projets ayant été réalisé, le marché a retrouvé son rythme habituel. D’autant que les Français n’ont pas la tête à bouger de chez eux. La morosité du contexte actuel pèse sur leur moral. Si elle a été une déflagration inquiétante à son commencement, la guerre en Ukraine semble finalement assez peu peser sur leurs projets immobiliers. L’inflation de 6,2 %, beaucoup plus. Les ménages, qui voient toutes leurs factures augmenter, comptent leurs sous. Quitte à remiser leurs projets d’achat immobilier au placard quelque temps.
De l’autre côté, la demande est freinée par les difficultés de financement des candidats acquéreurs (voir ci-dessous). Depuis janvier, ils ont toutes les peines du monde à obtenir des crédits immobiliers, coincés entre des taux d’intérêt qui remontent au galop, un taux d’usure qui ne suit pas le même rythme et un taux d’endettement maximum de 35 % que les banques doivent respecter coûte que coûte. De quoi sérieusement compliquer l’équation. Les ventes s’érodent donc lentement, sans pour autant alarmer. La Fnaim prévoit que le marché signe sa deuxième meilleure année après 2021, en terminant à 1.120.000 ventes.
Le coup de frein est en revanche plus fort sur les prix. Mais à ce niveau, deux sons de cloche se font entendre. Alors que la Fnaim et les notaires de France parlent d’une « lente érosion », la plateforme d’estimation en ligne Meilleurs Agents alerte carrément sur plusieurs villes qui « passent dans le rouge ». La Fédération des agents immobiliers relevait début novembre une hausse des prix sur un an de 6,6 %. Un « léger ralentissement » bienvenu « après un emballement post-Covid », comme elle l’écrivait alors dans son point marché. Quelques villes font de la résistance et voient leurs prix continuer à chauffer : +7 % sur un an à Marseille (3.030 euros/m²), +8,9 % à Nice (4.823 euros/m²) et +6 % à Montpellier (3.393 euros/m²). Paris sauve les meubles grâce à un rebond des ventes (-1,1 % sur un an, 10.717 euros/m²).
Pour Meilleurs Agents, l’heure est plus grave. Son baromètre de décembre indique que plusieurs villes sont entrées en territoire négatif. Au-delà de la bataille des chiffres, ces indications a priori contradictoires laissent présager de mois plutôt compliqués pour les vendeurs. Que les prix plongent ou s’érodent lentement, la tendance se confirme mois après mois : le cycle baissier est entamé.
Le neuf se rapproche d’une crise de la demande
Pour le segment de l’immobilier neuf, les indicateurs sont au rouge. Les ventes plongent, les prix continuent d’augmenter et les promoteurs se débattent avec un stock de biens qui ont du mal à trouver preneurs. Autant d’alarmes qui clignotent, mettant le marché en alerte à l’approche des fêtes de fin d’année. Le seul point positif n’en est pas vraiment un. Après s’être plaints de la réticence des maires à délivrer des permis de construire, les promoteurs voient les autorisations repartir à la hausse : de novembre 2021 à octobre 2022, 500.700 logements ont été autorisés à la construction, soit 34.900 de plus qu’au cours des douze mois précédents (+7,5 %), selon le ministère du Logement. Un « résultat en trompe-l’œil » pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Son lobby insiste sur l’effet RE2020, cette nouvelle norme de construction entrée en vigueur début 2022 et qui a poussé les promoteurs à anticiper son application en se hâtant de déposer leurs demandes de construire avant d’être contraints de la respecter. Les mises en chantier progressent d’ailleurs moins vite que les autorisations : + 4,6 % seulement sur la même période. La faute, à n’en pas douter, aux difficultés des promoteurs pour écouler leurs biens déjà disponibles. Car côté ventes, c’est la Bérézina. Elles sont en chute de 21,9 % sur les neuf premiers mois de l’année.
Paradoxalement, ces biens qui ont du mal à trouver preneurs voient leurs prix continuer d’augmenter. Début novembre, Le Laboratoire de l’immobilier, service d’études de Theseis, relevait une hausse de 5,7 % sur douze mois pour les appartements de villes de plus de 45.000 habitants, pour un prix au m² de 5.195 euros.
