
La gestion systématique s’attaque à l’alpha

Depuis quelques mois, alors que l’environnement des actions reste très incertain et que le niveau des taux n’encourage pas à se positionner massivement sur cette classe d’actifs, des offres ont vu le jour, mises en avant par plusieurs gestionnaires, et semblent trouver un écho positif de la part des investisseurs. Ce sont les solutions élaborées avec des primes de risque alternatives, appelées aussi risk premia. Sous ce nom se cachent des techniques de gestion dont l’objectif est de capter des primes de risque – sur les actions, mais aussi sur d’autres actifs comme les taux ou le monétaire – décorrélées de l’évolution des marchés.
Si les principales primes de risque alternatives apparaissent aujourd’hui bien identifiées, leur classification reste encore sujette à discussion, aussi bien au niveau académique que chez les gestionnaires. Certains professionnels séparent les primes de risque, rémunérant un risque, des primes de style, constituant une anomalie de marché (lire par ailleurs).
Pour sa part, Cyril Lureau estime que les primes de risque alternatives peuvent se répartir en trois grandes familles : celles liées à un risque économique, celles liées à un risque de carrière et celles liées à la peur du levier. Le risque économique est rémunéré par les primes de risque en rapport avec la value. « Les investisseurs n’aiment pas porter les risques extrêmes, donc les actions, les obligations ou les devises très décotées sont délaissées. Leur prix reflète davantage de risque que ce qu’elles comportent. Les acheter et les couvrir finit donc par rapporter à long terme. » Le risque de carrière est, pour sa part, rémunéré par les primes du type momentum. « Lorsqu’un un équilibre économique évolue à horizon long terme, il faut d’abord qu’il s’établisse un consensus avant que tous les investisseurs ne le prennent en compte, notamment ceux qui doivent justifier leurs prises de position auprès de leur hiérarchie. » Enfin, la rémunération du risque de levier se retrouve dans les primes du type faible volatilité. « Les valeurs à faible bêta sont parfois peu demandées car elles impliquent un effet de levier pour procurer une espérance de gain similaire à celle offerte par les titres plus volatils. Or, de nombreux investisseurs ne sont pas prêts à assumer ce risque de levier. C’est une des raisons pour lesquelles le prix des titres décotés ne reflète pas leur entière valeur. »
Une autre approche peut consister à classifier les primes de risque en fonction de leur comportement statistique. C’est par exemple ce que s’est attelé à faire Capital Fund Management dans ses publications académiques.
Enfin, de la même manière que leur classification n’est pas encore consensuelle, la pertinence de toutes les primes de risque n’est pas toujours évidente pour tous les acteurs de la gestion. Par exemple, « la prime liée aux petites capitalisations, explique Cyril Lureau, ne fait qu’amplifier les facteurs qui existent dans les grandes capitalisations. Les facteurs value, qualité ou momentum, par exemple, sont plus importants dans les petites capitalisations. Mais pris seul, le facteur petites capitalisations n’est pas – ou peu – opérant ».
Si ces solutions ont d’abord été plutôt dédiées aux institutionnels, elles sont aujourd’hui proposées aux banquiers privés et, bientôt, aux conseillers de gestion de patrimoine. Iéna Venture, la filiale d’incubation de La Financière de l’Echiquier – une structure bien connue de ces derniers –, vient d’ailleurs de prendre 25 % du capital d’Eraam, une société de gestion alternative aujourd’hui spécialisée sur ces stratégies de primes de risque.
En une vingtaine d’année, la gestion d’actifs s’est fractionnée entre les pourvoyeurs de bêta (l’exposition au marché dans son ensemble) à bas coût – via les ETF, fonds indiciels cotés – et les gérants pourvoyeurs d’alpha, parfois capables, moyennant des frais de gestion plus élevés, de procurer une surperformance sans rapport avec l’évolution des indices. Or, c’est à cette catégorie de gestionnaires que s’attaquent aujourd’hui les primes de risque alternatives qui s’affichent comme une manière d’extraire à l’aide d’algorithmes – et donc potentiellement à moindre coût par rapport aux gérants d’alpha – une performance qui n’est pas liée au bêta.
Bases classiques.
Si le terme de primes de risque alternatives apparaît dans la gestion depuis quelques années seulement, cela fait bien plus longtemps que les professionnels des marchés les observent, les analysent et essaient de les capter. « Tous les investisseurs, de manière implicite ou explicite, exploitent les primes de risque. Elles sont aussi vieilles que l’investissement », déclare Cyril Lureau, responsable des stratégies Risk Premia chez Eraam.
