H2O AM : Les CGP se défendent

En réaction au scandale H2O, L'Agefi Actifs a recueilli les réactions des CGP. S’ils refusent de jeter la société de gestion en pâture, ils sont bien décidés à défendre leur profession face aux accusations.
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Surtout, ne pas tirer sur l’ambulance. Dans cette affaire tentaculaire qui n’en est qu’à ses débuts, les distributeurs se veulent solidaires : on n’enfoncera pas H2O AM ! Malgré des loupés évidents, la profession refuse de se lancer dans une chasse aux sorcières et préfère saluer les efforts de communication de la société de gestion. C’est fair play. Mais aussi un peu intéressé.

Car si l’inquisition devait réellement commencer, les distributeurs devraient répondre de leur décision de continuer à proposer à leurs clients d’investir dans des fonds de la société de gestion de Bruno Crastes, en dépit de ses déboires en 2019. Leur ligne de défense ? Rappeler que les fonds H2O étaient essentiellement commercialisés via les contrats d’assurance vie, distribués en majorité par les banques, privées ou non, du réseau Natixis ou non... beaucoup moins par eux. « Les CGP ne représentent qu’une infime minorité des contrats d’assurance vie », approuve Julien Wargny, président du cabinet de gestion de patrimoine Fennas.

Complexité ou opacité ?

La clémence des professionnels envers leurs confrères ayant massivement vendu du H2O est frappante. Pourtant, selon nos informations, certains conseillers auraient surexposé leurs clients aux fonds de la société française basée à Londres, y allouant parfois jusqu’à 40 % de leur portefeuille. Les distributeurs, CGP comme banquiers, ont longtemps été séduits (et à juste titre) par les rendements à deux chiffres de la société de gestion. Mais cet engouement aurait dû être temporisé par la complexité des produits, tant il était compliqué pour les conseillers de comprendre leur composition.

Une complexité proche parfois de l’opacité. « On ne comprenait pas le fonctionnement des fonds car nous n’avions pas accès à l’ensemble de leurs lignes », confie ce CGP qui n’a jamais proposé de fonds H2O à ses clients pour cette raison. Bien qu’elles faisaient rêver, « il était difficile de savoir comment ces performances étaient réalisées », confirme cet autre CGP.

Les CGP se défendent de tout manquement au devoir de conseil

Si le métier fait preuve d’empathie envers H2O AM, les CGP n’entendent pas se faire accuser d’abus de confiance. « S’il y en a un, il est du côté de la société de gestion qui n’a pas respecté ses engagements de prudence », a-t-on confié à la rédaction. D’autres tapent plus haut et s’interrogent sur l’attitude de Natixis. « Face à ce scandale, on peut se poser des questions. Comment ce poids lourd du secteur, filiale de BPCE, a-t-il pu opérer aussi peu de contrôle sur sa boutique ? », s’interroge un professionnel.

Certains voient dans cette affaire les limites d’un système qui n’aurait pas suffisamment appris de ses précédents scandales. « Aujourd’hui encore, le contrôle se fait sur les fonds, mais pas forcément sur les hommes et les femmes qui les gèrent. On laisse donc parfois le génie opérer sans surveillance », regrette Julien Wargny. Sur une note un brin plus alarmiste mais non moins réaliste, il prévient : « Il y aura d’autres affaires car la liberté laissée aux gérants pourrait être mieux encadrée ». Le dirigeant défend en parallèle les CGP, refusant que cette affaire ne jette l’opprobre sur l’ensemble de la profession. « Les conseillers font face à des contraintes règlementaires et administratives de plus en plus importantes. Trop de règlementations tue la règlementation », insiste-t-il amer. Conséquence : moins de temps à consacrer aux clients et donc à analyser les placements financiers.

Or, pour bien les appréhender, une formation adéquate est  indispensable…mais pas toujours reçue. Ce que déplore François-Xavier Sœur, président fondateur du cabinet Terrae Patrimoine. « Il faut être capable de fouiller pour pouvoir comprendre ces fonds. Or, « CGP » n’étant pas un titre réglementé, tous les professionnels qui se revendiquent conseiller n’ont pas forcément reçu la formation adéquate pour cela », déplore-t-il.

Parmi toutes ces voix qui commencent à se faire entendre, celles des associations professionnelles ont du mal à émerger. Leur réaction à l’affaire sera diffusée lundi, sur notre site.