Une hausse que Stéphane Dalliet, directeur général immobilier résidentiel de Nexity, justifiait dans le Point Immo de décembre sur l’immobilier neuf par les difficultés des promoteurs à atteindre l’équilibre dans leurs opérations. Frappés de plein fouet par des hausses des coûts des matériaux depuis le début de l’année, puis des retards de livraison à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine en février, l’exercice est devenu particulièrement ardu. D’autant que le bout de la chaîne est bloqué par des ménages enlisés dans leurs problématiques de financement. Pour faire face à ce goulot d’étranglement, les promoteurs s’adaptent et mettent leurs biens sur le marché au compte-gouttes afin de ne pas brader leurs stocks. Entre juillet et septembre, leur niveau était encore plus bas qu’au moment du Covid (19.006 contre 19.898 au troisième trimestre 2020, selon la FPI). Depuis le début de cette année, la baisse est de 10,2 % par rapport à 2021.
Les taux remontent et les courtiers crient
La sensation d’être pris à la gorge : nombreux sont les ménages français à avoir dû revoir leurs projets immobiliers en 2022… Quand ils n’ont tout bonnement pas dû y renoncer ! Obtenir un crédit est devenu un parcours du combattant, qui en a laissé plus d’un sur le carreau. Les difficultés de financement des ménages ne sont pourtant pas nouvelles, mais elles ont quelque peu changé de nature. Quand, en 2021, l’essentiel des critiques portait sur les règles du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), en 2022 c’est le taux d’usure qui a été la cible des tirs nourris des Français et – surtout – de leurs courtiers. En cause, son mode de calcul et son décalage par rapport au marché. Car alors qu’il était encore en baisse en début d’année, les taux d’intérêt repartaient, eux, à la hausse (+1,9 % entre novembre 2021 et novembre 2022, selon l’Observatoire Crédit Logement /CSA).
Craignant un effet ciseau qui a commencé à se matérialiser dès avril, les courtiers se sont mobilisés les uns après les autres. A coup de tribunes, d’interviews, de communiqués, de posts LinkedIn, ils ont voulu alerter la Banque de France sur la nécessité de revoir la méthode de calcul du taux d’usure, n’hésitant pas à interpeller directement son gouverneur François Villeroy de Galhau. Celui-ci s’est montré plutôt insensible dans un premier temps à leurs arguments, organisant sa riposte médiatique, affirmant dans les matinales économiques que la production de crédit se « normalisait » et qu’il n’y avait pas lieu de se catastropher.
Comprendre : les courtiers en font trop, tout va bien. Les tensions avec l’institution ont atteint leur paroxysme fin septembre. L’Union des intermédiaires de crédit (UIC), qui revendique être le premier syndicat du métier, a rassemblé ses troupes sous les fenêtres de la Banque de France pour une manifestation d’ampleur modeste mais à la symbolique importante. Surtout, une délégation a été reçue par François Villeroy de Galhau pour des discussions apaisées. Pour autant, pas de révolution sur le taux d’usure, hormis une légère adaptation de son mode de calcul pour mieux coller à la réalité du marché. Résultat : les taux d’usure du quatrième trimestre, annoncés quelques jours plus tard, ont effectivement donné un peu de souffle au secteur. Celui des crédits immobiliers de plus de 20 ans est passé de 2,57 % à 3,05 % (+0,48 point de base), quand celui pour les emprunts de 20 ans et moins a augmenté de 0,43 %, passant de 2,60 % à 3,03 %. Mais le répit aura été de courte durée.
En décembre, quelques banques ont continué à augmenter leurs taux. « Les grilles reçues affichent (...) encore des remontées de taux de 0,20 point en moyenne ! écrivait ainsi Vousfinancer dans une note publiée en début de mois. Sur l’ensemble de l’année, par rapport aux taux affichés en janvier 2022, les taux ont en moyenne plus que doublé, avec des hausses de 1,20 point en moyenne sur douze mois, une envolée inédite depuis 2017 tant par son ampleur que sa rapidité. » Les taux moyens présentés par le courtier en décembre étaient ainsi de 2 % sur 15 ans, 2,2 % sur 20 ans et 2,4 % sur 25 ans.
