
Epargne : les frais interrogent

Droit d’entrée ou de sortie, frais de gestion, d’arbitrage, de distribution, de conseil, commission de mouvement ou de surperformance… Les frais auxquels font face les épargnants en France sont légion, souvent obscurs et la plupart du temps mal compris. Face à ce « mille-feuille » il est difficile de s’y retrouver et de bien identifier qui touche quoi et si c’est justifié. Dans un marché qui se rapproche des 6.000 milliards d’euros placés, selon les derniers chiffres publiés par la Banque de France en février 2022 (portant sur le troisième trimestre 2021), il est légitime de se poser quelques questions.
Schématiquement, un particulier français a un coût global d’environ 2 % par an sur l’encours de son épargne. C’est élevé dans un contexte de taux bas où la prise de risque est devenue obligatoire pour obtenir du rendement. Le retour de l’inflation, qui atteignait 4,5 % en mars en France selon l’Insee et devrait se renchérir cette année sous la pression du conflit russo-ukrainien, n’arrange pas ce tableau.
« Pour l’avoir vécu de l’intérieur au début de ma carrière, le point de départ est tout de même scandaleux, s’insurge Mathias Baccino, responsable France du broker Trade Republic, passé plusieurs années par la salle de marché de BNP Paribas. On prélève 2 % chaque année pour n’offrir aucune surperformance par rapport à un ETF du S&P 500. C’est le casse du siècle ! » Selon lui, le marché se trouve aujourd’hui face à une rupture générationnelle avec des jeunes mieux informés. « Ils ne veulent plus être infantilisés par les banques et les assureurs et payer autant, avance-t-il. On observe tout de même des écarts sur les frais allant de 1 à 50 selon les acteurs, ce n’est pas acceptable. » Très remonté, le dirigeant prêche évidemment pour sa paroisse puisque Trade Republic a fait de la démocratisation de l’accès aux marchés financiers son crédo. Le courtier en ligne allemand base son business model sur des frais forfaitaires d’un euro par ordre, là où beaucoup de concurrents se rémunèrent en pourcentage. Pourtant, le travail d’un broker est sensiblement le même que le montant de l’ordre soit de 1.000 ou 50.000 euros.
Véhément sur le brokerage, il l’est tout autant sur la gestion active de fonds, dont il juge le coût trop élevé par rapport à l’alpha généré. Il est vrai que de nombreuses études ont montré ces dernières années que la gestion passive a tendance, en moyenne, à surperformer la gestion active à long terme. Mais, argueront à juste titre ses défenseurs, les meilleurs fonds des classements sont rarement des ETF. Tout repose alors sur la capacité à sélectionner les meilleurs gérants. Bref sur le conseil !
Plus cher que les autres ?
Si l’épargne française est effectivement assez coûteuse il convient tout de même de la comparer avec ce qui se pratique ailleurs. Plusieurs études sur le sujet sont parues récemment. La plus récente, de Morningstar, classe la France parmi les pays où les frais de gestion sont les plus élevés. L’Hexagone est ainsi loin des champions que sont les Etats-Unis, les Pays-Bas, l’Australie et dans une moindre mesure le Royaume-Uni.
Les frais de gestion annuels sur encours des fonds français atteignaient en moyenne en 2021 (1) 1,8 % pour les fonds actions, 1,56 % pour les fonds d’allocation et 0,87 % pour les fonds obligataires. Ces chiffres sont d’autant plus parlants qu’ils ne se restreignent pas aux particuliers, ils sont donc forcément sous-évalués si on veut se limiter au marché retail…
Pour autant, sont-ils la preuve irréfutable que les frais en France sont plus élevés que chez nos voisins ? Pas nécessairement, car l’étude de Morningstar comporte un biais majeur : elle ne distingue pas les pays qui, comme la France, intègrent le coût du conseil aux frais de gestion - via des commissions aux distributeurs - et ceux où le conseil est facturé à part, souvent sous forme d’honoraires.