La prime de risque la plus connue – qui n’est, elle, pas qualifiée d’alternative – est la prime de risque actions, c’est-à-dire la performance supplémentaire sur le long terme qu’apporte un investissement en actions comparé à un investissement, moins risqué, en emprunts d’Etat de bonne qualité. « Elle a notamment été mise en lumière lors des travaux effectués par William Sharpe dans les années 60, lorsqu’il a défini le modèle d’évaluation des actifs financiers (Medaf ou CAPM, pour capital asset pricing model) à partir des travaux sur la diversification effectués par Harry Markowitz quelques années plus tôt », explique Luc Dumontier, directeur du pôle Factor Investing à La Française Global Investment Solutions.
Du facteur statistique à la prime.
Mais rapidement, dès les années 70, les chercheurs ont voulu aller plus loin que ce modèle théorique impliquant que le rendement d’un actif est fonction du taux sans risque et de son bêta, c’est-à-dire de sa sensibilité à l’évolution du marché dans son ensemble. Cela a été par exemple de cas en 1972 de Robert Haugen et James Heins (1) qui ont constaté que le rendement des actions n’était pas forcément proportionnel à leur risque, posant ainsi les jalons de la prime liée à la faible volatilité de certains titres (low volatility).
Dans les années 90, Eugene Fama et Kenneth French montrent à leur tour que certaines observations empiriques prévalent sur la théorie. Ils ont ainsi démontré que d’autres facteurs de risque que celui lié au marché dans son ensemble pouvaient exister (2). Leurs études concluent en effet que les petites sociétés surperforment les grandes et que, de la même manière, les actions value, c’est-à-dire présentant le ratio de prix sur l'actif net (P/B, pour price to book) le plus bas ont aussi structurellement tendance à faire mieux que les valeurs de croissance. Plus tard, toujours dans les années 90, d’autres facteurs de risque ont été mis en avant comme « l’effet momentum », consistant en une surperformance, sur une période donnée, des titres ayant le mieux performé lors de la période précédente, ou, au contraire, une sous-performance des titres ayant le moins bien performé auparavant (3) (4).
Une fois ces facteurs de risque identifiés par la recherche académique, les gérants ont alors voulu capter les primes de risques qui y étaient associées. « Lorsqu’un risque est identifié statistiquement, c’est un facteur de risque. Lorsqu’il est rémunéré, cela devient une prime de risque. Cette dernière peut donc être intégrée dans un portefeuille », explique Nicolas Gaussel, directeur des gestions de Lyxor Asset Management.
Rémunération d’un risque réel.
Mais bien qu’assimilées sous ce terme, toutes les primes de risque ne sont pas de même nature. Certaines correspondent réellement à un risque supplémentaire que prend l’investisseur. C’est par exemple le cas pour celle liée à la taille de la société. Intuitivement, il peut paraître normal qu’un investisseur qui se positionne sur une petite capitalisation, dont le développement reste incertain, soit mieux rémunéré sur le long terme qu’un investisseur se positionnant sur une grande valeur – même si tous les professionnels ne sont pas d’accord sur la pertinence de cette prime de risque (lire l’encadré). D’une certaine manière, l’investissement value peut aussi correspondre à un risque réel car une société sous-évaluée peut avoir de bonnes raisons de l’être et peut donc le rester pendant des années (ce phénomène est bien connu des gérants value et est appelé value trap, le piège de la value), voire faire faillite.
Anomalies.
Il existe aussi, sur les marchés, des primes liées non pas à un risque pris par l’investisseur – même si elles sont aussi assimilées aux primes de risque alternatives –, mais plutôt à des anomalies de marché. Elles sont parfois appelées par les professionnels « primes de style », même s’il n’existe pas de consensus sur ce terme et que tous n’adoptent pas cette dénomination. La prime liée au momentum fait par exemple partie de cette catégorie. « La prime de momentum n’est pas liée au sous-jacent de l’instrument financier considéré mais dépend simplement au fait qu’il soit coté », remarque Nicolas Gaussel. Luc Dumontier estime, pour sa part, que cette prime peut s’expliquer « par un biais comportemental des investisseurs qui n’intègrent que graduellement l’information dans les prix ».
