La finance, le véhicule et l’homme

Piloter en lâchant les rênes. Ne plus prendre la main. C’est ainsi que semble se dessiner l’avenir de la gestion collective, comme le démontre le poids croissant des ETF et des fonds indiciels dans le paysage, au détriment de la gestion active. Bien sûr, il est ici question d’une photo globale, incluant aussi bien la part institutionnelle où ces fonds règnent en maître, que celle de la distribution où leur présence est moins forte - mais où ils gagnent désormais des parts de marché. Tout de même, le message est clair. Le monde se transforme, il évolue. Jadis, les gérants ont tissé des liens avec leurs clients en leur racontant des histoires. Mais de belles histoires. Celles d’entreprises sur des marchés en devenir et promises au statut de pépites de la côte. Ces schémas perdurent sur certains marchés qui se singularisent par leur profondeur et leur inefficience. C’est le cas naturellement pour des catégories de fonds qui travaillent des petites et moyennes capitalisations à l’échelle du Continent ou des Etats-Unis. Mais la gestion active a semble-t-il perdu une bataille majeure au sein des catégories reines de la classe d’actifs « actions ». La faute pour cette dernière à des coûts nettement plus élevés comparés à ceux des fonds indiciels. La faute également à cette main de l’homme qui peut flancher, et qui permet à la gestion indicielle de truster au long cours les classements sur les marchés d’actions américains, et désormais sur les places financières de ce côté-ci de l’Atlantique. Bien sûr, on peut trouver chaque année une (petite) proportion de fonds qui battent leur indice, catégorie par catégorie. Mais non seulement leur nombre est faible, mais l’espoir que leurs bons résultats se réalisent à nouveau l’année suivante est très mince. Bref, en termes statistiques, il n’existe pas de persistance de la surperformance. Au sein des classes d’actifs obligataires, la gestion active pourrait avoir son lot de consolation en s’affichant incontournable. Mais cette victoire ne fera pas illusion. Si elle brille, c’est avant tout parce que les indices en question ne peuvent se répliquer en l’état.
 Cette main-mise de l’indiciel et partant du quantitatif ou du systématique s’inscrit bien dans l’air du temps. Celui des algorithmes et de l’intelligence artificielle qui est entrée de plain-pied dans le monde de la finance. Et qui pose des interrogations et impose des principes. Des principes de transparence, d’explicabilité, et aussi de respect de la primauté de l’humain. Dans ce temps, il est en effet impératif de veiller à ce que l’humain garde la main sur la machine. Ce qui dans le monde de l’asset management se traduit aisément : d’un déséquilibre grandissant entre deux modes de gestion est né un nouvel équilibre, une nouvelle donne. Confrontée à la gestion active, la gestion passive a partie gagnée. Mais il n’est question ici que de véhicule financier. L’intelligence humaine est ailleurs. Dans le monde de la gestion, l’homme qui se distingue porte un nom. Celui d’allocataire.