Obligées de jongler entre la hausse de leurs propres coûts de refinancement et l’impossibilité de la répercuter entièrement sur les taux d’intérêt aux particuliers, nombreuses sont les banques à avoir déserté discrètement le marché du crédit immobilier, devenu trop peu rentable. D’autres ont fait le choix moins radical de mettre en pause le recours aux courtiers le temps que la situation s’améliore. En conséquence, la production de crédit en glissement annuel était en baisse de 14 % en novembre, selon l’Observatoire Crédit Logement / CSA.
Atterrissage, normalisation, érosion… L’année 2022 se termine sur une note amère pour les professionnels. Si les ventes dans l’ancien résistent, les prix commencent à montrer des signes de perturbations. Le neuf, lui, dévisse carrément et semble se rapprocher inéluctablement d'une crise de la demande. La faute aux difficultés de financement des ménages qui, en bout de chaîne, se trouvent les premiers touchés par le blocage du marché du crédit. L’euphorie immobilière est finie. L’heure du retour à la normale a sonné.
PER - ASSURANCE-VIE
Des produits retraite dans la lumière
La retraite n’a pas fini de faire parler d’elle. Au cœur de l’actualité en 2022, sa réforme devrait faire l’objet d’un projet de loi à peine la nouvelle année célébrée. Son entrée en vigueur est prévue à l'été 2023. Le sujet étant peu enclin à fédérer – six Français sur dix seraient prêts à partir avant 65 ans si la réforme est votée quitte à toucher une pension réduite –, l’exécutif peut néanmoins se consoler avec le succès rencontré par le plan d’épargne retraite (PER). Ainsi, fin septembre, Bercy annonçait avoir recensé plus de 6 millions de personnes bénéficiaires d’un PER, soit plus du double de l’objectif de 3 millions initialement fixé pour fin 2022. Quant aux encours constitués, ils s’approchaient des 70 milliards d’euros. En détail, les encours des PER individuels s’élevaient à 43,6 milliards d’euros, les PER d’entreprise collectifs à 10,7 milliards et les PER obligatoires à 15,7 milliards.
Au vu de l’accueil qui lui a été réservé, le ministère s’est montré bien décidé à s’assurer de la bonne avancée de son petit protégé. Dès février, Bercy imposait, via un accord de place, une transparence plus importante sur les frais appliqués. Après l’été, il revenait à la charge, pour cette fois s’attaquer aux contrats en déshérence, le but étant de devenir « un exemple européen de l’information retraite ». Différents outils et mesures ont alors été présentés, telle l’application « Mon épargne retraite ». L’année 2022 a également vu la naissance d’un produit d’épargne retraite paneuropéen baptisé PEPP (Pan-european Personal Pension Product). Censé centraliser l’effort d’épargne du Vieux Continent, mais surtout faciliter la mobilité des travailleurs entre les territoires, le produit n’a pas rencontré son public. Avec une fiscalité non définie, le nouveau-né a rapidement été vu comme un potentiel concurrent aux produits nationaux. Au grand désespoir de Bruxelles.
Mais le ministère de l’Economie n’est pas le seul à voir le potentiel du marché de la retraite. Les distributeurs et gestionnaires aussi ont enclenché de nombreux changements, avec notamment la création de fonds de pension à la française. Les fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) vont notamment permettre de faciliter la gestion des investissements de long terme et assouplir les importantes exigences en capital que subissent les institutions. Crédit Agricole Assurances est le dernier en date à avoir reçu son sésame de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), juste derrière Garance et Ageas. Société Générale Assurances attend encore le feu vert, qu’elle espère avant la fin de l’année puisque, après le 31 décembre, les transferts de portefeuilles retraite entre l’ancienne entité et la nouvelle ne seront plus possibles.
Une nouvelle vie pour l’assurance-vie ?
De la retraite à l’assurance-vie, il y a un pas. Pour autant, il est difficile de sélectionner un seul marqueur de l’année 2022 tant ils ont été nombreux. S’il fallait n’en retenir qu’un, c’est naturellement la remontée des taux qui aura agi comme un tournant pour le secteur. Pour les jeunes dirigeants, l’horizon est même inconnu ! Le contexte de taux bas, voire négatifs, s’est présenté comme leur unique environnement dans lequel ils ont gravi les échelons. Pour les plus expérimentés, le défi n’en est pas moindre.