Cette prime n’est pas la seule à exploiter les biais comportementaux. Certains gérants profitent ainsi du fait que les investisseurs ont tendance, pendant les phases de stress des marchés, à vendre plus rapidement les valeurs qui affichent une plus-value et à conserver celles qui affichent toujours des moins-values (c’est, en finance comportementale, ce qui est appelé le biais de disposition). Il est aussi possible de profiter, au contraire, de la surréaction des marchés à court terme face à une mauvaise nouvelle affectant une valeur, ou une sous-évaluation des conséquences à long terme d’une nouvelle qui paraît n’avoir aucune conséquence sur le moment.
Profiter des contraintes des autres.
Toujours dans la catégorie des anomalies de marchés, ces dernières années, de nombreux gestionnaires ont voulu mettre à profit les études académiques concluant à la rémunération d’un risque lié aux valeurs les moins risquées (prime low-risk) en construisant des portefeuilles à partir des titres les moins volatils. Alors qu’en théorie, ces actions, moins risquées, devraient procurer une performance moindre que les autres, ce n’est parfois pas ce qui est observé dans la réalité. Cette prime de risque peut être liée aux flux et aux contraintes des investisseurs. Elle peut par exemple s’expliquer, selon des gérants, par des biais observés chez certains institutionnels.
« Les réglementations des banques et des compagnies d’assurances limitent fortement la part d’actifs risqués qu’elles peuvent intégrer dans leurs bilans. Pour palier cela et garder une exposition aux marchés importante rapportée à la proportion d’actions qu’elles détiennent, elles ont tendance à investir davantage sur des valeurs à fort bêta, plus risquées car plus sensibles à l’évolution des marchés. Ces dernières voient donc leurs prix artificiellement gonflés – et donc leurs perspectives de rendement abaissées – par rapport aux valeurs dont la volatilité se révèle structurellement plus faible », explique Cyril Lureau.
Récurrence.
Qu’elles soient la conséquence de la rémunération d’un véritable risque assumé par l’investisseur où d’une anomalie de marché, les primes de risque alternatives, pour être qualifiées comme telles, doivent être liées à des phénomènes récurrents et qui s’expliquent très bien par des raisonnements simples et rationnels. « Un gérant doit comprendre les fondements qui sous-tendent l’existence des primes. S’il anticipe que ces fondements vont perdurer à l’avenir, alors il peut être assuré que la prime va subsister », déclare Luc Dumontier. Même si parfois certains gérants avouent sans mal qu’il est difficile de tout expliquer. La prime liée aux « valeurs de qualité » (présentant la génération de bénéfices et les conditions comptables les plus stables), par exemple, « bien que difficilement explicable, semble apporter de la valeur sur le long terme en rémunération d’un risque significatif de pertes importantes, souvent au pire moment », note Nicolas Gaussel.
L’effet norvégien.
Si la plupart des primes de risque alternatives solides sont bien identifiées depuis de nombreuses années, pourquoi ces techniques sont-elles mises en avant seulement aujourd’hui par les gestionnaires ? Plusieurs raisons expliquent cet engouement. En premier lieu, certaines études ont déterminé que dans des gestions actives, une partie du surplus de performance par rapport aux indices de référence provenait en réalité de primes de risques systématiques. Ainsi, en 2009, le gouvernement norvégien a mandaté les économistes Andrew Ang, William Goetzmann et Stephen Schaefer pour analyser le rôle de la gestion active dans le Norwegian Government Pension Fund, le fonds souverain le plus important au monde, dont les actifs se montent aujourd’hui à environ 800 milliards d’euros.
Or, dans leur étude, les économistes ont constaté que dans « la gestion active (active returns), la différence entre le rendement du fonds et son indice de référence, explique seulement une petite fraction du rendement total du fonds. De plus, ce petit composant est lui-même substantiellement expliqué par l’exposition du fonds à des facteurs systématiques (…) » (5). En clair, non seulement la performance du fonds n’était que très peu liée à la gestion active, mais cette dernière peut être expliquée par des expositions à des primes de risque alternatives qu’il est possible d’extraire sans faire appel à des techniques de gestion discrétionnaires.
Certains professionnels spécialistes de la gestion systématique vont encore plus loin en estimant que « l’étude sur le fonds de pension norvégien corrobore le fait qu’en moyenne, les gérants ne battent pas les benchmarks et que ceux qui les battent sont, en fait, exposés à des primes de risque alternatives ». Ce qui n’est évidemment pas l’avis des gérants actifs traditionnels – et de leurs investisseurs.
