
La bonne surprise de l’alpha

Les gérants peuvent-ils encore dégager un alpha élevé aujourd’hui ? D’après les résultats de la 18e édition des Grands Prix de la gestion d’actifs (GPGA) organisés par L’Agefi en partenariat avec Six Financial Information, la réponse est clairement oui. Ainsi, à partir d’un premier tamis de cette édition 2017, au cours duquel 3.366 fonds répartis dans 15 catégories distinctes étaient éligibles – soit 220 fonds de plus que l’an dernier – il ressort que cette population affiche de meilleurs résultats que l’an passé. Selon Six Financial Information, « le niveau moyen d’alpha est en hausse de 28 points de base pour s’établir à -0,31 %, l’un des meilleurs scores sur ces cinq dernières années ». Et si l’on se focalise désormais sur les fonds dont le niveau d’alpha aura été positif aux termes de la période d’étude, 1.440 fonds ont été recensés, marquant une nouvelle fois une légère augmentation du nombre de fonds « gagnants » par rapport à l’édition précédente. Dit autrement, cet ensemble de fonds « alpha » représente un peu plus de deux fonds sur cinq, augmentant de fait la probabilité pour un investisseur de choisir un OPCVM performant. Et le jeu en vaut la chandelle. A titre d’exemple, sur les actions européennes, le meilleur fonds primé de sa catégorie enregistre une surperformance par rapport à son indice de référence de 12,9 % (lire les résultats pages suivantes).
Une baisse tendancielle. Sur la capacité des gérants à dégager une surperformance, il est cependant acquis que cette donnée n’est pas stable dans le temps. L’an passé, Six Financial Information soulignait d’ailleurs que les niveaux d’alpha baissaient tendanciellement. Par ailleurs, de nombreuses études académiques montrent qu’il est difficile, pour un gérant, de conserver les places d’honneur d’une année sur l’autre et de régulièrement surperformer le marché. Sur ce point, de nombreux gérants de cette édition du GPGA seraient donc l’exception qui confirme la règle. Cinq gestionnaires déjà vainqueurs en 2016 conservent ainsi leurs premières places cette année. Twenty First Capital avec son fonds d’actions françaises ID France Smidcaps, J.P. Morgan, avec le fonds d’actions émergentes J.P. Morgan emerging markets small cap, Morgan Stanley avec son fonds d’actions internationales MS Investment funds Global opportunity, Henderson pour le fonds d’actions japonaises Henderson Horizon Fund Japanese Smaller Companies, et Aberdeen avec le fonds Aberdeen Global North American Smaller Companies. A noter que le fonds de Comgest, Comgest Growth Asia Pacific ex Japan pour l’Asie hors Japon, le fonds de First State investi en actions éthiques Stewart Investors Worldwide Sustainability Fund, et le fonds de Nordea, Nordea 1 European High Yield Bond, aux premières places cette année, figuraient aussi sur un podium l’année dernière. Finalement, sur les quinze lauréats du GPGA, huit se trouvaient déjà dans le trio de tête en 2016.
Dans le détail, les vainqueurs de cette année opèrent souvent sur des classes d’actifs – ou des sous-classes d’actifs – moins efficientes que les autres. A l’image des catégories investies en petites et moyennes capitalisations. Dans son analyse, Six Financial Information note en effet que le podium de la catégorie actions Europe est entièrement renouvelé et accaparé par trois nouveaux fonds « small caps ». Qui par ailleurs présentent des alpha parmi les plus élevés. Même constat pour la catégorie actions France, où le compartiment des petites et moyennes valeurs a aussi brillé, avec un podium constitué de gestions qui leur sont entièrement consacrées. En outre, toujours selon Six Financial Information, « les écarts de résultats s’accroissent dans ces catégories, par rapport à l’an dernier, où les alpha sont significatifs et figurent parmi les plus élevés de cette édition ». A noter que la prédominance en haut du panier de la classe d’actifs des petites et moyennes capitalisations n’est pas inhérente aux marchés européens. Dans la catégorie actions USA, ces titres dominent également et se retrouvent aux trois marches du podium, comme l’an passé. Dans un autre genre, on notera que les catégories actions éthiques et actions internationales comptent cette année un nombre de fonds gagnants en hausse, comme les niveaux d’alpha constatés. « Le resserrement des résultats induit une meilleure homogénéité de ces catégories aux larges champs d’actions », en déduit Six Financial.