Après plusieurs années de courbe descendante, l'obligation assimilable du Trésor (OAT) a dépassé 3 % pour la première fois depuis 2012. Et malgré quelques turbulences, le paquebots assurance-vie, lourds de plus de 1.800 milliards d’euros, selon France Assureurs, s’est maintenu à flot. La collecte a cependant ralenti après une reprise post-Covid flamboyante, et a même flirté avec les terrains négatifs le temps d’un mois d’été (-0,7 milliard d’euros), connu traditionnellement pour son activité plus faible, ainsi qu’en octobre où elle affichait une décollecte de 0,3 milliard d’euros.
Pour autant – et ce malgré la chute des marchés boursiers –, le succès des unités de compte (UC) a tourné à la démonstration en 2022. Ces dernières tirent une nouvelle fois la collecte alors que les fonds en euros continuent de subir des sorties nettes. Fin octobre, la collecte nette sur les UC s’élevait à 29,4 milliards d’euros, tandis que le fonds euros subissait une décollecte de 17,1 milliards. « Le contexte de taux bas que nous avons connu jusqu’à présent a poussé les épargnants à diversifier leur allocation. Ce n’est pas une perte pour l’assurance-vie, c’est un rééquilibrage », expliquait à l’automne Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs. Quand bien même le fonds euros continue malgré tout de représenter plus de 70 % de l’encours en assurance-vie.
Malgré quelques rachats sur les supports en fonds euros, la remontée des taux a été dans l’ensemble maîtrisée. Les acteurs peuvent donc jouir de ses effets bénéfiques : un équilibre actif-passif plus sain et une solvabilité croissante. Mais surtout, le fonds en euros pourrait ne pas avoir dit son dernier mot grâce notamment à la dynamique des produits retraite. Selon le site spécialisé dans les assurances de personnes et les placements financiers Good Value for Money, les performances des fonds en euros retrouvés au sein des régimes de retraite étaient, en 2021, 0,5 % supérieures à celles des fonds euros classiques. Les rendements financiers bruts étaient de 2,97 %, contre 2,45 % pour le fonds en euros classique. Une tendance qui risque de s’accentuer avec la multiplication des FRPS présents sur le marché.
Face à la remontée des taux, l’eurocroissance a également su raviver des curiosités passées. A ce titre, Allianz pourrait bien rejoindre le banc des convaincus, puisque l’assureur allemand avait annoncé considérer le support comme intéressant à partir d’un taux OAT à 3 %. Au premier semestre 2022, la collecte nette des contrats eurocroissance s’élevait à 736 millions d’euros. Elle est près de trois fois supérieure à celle enregistrée à la même période en 2021. Fin juin 2022, l’encours des fonds eurocroissance était de 5,4 milliards (+44 % sur un an) pour 351.000 contrats en cours (+19 % sur un an). Or, étant d’ores et déjà un support considéré comme « compliqué » à commercialiser, « il pourrait sembler difficile aux acteurs de le faire souscrire alors que son rendement ne présente pas un écart majeur avec celui du fonds en euros classique », tempère Phillipe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Jusqu’ici, la performance moyenne des supports eurocroissance était trois fois supérieure au fonds euros classique. Une tendance qui pourrait bien évoluer avec la remontée des taux prévue l’an prochain.
CRYPTOS
La purge a commencé
Cette année 2022 aura marqué le début de ce que beaucoup d’acteurs cryptos qualifient de « purge ». A savoir la disparition des projets douteux et peu fiables. Deux grands krachs, aussi soudains que brutaux, auront marqué les esprits. Le premier est celui de l’écosystème TerraLuna, qui s’est écroulé en moins de deux semaines en mai. Créé en 2018, son modèle hybride, hésitant entre stablecoin décentralisé et stablecoin algorithmique, aura séduit la cryptosphère pendant des années. Les douze derniers mois avant sa chute, son jeton Luna s’était apprécié de 15.000 %. Son stablecoin UST, adossé au dollar, était rentré dans le Top 4 du marché. Début mai, des retraits massifs constatés sur le protocole Anchor ont mis TerraLuna sous pression, jouant sur ses points faibles du projet et le précipitant dans le gouffre. Une situation qui a entraîné des
difficultés pour beaucoup de sociétés de la cryptosphère, notamment Three Arrows Capital qui devra être liquidé.