Cette étude sur le fonds de pension norvégien a provoqué un véritable électrochoc chez les institutionnels. Les investisseurs ont réalisé à cette époque que leurs portefeuilles, bien qu’apparemment diversifiés, restaient en fait largement exposés aux indices. « C’est le cas pour les mandats des institutionnels, mais aussi pour de nombreux fonds flexibles qui peuvent présenter des corrélations très importantes avec les marchés d’actions », note Luc Dumontier.
Combattre l’incertitude.
Depuis la publication de cette étude, plusieurs éléments ont ensuite poussé les investisseurs à reconsidérer la construction de leurs portefeuilles. Ils ont en effet réalisé que la contribution au risque des différentes classes d’actifs se révélait bien différente des pondérations que celles-ci représentent dans un portefeuille. « Dans un portefeuille constitué à 30 % d’actions et à 70 % d’obligations, la contribution des actions au risque global du portefeuille dépasse 85 %. Pour obtenir une parité des risques, il faudrait, au regard de ce qu’il s’est passé sur les marchés ces quinze dernières années, un portefeuille constitué de 15 % d’actions et de 85 % d’emprunts d’Etat », explique Luc Dumontier. Finalement, « avec les primes de risque alternatives, les investisseurs cherchent une diversification durable de leurs portefeuilles et des risques qu’ils supportent », déclare Etienne Rouzeau, directeur Investment Solutions chez Rothschild HDF Investment Solutions.
Aujourd’hui, non seulement les investisseurs sont conscients qu’ils doivent mieux diversifier les risques mais, dans un environnement incertain aussi bien sur les taux que sur les actions, ils recherchent de nouvelles manières de pouvoir trouver du rendement sur les marchés. Deux problèmes auxquels essaient justement de répondre les gestionnaires de produits permettant d’extraire les primes de risque alternatives.
Cycles.
En se positionnant sur les différentes classe d’actifs de manière traditionnelle, les investisseurs sont exposés à leur évolution dans leur ensemble, mais aussi à d’autres facteurs de risques alternatifs qui ne sont corrélés ni entre eux, ni au marché. Se pose alors la question de savoir si ces primes se révèlent stables dans le temps. Or, « de la même manière que les actions peuvent connaître des périodes prolongées de forte baisse, les primes de risque alternatives ont des comportements cycliques, ce qui ne doit pas nécessairement conduire les remettre en cause tant que leurs fondements perdurent », constate Luc Dumontier. Ainsi, les titres value ont fortement sous-performé les titres croissance pendant la bulle internet des années 2000 et ils sont aussi à la peine ces dernières années.
Certaines primes de risque peuvent donc se révéler très irrégulières. « La prime momentum est certainement celle qui a enregistré les pertes (drawdowns) les plus importantes, estime Luc Dumontier. Lors de la crise de 2008, le portefeuille représentatif de cette prime s’est progressivement positionné à l’achat sur les valeurs défensives et à la vente sur les valeurs cycliques au fur et à mesure de la baisse des marchés. Mais lors du rebond des marchés (à partir de la mi-mars 2009), la rotation sectorielle a été si rapide que la prime momentum a perdu en quelques semaines ce qu’elle avait mis des années à gagner. » Il ne fait donc aucun doute, comme l’explique Nicolas Gaussel, qu’« il y a des conditions de marché favorables à certaines primes de risque et, à l’inverse, des périodes où ces primes sont inopérantes, voire perdantes ».
Diversification.
S’il est possible d’extraire les différentes primes de risque alternatives, prises isolément, leur caractère parfois cyclique ne leur garantit donc pas un rendement positif à court, voire à moyen terme. Par ailleurs, comme sur les classes d’actifs traditionnelles, il est très difficile d’essayer d’anticiper leur évolution à court terme. C’est la raison pour laquelle de nombreux produits qui utilisent ces techniques diversifient les risques, les actifs et les instruments utilisés, et donc les primes auxquelles ils sont exposés. « Le but d’un fonds risk premia est de combiner différents portefeuilles ayant toutes les chances d’être décorrélés dans la mesure où ils sont rémunérés pour porter des risques différents », estime Luc Dumontier. Cette diversification se révèle indispensable car, constate Etienne Rouzeau, « toutes ces primes de risque ont comme point commun de présenter un ratio de rendement rapporté au risque (mesuré par le ratio de Sharpe) relativement faible. Et seule une bonne diversification permet de l’augmenter très significativement ».
