Produits patrimoniaux

Dix ans d’accélération sans précédent de l’innovation financière

Les techniques utilisées dans les différentes enveloppes n’ont cessé de se multiplier depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000 - L’offre produits s’est extrêmement diversifiée et la notion de risque supporté par l’épargnant est devenue déterminante dans les choix d'investissement.

GESTION COLLECTIVE

En une décennie, c’est une véritable révolution qu’a connue la gestion collective en France. Non seulement les encours ont quasiment doublé pendant cette période, passant de 1.447 milliards d’euros gérés en 2001 à près de 2.700 milliards fin 2010, mais la diversité des produits offerts aux investisseurs a considérablement augmenté.

Les deux crises vécues par les marchés d’actions sont-elles la cause de cette course à l’innovation à laquelle se sont livrés les gérants dans les années 2000 ? C’est probable, mais les développements récents de l’industrie sont aussi la conséquence de la mise en pratique des théories financières complexes développées par le monde académique pendant dans les années 50 pour ce qui est de la construction de portefeuilles et, plus tard dans les années 70, pour les produits dérivés.

Stock-picking.

L’an 2000 a marqué un changement dans l’évolution des marchés boursiers. Après une période de hausse ininterrompue des actions, la situation change radicalement. Les fonds investis sur les valeurs technologiques s’effondrent et le choix de valeurs (le stock-picking) devient un argument déterminant pour les gérants essayant de se différencier. C’est l’avènement, pour les particuliers et les conseillers en gestion de patrimoine indépendants, des sociétés de gestion entrepreneuriales, avec des gestionnaires très libres dans leurs paris et s’écartant des indices.

La Financière de l’Echiquier, Tocqueville (racheté depuis par La Banque Postale AM), Richelieu (entré dans le giron de KBL) ou Carmignac Gestion (lire p. 2) deviennent incontournables. Si certains, comme ce dernier, restent plébiscités, d’autres sont devenus aujourd’hui un peu moins prisé des investisseurs. Il faut dire que depuis plusieurs années, les mathématiques et la gestion systématique ont pris une place de plus en plus importante - même si ces derniers temps, mettre en avant l’humain et le discrétionnaire redevient à la mode dans la gestion.

Structurés.

Parallèlement à ces gestions simples se développe aussi une offre constituée de produits beaucoup plus complexes : la baisse des marchés a en effet fait prendre conscience aux investisseurs - souvent douloureusement - qu’ils pouvaient perdre une partie, voire la quasi-totalité de leur capital investi. Les fonds structurés garantis - ou à capital protégé - ont alors fait leur apparition. A l’origine, ces produits n’offraient qu’une partie de la performance d’un indice ou d’un panier d’actions et garantissaient, contre cette exposition seulement partielle aux marchés, le capital à échéance de trois ou cinq ans.

Depuis, l’offre s’est extrêmement complexifiés avec des formules parfois difficiles à comprendre pour les investisseurs.

Gestion cœur-satellite.

Autre conséquence du retournement des marchés en 2000, les investisseurs - d’abord institutionnels - ont commencé à dissocier les produits selon leur niveau de risque, et plus seulement selon la classe d’actifs à laquelle ils appartenaient. Ainsi, un gérant très proche de son indice de référence avait plutôt vocation à appartenir au cœur de portefeuille, tandis que les gérants beaucoup plus éloignés de ces indices, sur des classes d’actifs atypiques ou présentant des styles de gestion atypiques, restaient dans une partie plus satellite des allocations.

Cette classification cœur-satellite a évidemment favorisé l’essor des ETF ou trackers, des fonds suivant au plus près les indices, dont les actifs sont passés d’un peu plus de 100 milliards de dollars en 2001 à plus de 1.300 milliards de dollars en 2010.

Alternatif.

Si les allocations de cœur de portefeuille sont restées majoritaires chez les institutionnels, les fonds satellites ont aussi connu un essor notable. Et parmi eux, les fonds de gestion alternative ou hedge funds. Alors que cette industrie avait connu ses premiers déboires en 1998 avec la faillite du fonds LTCM, la gestion alternative s’est aussi fortement développée dans le monde. D’abord surtout cantonnée à des fonds global macro (dont les orientations de gestion étaient conditionnées par de grandes visions macroéconomiques) et des fonds de long/short (utilisant les techniques de vente à découvert), les gestionnaires ont ensuite proposé de nombreuses techniques de gestion dont l’objectif principal était de d'offrir une performance absolue décorrélée des marchés financiers, et principalement des marchés d’actions.

Aujourd’hui, après l’assimilation de la gestion alternative à la fraude du gestionnaire Madoff et la crise de liquidité de 2008, la gestion alternative a moins le vent en poupe. Mais ces techniques, loin d’avoir été abandonnées, ont gagné la gestion classique puisque la réglementation Ucits III sur les OPCVM leur permet d’être exploitées dans de nombreux produits traditionnels.

Vague verte.

La reprise des années 2003 à 2006 a aussi vu se développer le concept de gestion durable. Même les fonds d’investissement socialement responsables restent encore dans une logique d’offre. Les institutionnels comme les particuliers peinent encore à se positionner de manière très franche sur ces produits mais le nombre de fonds verts ou ISR proposés a considérablement augmenté ces dernières années. Evidemment, le repli de 2007 a quelque peu freiné la croissance de ce marché encore en début de vie.

Fonds d’allocation.

Dernière tendance en date : le développement de fonds d’allocation active. Alors que pendant les années 90, les fonds diversifiés composés d’actions et d’obligations n’arrivaient pas à séduire les investisseurs, la dernière crise boursière a remis en exergue les bienfaits de l’allocation. De nombreux gérants ont alors proposé des fonds actifs dont l’exposition aux actions pouvait varier parfois entre 0 et 100 %.

