La hausse des taux stoppe le rebond des actions

Xavier Diaz
Soutenues ces derniers jours par l’accalmie sur le marché britannique et des cours intégrant déjà les mauvaises nouvelles, les actions ont finalement basculé dans le rouge à cause de craintes sur les taux.
(Gerd Altmann/Pixabay)

Après avoir nettement rebondi cette semaine, les marchés actions ont consolidé mercredi, les investisseurs hésitant entre la crainte liée à la tension sur les taux et l’inflation et des résultats trimestriels corrects. En Europe, l’indice Euro Stoxx 50 s’est néanmoins offert une cinquième séance consécutive de hausse jeudi sur le fil (+0,2%), ce qui lui a permis d’effacer la totalité de la correction subie début octobre et depuis l’annonce par le gouvernement britannique de son mini-budget, abandonné cette semaine. Il ne s’agit que de la troisième fois cette année que l’indice aligne cinq hausses, les deux autres ayant été en août (+2,4%) et en septembre (+4,5%). Au cours des cinq dernières séances, l'Euro Stoxx 50 a progressé de 4,2%. A Paris, l’indice CAC 40 a perdu 0,4%, mettant un terme à quatre séances de hausses consécutives, l’indice Dax limitant sa baisse à 0,1%. Mais Wall Street accentuait ses pertes peu après la clôture en Europe sous le poids de la hausse des taux.

Alors que les premiers résultats du troisième trimestre, qui étaient craints par les marchés, sont jugés plutôt bons, le positionnement très pessimiste des investisseurs est devenu un support. Une grande partie des mauvaises nouvelles, à savoir un ralentissement et un impact mesuré sur les résultats des entreprises, étant dans les cours, il faudrait un choc extrême, comme celui subi par les marchés britanniques ou une forte récession, pour déclencher une nouvelle vague de forte baisse. «Compte tenu des conditions de survente extrême sur les marchés actions et du positionnement baissier des hedge funds sur les obligations et les actions, il ne faut pas grand-chose pour que les deux marchés rebondissent», note Emmanuel Cau, stratégiste actions chez Barclays. L’annonce d’un revirement quasi-complet du gouvernement britannique sur ses baisses d’impôts non financées a stabilisé les marchés britanniques, qui avaient été au cœur de la correction ces dernières semaines, permettant aux autres marchés obligataires et actions de rebondir. La situation économique et politique au Royaume-Uni, qui reste difficile, est passée d’un risque systémique à un risque spécifique au pays.

Cette absence de capitulation du marché pourrait même soutenir le rallye à court terme sur le marché américain, selon Michael Wilson, stratégiste actions chez Morgan Stanley. Le plus pessimiste des stratégistes cette année, prévoyant une baisse de l’indice S&P 500 jusqu’à 3.400 points, n’exclut pas un tel rebond technique, et ce tant que le marché n’aura pas capitulé sur les prévisions de bénéfices et que la récession ne sera pas officielle. Ce rebond dans un marché baissier (bear market rallye) pourrait amener le S&P 500 à 4.150 points, soit un rebond de 12,5% par rapport au cours de mercredi. Mais ce dernier reste pessimiste à moyen terme car il s’attend à une chute des bénéfices sur 12 mois.

«La baisse de 20% de l’Euro Stoxx 50 cette année a été parsemée de fortes hausses, relèvent également les stratégistes de Bank of America. Les jours de hausse au cours des trois dernières semaines ont été en moyenne 1,5 fois plus importants que les jours de baisse, ce qui montre combien les investisseurs considèrent le marché haussier comme le véritable risque de se retrouver à contre-courant dans leur positionnement.»

Les taux avant tout

Mais les marchés restent avant tout guidés par les taux et donc les données économiques, en particulier l’inflation. L’annonce d’une inflation supérieure aux attentes et de plus de 10% au Royaume-Uni en septembre ainsi que la confirmation d’une inflation de 9,9% en zone euro ont relancé les craintes sur les marchés de taux. A quoi se sont ajoutées les spéculations sur la Banque du Japon qui pourrait vendre des Treasuries américains pour financer un soutien du yen.  Les rendements des emprunts d’Etat ont atteint de nouveaux points hauts dans la zone euro et aux Etats-Unis. Le rendement du Bund a repris 9 points de base (pb), à 2,39%, de même que celui de l’OAT de même maturité à 2,95%. Sur le marché américain, le rendement à 10 ans a bondi de 12 pb, à 4,12%. «L'inflation persistante oblige toujours les banques centrales à repousser tout assouplissement des conditions financières, relève Emmanuel Cau. Et, comme l'a récemment montré la situation au Royaume-Uni, la nécessité qu’ont les gouvernements à dépenser plus pour stimuler leur économie sera contrôlée par des investisseurs vigilants (bond vigilantes). Cela signifie qu'il est peu probable que la volatilité des taux se normalise bientôt, selon nous, ce qui devrait maintenir les marchés d’actions sur la réserve. »

Cette volatilité sur les taux et sur les données économiques commence à se transmettre progressivement aux marchés actions, notamment dans les variations extrêmes en journée. La semaine passée, l’indice S&P 500 a connu son plus fort mouvement intra-quotidien au cours des deux dernières années le jour de la publication de l’inflation américaine en septembre. Après avoir chuté dans un premier temps, l’indice a rebondi, marquant une variation de 5,5%. Des mouvements similaires, bien que plus mesurés, se sont reproduits au cours des dernières séances, sans véritable catalyseur, note Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank. Cette instabilité témoigne de la fébrilité des investisseurs face aux risques multiples dans le marché et à leur positionnement. «Comme la volatilité des données économiques se répercute de plus en plus sur la volatilité des actions, nous pensons que cela augmente le risque que les actions rattrapent les taux dans la prise en compte du risque», ajoutent les stratégistes de Bank of America. Pour l’heure, les marchés de taux se sont montrés plus pessimistes que les actions sur le risque de récession. La chute de Wall Street mercredi témoigne de cette instabilité.