
H2O AM passe ses fonds à la paille de fer

Par L’Agefi Quotidien. - Natixis a réussi lundi à juguler l’hémorragie boursière liée aux difficultés de H2O Asset Management. Reste à savoir si la boutique de gestion dont elle détient 50% y parviendra également concernant ses clients, après les mesures d’urgence annoncées hier : liquidation partielle de son portefeuille de placements privés, réévaluation à la baisse de ses actifs et suspension des frais d’entrée sur les fonds.
«Au vu du contexte actuel, les équipes de H2O AM ont décidé de comptabiliser ces créances, non pas à leur valeur de marché en situation normale, mais à une valeur de cession complète immédiate, celle-ci ayant été déterminée sur la base de cotations pour transaction obtenues ce dimanche auprès de banques internationales, indépendantes de Natixis», a indiqué Natixis dans un communiqué où le groupe «soutient les mesures annoncées par H2O Asset Management et réaffirme les principes de son modèle multiboutique».
Compte tenu des moins-values enregistrées, «déclenchées par des articles de presse qui ont asséché la liquidité de marché et élargi les fourchette de ‘bid-ask’», les fonds de H2O AM seront valorisés avec des décotes de 3% à 7%, a précisé la boutique dans un communiqué distinct. Elle rappelle avoir mis en place en 2017 «des règles de ‘swing pricing’ destinées à protéger les porteurs de parts restant dans les fonds des coûts liés aux sorties, qui sont donc supportés par les investisseurs demandant le rachat de parts».
Ces révisions de valeur à la baisse confortent les interrogations que les observateurs peuvent avoir sur la «valeur de marché en situation normale» d’obligations par essence peu ou pas liquides. L’ampleur de l’ajustement, cessions comprises, se lit au travers d’un autre indicateur : le portefeuille d’obligations corporate privées non notées ne représente plus que 2% de la valeur des fonds, soit environ 500 millions d’euros, indique le gérant. La semaine dernière, H2O AM précisait que l’exposition de ses fonds Adagio, Allegro et MultiBonds à ces obligations d’entreprises atteignait respectivement 4,3%, 9,7% et 8,3% de l’actif net au 20 juin. Or ce dernier a baissé depuis.
L’affaire soulève aussi des questions sur la nature même de ces investissements, recherchés par bon nombre de gestionnaires en quête de rendement. «Tout ce que H2O et Natixis ont dit sur la nature des placements privés nous laisse penser qu’il s’agit économiquement de prêts, et pas d’obligations», écrivent les analystes d’Autonomous Research dans une note citée par Bloomberg. Les fonds Ucits de H2O AM peuvent investir dans des obligations illiquides jusqu’à une certaine limite, pas dans des loans.
Absent des débats pendant quarante-huit heures après la publication du blog du FT sur les liens entre H2O AM et le financier Lars Windhorst, Natixis a fini par reprendre les choses en main sur le front de la communication. Dans son communiqué, la banque précise qu’elle a décidé d’«anticiper l’audit périodique mené sur cet affilié, en l’engageant dès le 21 juin 2019». Elle remet également en perspective le poids relatif de H2O AM, comme elle l’avait en fin de semaine dernière auprès des analystes financiers. Si la contribution de la boutique, qui a dégagé 360 millions d’euros de résultat net l’an dernier, a atteint 11% du résultat net part du groupe, elle le devait à des commissions de surperformance (420 millions) exceptionnellement élevées. Cette part est retombée à 6% au premier trimestre, plus en ligne avec les 5% de 2017.