En fin d’année, c’était au tour de la plateforme FTX de sombrer. La deuxième plateforme de trading du marché a fermé boutique en quelques semaines. C’est la tentative avortée de rachat par son principal concurrent Binance qui a mis le feu aux poudres. Le numéro un s’est retenu de mettre la main sur son rival, avançant des informations inquiétantes sur le fonctionnement de l’entreprise et de la gestion des fonds de ses clients. En un tweet, le mal est fait. Les investisseurs perdent confiance et FTX, encore valorisée 32 milliards de dollars en janvier, est entraînée vers la faillite après une crise de liquidités. Sa chute mettra au grand jour un système de gestion opaque teinté d’accusations d’escroqueries et aura l’effet d’une déflagration sur la cryptosphère tout entière. Coinhouse sera par exemple obligé de geler ses livrets cryptos, un de ses partenaires, Genesis, étant en difficulté suite à l’écroulement de FTX. Et ce, le lendemain de son annonce d’un partenariat avec le groupe de gestion de patrimoine Nortia.
GESTION D'ACTIFS
Les rouages se grippent
2022, année marquante ! Ne serait-ce qu’en raison du changement radical avec les exercices précédents. Au moins la nouvelle donne se sera-t-elle vite imposée, tous les grands sujets s’étant révélés au premier trimestre : l’inflation, la guerre russo-ukrainienne ou l’envolée des prix des matières premières...
L’inflation tout d’abord. On la constate très vite dans les rouages de l’économie mais, surtout, elle se montre beaucoup plus tenace qu’anticipé par les marchés ou par les banques centrales. A cela deux raisons : les liquidités surabondantes dans les économies, fruit des politiques hors normes des banques centrales au cœur de la crise sanitaire, et la stratégie de lutte contre le Covid adoptée par la Chine. Adepte de la méthode dure, la politique de confinement très stricte imposée par Pékin a créé ici ou là des pénuries de pièces alimentant la hausse des prix. L’inflation devenue mondiale fixe donc le décor. Elle appelle les banques centrales à réagir, ce qu’elles vont faire avec force. La nature a horreur du vide. Les institutions monétaires, elles, n’aiment pas l’inconnu. Et lorsque Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, avoue les erreurs d’appréciation de la Fed au sujet de l’inflation, ainsi que ses difficultés à bien appréhender cet indicateur, les économies sont prévenues. La banque centrale va faire preuve d’une grande sévérité dans sa volonté de freiner la hausse des prix. « Sur les neuf premiers mois de l’année, huit auront enregistré de mauvaises surprises sur l’inflation », résume Frédéric Rollin (lire aussi page 18), senior investment advisor chez Pictet AM. Et le fait est que jusqu’en octobre, la Fed et, derrière elle, la Banque centrale européenne (BCE) procéderont à elles deux à huit remontées de taux.
De fait, sur le plan de l’économie, le scénario est noir et il faudra attendre jusqu’en octobre au moins pour que les indicateurs montrent une tendance à l’amélioration sur le front de l’inflation. En novembre, sur la zone euro, l'indice a progressé de 10 % en rythme annuel contre 10,6 % en octobre. Mais si l’on a donc quelques motifs d’espérer, la situation n’est pas stabilisée pour autant. La Chine continue d’inquiéter. Notamment en raison des effets récessifs liés entre autres à sa politique sanitaire. Les banques centrales restent également sur les dents en raison de la survenance d’événements pour le moins contradictoires : un marché de l’emploi qui ne se détériore pas, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, et une consommation qui se maintient, quitte à ce que les ménages puisent dans leur épargne.
Avec un tel décor, comment se sont comportés les marchés d’actions ? D’une façon générale, ils se sont montrés très sensibles aux déclarations et aux actes des banques centrales. Entre janvier et juin, période au cours de laquelle le loyer de l’argent aux Etats-Unis est passé de 0,25 % à 1,75 %, les indices S&P 500 ou Nasdaq 100 ont respectivement reculé de 19,97 % et 29,51 % (1). Quant au MSCI World, il a enregistré une baisse de 21.21 %. Quelques éclaircies sont néanmoins à relever. Notamment en juillet où l’on a assisté à un rally des marchés à la faveur d’un assouplissement pressenti en matière de resserrement des politiques monétaires des banques centrales. Las, à la rentrée, c’est la douche froide. Les données économiques vont contraindre la Fed à poursuivre sa remontée des taux. Elle procédera ainsi jusqu’en octobre où de bons chiffres entretiendront à nouveau l’espoir.