Des resserrements par le bas. En matière de déception, on retiendra de cette édition que dans les catégories actions Asie hors Japon et actions émergentes, l’alpha délivré a nettement baissé. Par ailleurs, les écarts se sont resserrés par le bas. Les résultats du dernier quartile de fonds progressent, tandis qu’à l’opposé, en haut de classement, ils marquent un tassement. « La médiane des résultats est encore nettement positive, ce qui n’est pas le cas pour toutes les catégories », tempère Six Financial dans ses conclusions. Et de pointer la catégorie actions hauts dividendes, où non seulement l’alpha s’est raréfié mais où il est plus faible en haut de classement.
Dans les autres classes d’actifs, les fonds de catégorie diversifiés internationaux et diversifiés Europe font état d’une propension assez faible à délivrer de l’alpha – à l’exception du fonds Equilibre Discovery d’Edmond de Rothschild AM sur le Vieux Continent. Seuls 25 % des fonds sont dans ce cas. Il est vrai qu’en regroupant des portefeuilles aussi bien mixtes que de gestions flexibles, l’ensemble reste difficile à appréhender. Avec des « contrats » pour les gérants très variables.
Enfin, du côté de l’obligataire, « les gestions ayant participé à cette nouvelle édition des GPGA ont été plus nombreuses mais elles ont également eu plus de mal à s’illustrer », analyse Six Financial. D’où un plus faible nombre de fonds gagnants, et des niveaux d’alpha moins élevés. Les segments haut rendement et international y demeurent les plus gros pourvoyeurs de surperformance, a contrario des fonds investis en obligations européennes, où seuls deux fonds sur cinq se sont illustrés avec des mandats flexibles en haut de classement.
Encadré
L’active share ne remplace pas l'alpha
Si l’alpha reste la mesure reine de la mesure du talent d’un gérant pour surperformer son marché, l’utilisation d’un autre ratio tend aujourd’hui à se généraliser : l’active share. Il ne s’agit pas, cette fois-ci, de mesurer une performance, mais de déterminer si la gestion appliquée – et donc ses frais – est réellement active.
Ce ratio est calculé en fonction des positions réelles dans les portefeuilles. Il s’agit de la moitié de la différence en valeur absolue entre la pondération d’un titre dans le portefeuille du gérant et celle de ce même titre dans l’indice (K. J. Martijn Cremers, Antti Petajisto, « How Active Is Your Fund Manager ? A New Measure That Predicts Performance », Yale ICF Working Paper No. 06-14, 2006, et publié en 2009 dans The Review of Financial Studies). Ce mode de calcul, qui peut paraître peu intuitif à première vue, rend pourtant ce ratio très simple à interpréter. Si un gérant investit la moitié de son fonds sur un indice et l’autre moitié en liquidité, par exemple, son active share sera de 50 %. De la même manière, s’il n’est présent que sur 10 % des valeurs de l’indice, son active share sera de 90 %.
Si l’active share est une bonne mesure pour déterminer si les frais payés rémunèrent vraiment une gestion active, permet-il de prédire une meilleure performance des gérants ? A en croire la recherche déjà publiée par le gérant AQR en 2016, la réponse est clairement non, et, selon lui, « ni la théorie ni les données justifient l'hypothèse selon laquelle l’active share pourrait aider les investisseurs à améliorer leurs rendements ». Un résultat qui traduit, en réalité, le simple fait que les fortes convictions d’un gérant ne riment pas forcément avec de fortes performances.