Le cabinet KPMG a réalisé fin 2021 une étude pour le compte des associations de conseillers financiers qui est assez éclairante à ce sujet. Plutôt que de parler de frais de gestion, KPMG compare les « Coûts totaux de détention » (CTD). Le cabinet d’étude intègre donc les frais de conseil, payés sous forme d’honoraires, dans les pays où les rétrocessions sont interdites (Royaume-Uni et Pays-Bas notamment). Et là « miracle » les frais de gestion dans l’Hexagone ne paraissent plus si extravagants (voir tableau 1). Pour 500.000 euros investis, KPMG chiffre les frais moyens en France à 2,04 % pour les fonds actions, 1,65 % pour les mixtes et 1,15 % pour les obligataires. C’est très proche des frais pratiqués aux Pays-Bas (respectivement 1,93 %, 1,58 % et 1,58 %) mais beaucoup moins qu’au Royaume-Uni (respectivement 2,51 %, 2,08 % et 2,23 %).
Source : Etude KPMG – novembre 2021
« Lorsque vous intégrez le coût du conseil, la France se situe dans la moyenne de l’Union européenne, insiste Julien Seraqui, président de la CNGP. Payer 2 % de frais annuels pour un produit sans conseil c’est cher, payer 2 % en y intégrant du conseil c’est logique. Tout dépend ensuite de la qualité du conseil. » Et c’est bien de là que vient le problème. La structuration des frais en France et l’intermédiation très forte du marché retail rend la situation compliquée à analyser.
La transparence à tout prix
C’est d’ailleurs pour cela que les acteurs insistent sur l’importance de la « transparence » et que le législateur essaye tant bien que mal de rendre les éléments comparables. En février dernier, le gouvernement a mené une initiative de Place et signé un accord pour rendre les frais du Plan épargne retraite (PER) et de l’assurance vie plus transparents (voir encadré ci-dessous).
Interrogé à cette occasion sur une volonté globale de faire baisser tous les frais de l’épargne, Bruno Le Maire s’était montré prudent considérant qu’il fallait déjà « se concentrer sur le PER et l’assurance vie ». Cependant, du côté de Bercy on ne cache pas, de manière officieuse, que c’est bien le but recherché in fine par l’éxécutif. L’administration peut en plus avoir le sentiment que certains acteurs profitent des avantages fiscaux pour gonfler leurs marges. « Il y a une vraie question sur le partage de la carotte fiscale, confirme Sébastien d’Ornano, président de Yomoni. Le modèle historique de rémunération des banques et des assureurs joue dessus, permettant d’augmenter les marges au détriment des épargnants. »
Accord Transparence
A compter du 1er juin prochain, les assureurs, banques et différents acteurs de l’épargne retraite et de l’assurance vie devront afficher sur leur site un tableau standardisé « simple et lisible » qui regroupera les frais récurrents (frais de gestion des assureurs et des sociétés de gestion) mais aussi les frais non récurrents (versement, arbitrage…). L’objectif est de permettre aux clients de faire une comparaison et ainsi de faire jouer la concurrence pour baisser les frais, que Bruno Le Maire jugeait « excessifs » lors de la présentation de l’accord. Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance ne faisait alors référence qu’aux frais récurrents. Sur les non-récurrents, compris en moyenne entre 0,5 % et 1 %, selon l’estimation de Bercy, il n’avait pas caché son agacement : « Ça fait cher le clic », avait-il lancé, faisant notamment référence aux arbitrages.
Le dirigeant de la fintech salue l’initiative du gouvernement en termes de transparence, convaincu que c’est « un bon pas pour normer les choses ». Il reste cependant convaincu que c’est surtout la manière dont l’information se diffusera, notamment dans les médias et sur les sites de comparaison, qui sera la clef. Difficile de lui donner tort quand on voit l’évolution de nos habitudes de consommation, où la consultation de classements et autres comparatifs sur Internet est devenue quasi automatique avant de faire son choix.
