Régularisation

L’administration fiscale lève une partie du voile sur la procédure de régularisation

Le 23 octobre dernier, une rencontre entre des responsables de l’administration et des avocats conseils fiscaux a permis de préciser certaines modalités pratiques de la régularisation Ont fait l’objet d’une appréciation les justificatifs à fournir, les risques de poursuites pénales, la qualification d’activité occulte et le traitement des sociétés interposées.

Mercredi 23 octobre, des membres de l’Institut des avocats conseils fiscaux (IACF) avaient rendez-vous avec des responsables de la Direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) et de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) pour échanger sur la mise en œuvre de la procédure de régularisation telle qu’elle a été présentée le 21 juin dernier par la circulaire Cazeneuve. Il s’agissait de faire le point sur un ensemble de difficultés pratiques régulièrement rencontrées.

Une structure pérenne.Un rapport parlementaire en date du 24 octobre (1) reprenant les prévisions d’un avocat de la Place a retenu qu’un délai de vingt-cinq ans serait nécessaire pour le traitement de l’ensemble des dossiers de régularisation. Un constat qui pourrait amener Bercy à porter de 25 à 50 le nombre de fonctionnaires rattachés au service dédié au traitement des déclarations rectificatives (STDR). Près de 3.000 dossiers auraient déjà été déposés, dont 600 faisant l’objet de demandes d’informations complémentaires.

Pour prendre date auprès de ce service - et éviter de tomber dans le champ de la nouvelle loi contre la fraude fiscale en cours d’adoption -, le contribuable est invité à déposer, en cas de dossier incomplet, une lettre de saisine portant mention de son identité et des références de la banque qui gère les comptes. La pratique consistant à adresser des documents entre-temps est à proscrire. La date de dépôt des dossiers complets interrompt le cours des intérêts de retard. Aux conseillers les plus ambitieux qui comptaient sur les amendes pour dégrever l’ISF, le STDR a fait savoir qu’elles ne constituent pas un passif déductible.

Surveiller les retraits trop importants.Un des écueils principaux rencontrés par les contribuables et leurs conseils fiscaux porte sur les justificatifs à fournir. Il arrive que les banquiers suisses notamment ne possèdent plus de données et soient dans l’impossibilité de délivrer des attestations, et ce d’autant plus que la banque a pu être absorbée ou que le compte a été transféré. Le service ne demanderait pas l’intégralité des relevés bancaires mais un courrier de la banque précisant les montants de ces opérations ou justifiant de l’absence d’alimentation et de retraits depuis le 1er janvier 2006. Le service se réserve l’examen de relevés exhaustifs en cas de doutes sur des manipulations grossières par exemple. Pour les situations datant de plus de dix ans, et comme l’a indiqué la circulaire Cazeneuve en faisant référence à un « faisceau d’indices », il sera nécessaire de produire tout élément à la disposition du contribuable permettant de valider le scénario présenté.

Régulariser sans blanchir. L’absence de poursuites au pénal sur la base de fraude fiscale a été avancée par Bercy, au motif que le STDR n’a pas vocation à devenir le principal informateur de l’autorité judiciaire. Il n’empêche que le législateur a adopté un dispositif à l’occasion des débats sur le projet de loi contre la fraude fiscale prévoyant qu’un contribuable pourra être poursuivi pour fraude fiscale même s’il déclare son compte (L’Agefi Actifs,n°605, p. 5).

Le service de traitement des demandes de régularisation n’a pas non plus vocation à devenir une structure de blanchiment des fonds détenus à l’étranger. Ainsi pour les activités occultes au sens de l’article L.169 du Livre des procédures fiscales (LPF) exercées en période non prescrite, c’est-à-dire depuis 2003, les dossiers seront refusés. Sur l’appréciation même de l’activité occulte, d’autres précisions sont attendues de la part de l’administration. Le commerçant qui a minoré ses recettes déclarées échapperait à la qualification d’activité occulte, alors qu’un salarié qui a perçu une commission se serait livré à une telle activité. Les avocats, de leur côté, souhaitaient voir confirmer que le contribuable qui n’a perçu qu’une seule commission soit bien considéré comme un fraudeur actif qui n’a pas déployé d’activité occulte dans la mesure où, faute de caractère répétitif, il n’a pas développé de façon professionnelle une activité. Pour mémoire, un fraudeur actif est sanctionné à hauteur de 30 % et l’amende est plafonnée à 3 % des avoirs au 31 décembre de l’année concernée. De son côté, l’activité occulte est sanctionnée par application d’un taux de 80 %.

