
Fin de cycle
Alors crise ou pas crise ? Sans tomber dans un optimisme béat, il faut bien admettre que parmi les récents signaux envoyés par les marchés, certains d’entre eux étaient assez prévisibles. Toutes les bonnes choses ayant une fin, le cycle économique exceptionnellement long aux Etats-Unis – perfusé il est vrai aux réductions d’impôts puis aux augmentations de salaires dans une situation de quasi plein emploi – ne devrait plus être bientôt qu’un (très) bon souvenir. Entre les hausses des taux pilotées par la Fed et l’appréciation du dollar, disons que les éléments synonymes d’une croissance plus modeste l’an prochain sont réunis. Tandis qu’en Europe, le bilan n’est ni fameux sur l’année, ni surtout ces derniers jours. En toile de fond, on trouve pêle-mêle une croissance faible en zone euro et des crispations géopotitiques accrues.
La réalité de la montée des populistes inquiète également, comme le démontre une récente étude réalisée par Bloomberg, selon laquelle 41 % du produit intérieur brut des pays du G20 sont aujourd’hui entre les mains de gouvernements populistes contre…. 4 % en 2007. Or, on connaît les tentations isolationnistes des responsables politiques en question, à la tête de grandes puissances économiques. Y compris émergentes. Tout cela a un prix. A Wall Street, les indices américains présentent toujours de belles progressions sur l’année, mais ils ont enregistré de nets reculs sur les dernières séances. Sur le Vieux Continent, les places financières sont dans le rouge. Surtout, sur les marchés, la volatilité a fait son retour. Après être resté sous la barre des 15 ces derniers mois, le VIX, le bien nommé « indice de la peur », pointe à près de 25.
Entre des marchés en berne et une volatilité en hausse, il reste à poser un regard objectif sur la période traversée. Pour constater tout d’abord que
sur le plan économique, toute hausse des taux comme celle initiée aux Etats-Unis génère des baisses de marchés et une hausse de la volatilité. Dans la zone euro, la situation est certes plus complexe pour la BCE qui a assoupli récemment son discours. Mais à terme, les intentions sont claires. Dans ce contexte, si le VIX s’affiche en hausse, sa progression reste maîtrisée. Au début de cette année par exemple, au plus fort du différend commercial entre la Chine et les Etats-Unis, l’indice flirtait avec les 40. Et il y a eu des précédents. En 2015, ce niveau a été franchi au cours du troisième trimestre, après les dévaluations du Yuan, des craintes pour la croissance chinoise et, par ricochet, pour les économies occidentales. En tout état de cause, sur les huit dernières années, la volatilité s’est trouvée neuf fois à un niveau plus élevé qu’actuellement, preuve s’il en est que l’on ne vit pas une situation aussi exceptionnelle que cela. La question naturellement qui reste à se poser consiste à apprécier la concomitance des événements. Autrement dit une fin de cycle d’un côté et des risques exogènes liés aux conséquences de la guerre commerciale qui oppose Pékin et Washington, ou à l’instabilité en Europe avec une Italie frondeuse face à Bruxelles, une Allemagne en phase de transition politique, donc affaiblie, et une France en panne d’allié. En guise de réponse, on peut se convaincre
que les deux phénomènes peuvent être souvent liés et que les cycles ne meurent jamais d’eux-mêmes.
De fait, la vraie question est sans doute de savoir combien de temps ils mettent à renaître…