Une vision partagée par Dominique Collot, directrice marketing et communication chez Suravenir : « Nous sommes toujours favorables à plus de transparence sur les frais, d’autant que nous faisons partie des acteurs qui peuvent en profiter, considère-t-elle. Mais nous sommes moins convaincus par l’efficacité de cette nouvelle initiative gouvernementale qui finit par rendre l’information incompréhensible. » Là encore, difficile de la contredire et la quasi-totalité des experts semblent au mieux dubitatifs sur ce tableau unique. Quand on voit la manière dont Packaged retail investment and insurance products (Priips) a complexifié les informations à disposition des clients, on se dit qu’avant la transparence c’est surtout un travail de simplification qui devrait être fait ! « L’excès de transparence finit par créer de l’opacité, regrette Jean-Pierre Grimaud, directeur général du groupe OFI. Quand vous voulez donner beaucoup d’informations avec trop de détails, votre message devient plus diffus. Je crois à la transparence, mais une transparence intelligente. »
Protéger l’épargne des Français
La majorité présidentielle n’a pas été le seul mouvement politique à se saisir du dossier des frais ces derniers temps. Les Républicains n’ont pas été en reste avec de multiples propositions de loi du côté du Sénat. Avec toujours le même objectif : protéger l’épargne des Français.
La dernière en date a été déposée fin mars par Jean‑François Husson (Meurthe-et-Moselle ; LR), rapporteur général de la commission des finances du Sénat et Albéric de Montgolfier (Eure-et-Loire ; LR), son prédécesseur. Les deux sénateurs pointent particulièrement du doigt le marché de l’assurance vie, caractérisé par « une insuffisante concurrence et un niveau élevé de frais pratiqués par les intermédiaires », écrivent-ils dans leur texte. Les élus s’appuient sur un rapport d’information datant d’octobre 2021 et reprenant notamment les chiffres du rapport annuel 2019 sur le coût et la performance des produits d’investissement de détails dans l’Union européenne de l’ESMA, le gendarme financier européen.
Ces chiffres, à l’image de ceux évoqués plus haut de l’étude Morningstar, montrent effectivement un surcoût de l’épargne en France. Le graphique ci-contre, met en exergue le rendement net à 10 ans et 20 ans, frais déduits, d’un portefeuille composite, selon les frais moyens appliqués, pour un investissement initial de 5.000 euros accompagné d’un versement mensuel de 100 euros.
Ainsi, si la moyenne des frais constatés pour les fonds domiciliés au Pays-Bas s’appliquait à la performance brute du portefeuille composite français, l’épargnant bénéficierait d’un gain net de 1.133 euros à 10 ans et de 15.645 euros à 30 ans. Pas négligeable pour un investissement relativement modeste.
Mais ce rapport souffre des mêmes maux que celui de Morningstar, il n’intègre pas le coût du conseil pour parvenir au fameux « CTD » de KPMG. Faut-il pour autant le jeter à la poubelle ? Assurément non et pour une raison simple : la majeure partie du marché est adressée par les bancassureurs et les réseaux de détail. « Il faut distinguer les 10 % de la population de CSP+ qui ont besoin de conseil et pour qui des frais intégrant ce conseil est justifié et la grande majorité qui n’a pas les mêmes problématiques mais qui supportent quand même ces frais », résume Mathias Baccino, qui milite pour que la gestion passive soit la règle pour la plupart des particuliers. C’est pourtant tout l’inverse qui se passe puisque les ETF sont généralement absents sur la banque de détail et n’arrivent qu’à un certain niveau en banque privée.
« La seule justification de l’existence des sociétés de gestion c’est pour les institutionnels et les grandes fortunes. Pour le grand public, cela ne sert à rien », enfonce le dirigeant de Trade Republic France.
Les concepteurs
Les frais d’une société de gestion ne seraient donc pas justifiés ? Si on se place du côté des concepteurs de fonds la réponse est claire. « Une fois les frais de distribution, de tenue de comptes, de dépositaire, ou encore de commissaire aux compte enlevés, que reste-t-il à la société de gestion ? Une, deux dizaines de points de base », calcule Jean-Pierre Grimaud. Sont-ils justifiés ? Chacun a son avis sur la gestion active, mais elle doit bien se rémunérer.