Choix crucial des stratégies.
Si les gérants qui offrent des solutions élaborées avec des primes de risque veillent à diversifier leurs portefeuilles, ils ne doivent pas non plus tomber dans l’écueil inverse qui consisterait à multiplier sans limite les stratégies. Nicolas Gaussel rappelle ainsi que « John Cochrane, de l’université de Chicago, estimait déjà, en 2011, que nous étions face à un zoo de facteurs de risqué différents. Aujourd’hui, plus de 300 facteurs de risque ont été recensés dans des articles universitaires, mais ils sont loin d’être tous exploitables par les gérants ». Et, à l’instar de toutes les techniques de gestion lorsqu’elles se développent fortement, « il y a beaucoup d’effet de mode autour des primes de risque alternative, met en garde Etienne Rouzeau. Il faut donc rester très exigeant quant à leur sélection dans les portefeuilles et veiller à ne pas y intégrer des anomalies de marché passagères et qui n’ont que très peu de chances de se reproduire ».
Gestion active.
Les primes de risque alternatives sont liées à la gestion systématique – par opposition à la gestion discrétionnaire – et « sont le fruit d’un portefeuille qui bouge », relève un gérant. Cependant, si la gestion est active, son horizon n’est pas forcément le court terme. « Certaines primes de risque, comme celles liées au suivi de tendance, se concrétisent après six à neuf mois. A très court terme, les mouvements sur les marchés s’apparentent à du bruit statistique et ne sont pas toujours significatifs. Sans compter que si les horizons d’investissement sont très courts, les coûts de transaction peuvent obérer tout ou partie de la performance de la stratégie », déclare Etienne Rouzeau.
Une autre caractéristique des produits risk premia est d’utiliser des techniques de gestion alternative. « Pour être décorrélés, les portefeuilles représentatifs des primes combinent simultanément des positions longues (à l’achat) et des positions courtes (à la vente). Si ce n’était pas le cas, la performance extraite ne serait pas due à une prime alternative ‘pure’, mais elle serait aussi liée à l’évolution du marché dans son ensemble, comme dans le cas des produits smart bêta », explique Luc Dumontier.
Nouvelle vague.
Les offres élaborées à partir des primes de risque alternatives n’en sont encore qu’à leurs débuts, mais certains professionnels les surveillent néanmoins de très près. « Nous vivons aujourd’hui la seconde vague d’industrialisation de la gestion. L’industrialisation du bêta est née avec la gestion indicielle et l’industrialisation de l’alpha viendra des risk premia, observe Cyril Lureau. Les primes de risques alternatives vont bouleverser l’industrie de la gestion d’actifs. Et cela va prendre moins de dix ans. Les révolutions industrielles vont de plus en plus vite. »
Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour que les stratégies de risk premia se développent. Elles ont atteint une maturité du point de vue de la recherche académique, répondent à un réel besoin des investisseurs aussi bien sur la diversification que la recherche de rendement et n’ont pas à souffrir d’une image dégradée comme cela a été – et est parfois toujours – le cas pour les hedge funds.
Et si de nombreux professionnels s’interrogent sur la capacité des primes de risque à procurer du rendement lorsque leur utilisation se sera généralisée, ceux qui proposent ces produits répondent que les primes de risque alternatives sont déjà exploitées depuis toujours. Ce qui est nouveau, c’est simplement la systématisation de leur extraction dans des produits purs. Les gérants physiques pourvoyeurs d’alpha sont loin de disparaître – et ce n’est pas souhaitable –, mais d’ici à quelques années, peut-être moins, ils vont sans aucun doute être mis sous pression par de nouveaux produits aux tarifs plus proches de ceux des ETF que des fonds traditionnels.
(1) Haugen, Heins, On the Evidence Supporting the Existence of Risk Premiums in the Capital Market, 1972.
(2) Fama, French, The cross-section of expected stocks return, Journal Of Finance, 1992.
(3) Jegadeesh,Titman, Returns to Buying Winners and Selling Losers : Implications for Stock Market Efficiency, Journal Of Finance, 1993.
(4) Carhart, On Persistence in Mutual Fund Performance, Journal Of Finance, 1997.
(5) Ang, Goetzmann, Schaefer, Evaluation of active management of the Norwegian Government Pension fund - Global, 2009.