Autre source d’insatisfaction pour les conseils fiscaux, si un examen de la situation fiscale personnelle (ESFP) a été réalisé par le passé, sans que l’existence d’avoirs occultes n’ait été révélée, le contribuable qui veut se régulariser ne pourra pas se présenter au STDR, mais il devra retourner devant l’agent ayant effectué le contrôle fiscal et lui rappeler des faits qu’il lui avait cachés.

La passivité des fraudeurs à la loupe.Une série d’interrogations soulevées par les membres de l’IACF portait sur l’appréciation du caractère actif ou passif des fraudeurs. Il ressort de la rencontre organisée que des personnes ayant reçu des biens par donation mais ayant profité de versements ultérieurs, même peu significatifs, seront assimilées à des fraudeurs actifs. Par ailleurs, il a été retenu que le transfert d’un compte hérité dans un véhicule relevant de l’article 123 bis du Code général des impôts (CGI) ne fait pas perdre à ce compte son caractère passif au sens de la circulaire. De leur côté, les avocats du cabinet Scotto ont interrogé le service sur les situations mixtes, « à savoir le cas où une personne a hérité d’un compte (qui n’a jamais été alimenté) et, par ailleurs, ouvert un compte pour y déposer des revenus. Bien que le STDR n’ait pas envisagé cette situation, celui-ci ne [leur]a pas paru hostile à dissocier le traitement du compte actif de celui du compte passif sous réserve que l’on puisse clairement établir l’absence de mélange des deux comptes. Ce point doit faire l’objet d’une confirmation de la part de l’administration. »

Le traitement des sociétés interposées.La circulaire Cazeneuve a précisé que l’article 123 bistrouve à s’appliquer lorsqu’un compte bancaire non déclaré est détenu par l’intermédiaire d’une structure interposée localisée notamment dans un paradis fiscal. Pour mémoire, ce dispositif prévoit que les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers et doivent être assujettis à ce titre. Les auteurs du « questionnaire IACF »présenté à l’administration fiscale considèrent que l’application de cet article est « source de problèmes pratiques considérables (qui avaient même paru insurmontables à la cellule Woerth, de sorte que les structures interposées avaient été considérées comme fictives et l’article 123 bis n’avait à l’époque pas été appliqué) ». Malgré ces réserves, l’article 123 bis s’appliquerait dans toute sa rigueur sur la base des relevés de comptes détaillant les profits réalisés et les dépenses payées. S’il existe différents niveaux d’interposition, le service appliquera le 123 bis à la structure la plus proche du contribuable. Contrairement à la proposition avancée, le fisc tiendra compte d’une amende pour non-déclaration de compte conjointement à la mise en œuvre de l’article 123 bis à moins que le contribuable démontre - dans l’hypothèse d’un trust irrévocable et discrétionnaire - qu’il n’avait pas la possibilité d’opérer de prélèvements.

En cas de liquidation de la structure, le traitement du boni est également susceptible de poser des difficultés pratiques, et c’est sans doute la raison pour laquelle il serait question de trouver un accord directement avec l’administration au cas par cas, notamment pour des structures anciennes pour lesquelles la valeur de l’apport ne peut pas être établie. Afin d’éviter l’application de l’article 123 bis en 2014, il serait possible de démarrer le processus de liquidation de la structure avant le 31 décembre 2013.

Les amendes en pratique.Dans le compte-rendu tiré de la rencontre, il est bien précisé que « le plafonnement à 1,5 % ou 3 % s’applique, au-delà des amendes encourues pour 2011 et 2012, à 2010, 2009 et 2008 »,lorsqu’il se révèle plus favorable que l’amende forfaitaire. En ce qui concerne les contrats d’assurance vie, à compter de 2012, l’amende est basée sur celle applicable aux comptes bancaires. Avant 2012, l’absence de versement de prime ou de rachat dispense d’amende. Le montant des apports supportera une amende de 25 %, qui pourra être ramenée à 5 % si le fisc n’a pas subi de préjudice.

Dons manuels.A la question posée : « L’administration acceptera-t-elle l’application des règles relatives aux dons manuels ? », le STDR a répondu qu’il acceptait de faire prévaloir l’intention des parties, en cas de cotitularité par exemple et que le titulaire initial redevenant l’unique titulaire, le service ne chercherait pas à taxer un don manuel. Il est précisé que tous les bénéficiaires des dons devront être identifiés sous peine de voir le dossier rejeté alors même que le contribuable se proposerait d’acquitter l’impôt de 60 %.

(1) Rapport d’information « Evasion des capitaux et finance : mieux connaître pour mieux combattre », n°87, Sénat.