Dans le cas de la gestion non cotée par exemple, la quasi-totalité du marché est alignée sur des frais de gestion de 2 % et une commission de surperformance de 20 % de l’excédent par rapport à un indice de référence. « Avec ces 2 % nous payons les avocats pour faire les deals, les audits, les banques d’affaires, etc. A la fin sur des fonds relativement modestes cela ne fait pas des marges monumentales », assure Jean-Baptiste de Pascal, directeur du développement d’Inter Invest.
Comme beaucoup, il avance les frais de distribution pour expliquer les écarts entre les frais supportés par les institutionnels et les particuliers, mais les juge nécessaires. « On a tendance à tirer à tort sur les frais de distribution, considère-t-il. Sans les CGP et les banquiers privés, les particuliers ne souscriraient pas à nos fonds. Il y a un vrai travail qui prend énormément de temps et de pédagogie et qui doit être rémunéré. » La problématique est évidemment différente selon lui pour les réseaux assurantiels captifs où les abus sont nombreux. « La qualité du conseil d’une banque de détail n’est pas comparable avec celle d’un CGP », insiste Julien Seraqui. Le niveau des frais de conseil pour les grands réseaux est effectivement difficilement justifiable.
« Le problème du système économique bancaire en France est que la banque du quotidien est très peu chère, explique Sébastien d’Ornano. Comme les banques doivent bien se rémunérer quelque part elles le font souvent sur l’épargne. » Pour le dirigeant de Yomoni, ce niveau de frais peut être décourageant pour les particuliers et les détourner des marchés financiers. « Ils finissent par se dire que la prise de risque n’en vaut pas la chandelle », estime-t-il, considérant qu’aujourd’hui, les frais sont le facteur majeur de la destruction de performance. Ajouté à cela une loyauté quasi sans faille des Français à leur banque et vous obtenez un marché de l’épargne finalement assez fermé où les bancassureurs règnent en maître. « Tant que les Français auront peur de leur banquier on ne sortira pas de ce système, regrette Sébastien d’Ornano. Il faut faire marcher la concurrence et sensibiliser les clients aux frais. » C’est à partir du moment où les particuliers prendront conscience de leur pouvoir de négociation que les prix baisseront, à l’image du marché du crédit immobilier au moment de l’apparition des courtiers.
Ce quasi-monopole des bancassureurs est d’autant plus problématique que la diversité des produits proposés par les réseaux est évidemment beaucoup plus réduite que celle d’un conseiller indépendant. Les fonds maisons sont généralement mis en avant, ce qui pose forcément la question du conflit d’intérêt. Les CGP, à de très rare exceptions pour les très gros cabinets, ne conçoivent et ne gèrent pas de fonds et sont donc moins exposés à ces problèmes éthiques. Certains argueront que le montant des rétrocessions peut les pousser à privilégier une société qui les rémunère mieux. « Le médiateur de l’AMF comme celui de l’assurance n’a quasiment jamais été saisi sur ces questions », rappelle Julien Seraqui.
Ce modèle mixte incluant des rétrocessions a d’ailleurs d’autres vertus. « Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas la fin des rétrocessions a exclu une masse très importante d’épargnants qui n’ont désormais plus aucun conseil », indique Jean-Pierre Grimaud, qui concède que le modèle n’est pas parfait mais qu’il fonctionne. Pour l’améliorer, le patron d’OFI AM évoque plusieurs pistes comme un mix plus important entre rétrocessions et honoraires ou la fixation d’un taux maximum sur les commissions.
SCPI : l’incompris
Dans ce monde de l’épargne, tous les produits ne sont pas égaux. Et s’il y en a bien un qui semble mettre tout le monde d’accord sur ses frais exorbitants ce sont les SCPI. Avec des droits d’entrée (ou frais sur versement) dépassants souvent les 10 % et des frais de gestion affichant d’improbables 10 % voire 15 %, il y a de quoi s’interroger. Comment un produit aussi chargé peut-il être aussi répandu, plébiscité par les conseillers et apprécié des épargnants ?