L’Europe cumule les handicaps
Et en Europe ? A l’évidence, le Vieux Continent cumule les handicaps. Outre l’inflation, cette zone économique paie « cash » le conflit russo-ukrainien qui s’est invité dans la partie dès février. Entre le 23 février – veille de l’invasion des troupes russes en Ukraine – et le 7 mars, l’indice CAC 40 perd ainsi 11.77 %... (2) La situation se stabilise ensuite et les marchés à fin mars se retrouvent au niveau qui était le leur juste avant l’invasion. Mais le répit est de courte durée. L’explosion de la facture énergétique et la sécurité de l’approvisionnement énergétique viennent assombrir le tableau. A tel point qu’en septembre, le mot récession est lâché. « Une récession est probable en Europe vu le choc énergétique historique, le prix du gaz étant désormais vingt fois supérieur à sa moyenne historique. Et aux Etats-Unis, le resserrement des conditions financières (…) et de la politique budgétaire est tel que la croissance va ralentir nettement et qu’une légère récession fin 2022-début 2023 nous semble également probable (…) », écrivait alors la société de gestion Tocqueville Finance. Non sans rappeler que si la Fed veut freiner l’économie sans entraîner de récession, l’histoire a montré qu’elle a rarement réussi à le faire…
Finalement, c’est du côté des entreprises que sont venues des nouvelles rassurantes. Il y a eu peu d’avertissements sur les profits. C’est particulièrement vrai en Europe. Reste que les profits n’ont pas été un moteur de performance en 2022, contrairement aux décisions des banques centrales
Naturellement, ce tableau a une contrepartie. Les entreprises ont sans doute mangé leur pain blanc des deux côtés de l’Atlantique. Et ce d’autant que la croissance attendue dans la zone euro comme aux Etats-Unis sera peu ou prou nulle en 2023, après avoir probablement avoisiné les 3,5 % cette année dans la zone euro et les 4 % outre-Atlantique.
Dans ce contexte, les marges des entreprises – en raison notamment d’une hausse des salaires mais également d’une hausse des matières premières – seront une nouvelle fois sous pression. « Les secteurs défensifs doivent tirer leur épingle du jeu, à l’image des valeurs dans le domaine de la santé. Le luxe bénéficiera de son pricing power », résume Frédéric Rollin. Cependant, les valeurs de croissance méritent également l’intérêt, notamment dans le domaine de la sécurité, des énergies propres ou de l’innovation. « C’est une façon d’anticiper la stabilisation des taux, quand bien même il est difficile d’attendre de grandes performances l’année à venir », ajoute-t-il. Dit autrement, 2023 devrait se présenter comme une année de transition...
(1) Du 31/12/2021 au 30/06/2022, performances en dollars.
(2) Cours de clôture à clôture, performances en euros, dividendes non réinvestis
L’AFFAIRE MARANATHA NE FAIT QUE COMMENCER
Olivier Carvin, ex-dirigeant du groupe hôtelier Maranatha, a été mis en examen le 20 septembre. Il est notamment soupçonné d'abus de confiance et d'escroquerie aggravés ainsi que de pratiques commerciales trompeuses à l'égard des 6.000 particuliers qui ont investi dans un ou plusieurs établissements du groupe via des réseaux de conseillers en gestion de patrimoine (CGP). Il avait déjà été condamné, fin 2021, à verser aux liquidateurs du groupe 4 millions d’euros pour combler en partie le passif de sa société, et à une mesure de faillite personnelle (interdiction de diriger, gérer, contrôler…) pour quinze ans. « Contrairement à ce qui a été largement dit sur cette affaire, Olivier Carvin n’a jamais agi dans un intérêt personnel ni pour nuire aux investisseurs, avait déclaré à Actifs son avocate Margaux Durand-Poincloux. Il va donc coopérer au mieux de ses capacités avec le juge d’instruction pour le démontrer. »