Outre l’appétence sans faille des Français pour l’immobilier il s’explique surtout par une incompréhension majeure sur ses frais de gestion. « La majorité des produits d’épargne affiche des frais sur encours là où les SCPI se rémunèrent à l’entrée sur la souscription et en pourcentage du loyer sur la distribution de résultat », explique David Seksig directeur général et co-fondateur de Remake AM, un nouveau venu dans le monde de la gestion des SCPI, qui a la particularité de ne pas prélever de droits d’entrée mais facture des frais de gestion de 18 % annuels TTC (15 % avec la TVA récupérable). Sur le papier cela semble monumental, dans la réalité c’est plus complexe. « Si votre SCPI offre un rendement immobilier de 5 % et que vous prélevez 10 % de ce loyer, cela correspond en fait à 0,50 % de frais sur encours et donc à un taux de distribution de 4,5 % », détaille-t-il. L’explication est donc là. Une manière de présenter les frais totalement différente du reste du marché. Remis en perspective, les frais de gestion des SCPI ne semblent plus si exubérants.
La rédaction s’est prêtée à un rapide calcul comparatif pour des SCPI avec et sans commissions de souscription. Le résultat, présenté dans le tableau ci-dessous, est particulièrement intéressant. Nous avons pris comme hypothèse de départ un investissement de 1.000 euros, des droits d’entrée de 10 % pour la première SCPI et une commission d’investissement de 4,17 % pour la seconde (c’est ce que facture Remake AM). Pour les frais de gestion nous avons retenu 10 % pour la première et 15 % sur la seconde.
Au bout de 10 ans, en intégrant tous les frais, le montant prélevé est de 145 euros pour une SCPI avec droit d’entrée et de 112 euros pour l’autre. Si on le rapporte à l’investissement initial cela équivaut à 1,45 % pour la SCPI avec droit d’entrée et 1,12 % pour l’autre. On est donc en dessous des 1,8 % avancés par les études pour les fonds actions et les 2 % des fonds non cotés. Et plus les années passent, plus l’écart se creuse. Intéressant quand on sait que la durée de détention moyenne d’une SCPI est de plus de 15 ans…
Comment alors expliquer cette incompréhension sur les frais ? « C’est une question légale, indique Nicolas Kert, président et co-fondateur de Remake AM. Nous n’avons pas le droit d’afficher notre rémunération sous la forme de frais sur encours. Nous militons auprès de l’AMF pour pouvoir le faire mais pour le moment nous n’avons pas eu gain de cause ». Un comble quand on sait que les pouvoirs publics poussent justement pour que les épargnants puissent comparer les frais des produits financiers entre eux…
C’est l’héritage de l’histoire qui explique cette anomalie. Les SCPI sont l’un des plus vieux modèles de placement collectifs. Ils sont apparus en 1964 et ont été encadrés à partir de 1970, à une époque où la transparence sur les frais était inexistante. Ils se sont construits autour de frais d’entrée très importants puis de frais de gestion plus faibles dans le temps par mimétisme avec le marché immobilier en direct. « Cela semblait logique pour un investissement locatif de payer beaucoup au début et peu après, expliquent les deux associés de Remake AM. Surtout que certains frais supportés par les SCPI, comme les droits de mutation, arrivent en début d’investissement. » Dans une industrie où tout semble bien fonctionner, difficile de changer les habitudes.
Des pratiques désuètes
Pourtant, les droits d’entrée, même dans le cas des SCPI, sont désormais remis en cause. « Les nouvelles générations ont du mal à comprendre et à accepter qu’on leur prenne d’entrée de jeu 10 % de leur mise, soulignent les dirigeants de Remake AM. Il faut rendre les SCPI plus accessibles et faire un travail de pédagogie auprès des conseillers. » Car évidemment, une partie des droits d’entrée revient aux distributeurs qui ne sont pas forcément prêts à renoncer au gain immédiat du droit d’entrée. En reprenant les hypothèses de notre précédent calcul, un distributeur, qui récupère environ 60 % des frais totaux, touchera 87 euros au bout de 10 ans pour une SCPI avec droits d’entrée et 67,2 euros dans le cas contraire. Ce n’est qu’après 22 ans que les rémunérations se croisent et que le second modèle devient globalement plus rémunérateur, pour le distributeur comme la société de gestion. Mais l’objectif de Remake AM est aussi de baisser la facture globale pour l’épargnant, au prix d’un petit effort pour le distributeur et le gérant.
Le cas des commissions de surperformance
Il est un sujet qui divise, celui des commissions de surperformance. Plébiscité par les gérants, qui vantent le fameux alignement des intérêts avec leur client, il est souvent perçu comme une couche supplémentaire de frais. « Les institutionnels ont plus l’habitude de ce genre de pratique que les particuliers », confirme Jean-Pierre Grimaud dont la société ne pratique pas les commissions de surperformance pour les investisseurs privés sur l’ensemble de la gamme. « Elles ne sont acceptables qu’en contrepartie de frais courants réellement plus faibles et si elles reposent sur une méthode de calcul simple en high water mark », précise le dirigeant d’OFI AM.
Pour rappel, le principe du high water mark oblige un gérant à battre la plus haute valeur liquidative enregistrée dans l’histoire du fonds (ou dans l’année selon les clauses) avant de pouvoir prélever une commission de surperformance. L’autre point important est évidemment la définition de l’indice de référence à battre.
Cette pratique est particulièrement répandue dans le monde du private equity où une commission de surperformance de 20 % est quasi systématiquement appliquée. « Mon ambition secrète serait de n’avoir que des commissions de surperformance car il n’y a rien de plus vertueux », avance Jean-Baptiste Pascal, qui balaye l’idée selon laquelle ce genre de commissions pourraient pousser les gérants à prendre plus de risques. Il estime que la pratique n’est pour l’instant pas assez répandu en France pour des raisons pédagogiques. « Les particuliers ont du mal à comprendre au départ, mais une fois l’effort d’explication passé ils ont plutôt tendance à nous demander de l’augmenter et de diminuer les frais courants », confie-t-il.
Les droits d’entrée ne sont pas les seules pratiques désuètes. Les frais sur arbitrage, ou plutôt leur montant parfois improbable (0,5 % du montant par exemple) sont aussi très décriés, alors que la technologie permet aujourd’hui de réaliser ces opérations de manière quasi automatique. C’est d’ailleurs pour cette raison que des voix s’élèvent également contre les frais de tenue de compte des banques et de gestion des contrats. « Il faut tout de même souligner que les systèmes d’information des assureurs sont souvent encore très lourds, que les investissements informatiques sont très couteux », rappelle Dominique Collot. A ce titre, la prochaine obligation de demander aux particuliers ses préférences en matière d’investissement responsable dans le document de connaissance client (KYC) ne devrait pas arranger les choses.
Alors les frais de l’épargne en France sont-ils trop élevés et surtout justifiés ? Difficile de répondre avec précision tant les écarts entre les acteurs sont importants et les situations différentes selon que l’épargnant ait besoin de conseil et de qui il le reçoit. Une chose est aujourd’hui quasi certaine. Sous l’impulsion des nouveaux acteurs, de la montée en puissance des ETF et du sentiment global que oui les frais de l’épargne sont, en moyenne, trop élevés, ils sont amenés à baisser à l’avenir. Cela ne se fera qu’à partir du moment où les épargnants prendront conscience de leur pouvoir de négociation face aux banques et à condition qu’ils acceptent de vraiment valoriser le conseil. Car l’importance du conseil est réelle et ne doit surtout pas être sacrifié sur l’autel de la guerre des frais.
(1) Toutes enveloppes confondues et toutes parts confondues.