Capital-investissement.

Créés en 1997, les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) totalisaient, en 2001, 503 millions d’euros de collecte avec 27 fonds. Près de dix ans plus tard, le niveau de collecte est resté stable, avec 520 millions d’euros levés, mais avec un nombre de véhicules multiplié par plus de deux (58 fonds commercialisés en 2009). Sur la période 1997-2009, plus de 300 FCPI ont ainsi levé 5,5 milliards d’euros, avec un plus haut en 2007 (784 millions d’euros levés par 40 fonds). Les premiers FCPI ont été liquidés depuis deux ans avec des performances variant de -98 % à +38 %.

Lancés en 2003, les fonds d’investissement de proximité (FIP) ont pour leur part connu un développement rapide jusqu’en 2008 avant de s’essouffler légèrement en 2009. Au total, 178 FIP ont été créés et 1,84 milliard d’euros ont été levés.

La création de dispositifs de FIP et FCPI ISF en 2007 a modifié en profondeur le marché car d’une campagne de commercialisation par an, en fin d’année, les professionnels sont passés à deux campagnes par an. Si le nombre de produits a fortement augmenté, les volumes collectés ont eu tendance à stagner, notamment du fait de la concurrence des holdings qui ont connu un fort succès.

L’harmonisation des dispositifs IR et ISF et le durcissement du régime des holdings devraient clarifier le marché. Cependant, reste à savoir quelles conséquences auraient une éventuelle suppression, ou tout du moins une réduction de l’assiette de l’ISF.

PIERRE PAPIER

La capitalisation des SCPI a atteint près de 21 milliards d’euros en 2010, un record. C’est deux fois et demie de plus qu’il y a dix ans.

Refonte du marché des parts.

Après avoir été divisée par deux entre 1993 et 1998, la capitalisation globale des SCPI s’est ressaisie dans les années 2000, augmentant de manière continue jusqu’à aujourd’hui. C’est donc un nouvel essor qu’a connu ce véhicule d’investissement depuis dix ans. Son stimulus ? La loi du 9 juillet 2001, entrée en vigueur en septembre 2002, qui a permis de supprimer la notion de prix conseillé (1) au profit de la notion de prix d’exécution (2), refondant ainsi complètement le marché des parts de SCPI à capital fixe jugé jusqu’alors trop peu liquide. « Les prix ont alors été fixés par libre confrontation de l’offre et de la demande » , explique Daniel While, analyste à l’IEIF. Vint ensuite le décret de janvier 2003 assouplissant les contraintes de gestion en matière d’arbitrages d’immeubles et de travaux.

Des banques aux CGPI.

Dominée par les réseaux bancaires, la distribution des SCPI a changé de main au début des années 2000. Les conseillers en gestion de patrimoine indépendants ont en effet contribué au redémarrage du produit et, depuis une décennie, soutiennent la collecte totale à hauteur de 55 % en moyenne. Les banques restent les plus présentes sur les SCPI fiscales, mais celles-ci représentent à ce jour moins de 10 % de la capitalisation totale du secteur - soit 1,5 milliard d’euros - et entre 10 % et 20 % de la collecte totale, excepté en 2009 où elles dépassent les 50 % et en 2010 où elles devraient approcher les 40 %.

Les groupes bancaires avaient misé sur un autre véhicule, l’OPCI grand public, pour remplacer la SCPI. « Une chose est claire, cela ne s’est pas fait et il est probable que cela ne se fera pas », signale Daniel While, n’excluant pas un retour des banques sur le marché des SCPI non fiscales dans les années à venir. « Imaginez ce que pourrait être la collecte si les réseaux bancaires et assurantiels réinvestissaient massivement ce marché », déclare-t-il.

Les SCPI et la crise.

C’est en 2007 que la collecte bat son plein, avec 1,4 milliard d’euros, un record. Puis vient la crise financière et immobilière. Ses effets ne tardent pas à se faire sentir : la commercialisation des SCPI chute de 37 % en 2008 et 2009 par rapport 2007. La promotion 2010, en revanche, s’annonce plutôt bien, 2 milliards d’euros étant anticipés.

ASSURANCE ET PRÉVOYANCE

Elles étaient parées de toutes les vertus : performance à long terme, diversification… Elles devaient tout logiquement ringardiser le fonds en euros, dont les rendements s’effritaient déjà il y a dix ans (5,3 % en moyenne sur l’année 2000, contre 3,30 % en 2010 selon les chiffres de la profession). Dix années se sont écoulées, et les unités de compte (UC) ont loin d’avoir réalisé le parcours promis. En 2000, et sur cette seule année, leur part dans la collecte totale dépassait les 40 %, soit 38,9 milliards d’euros. En 2010, cette part atteint péniblement les 13 % pour un montant de 19,1 milliards.

Des fonds profilés…

La crise des années 2000 a vite montré les limites des fonds profilés dont les orientations de gestion se sont vite retrouvées en porte à faux avec les discours de nombreux commerciaux. L’assuré peut comprendre qu’il encaisse une baisse sur des profils dynamiques mais il admet difficilement de perdre de l’argent sur un profil prudent comportant, ce qu’il pouvait ignorer, une part en actions. En 2009, la collecte sur les supports profilés s’est élevée à 1,9 milliard d’euros, soit 11 % de la collecte en UC.

… aux options de gestion…

Plutôt que de vendre des profils, mieux vaut commercialiser des options de gestion. Le concept plus en phase avec le développement de l’architecture ouverte des contrats d’assurance vie. Auparavant réservée au très haut de gamme et aux indépendants, l’architecture ouverte s’est généralisée assez vite sur la période, notamment dans les réseaux bancaires. L’objectif des options de gestion est simple : donner au client le sentiment que son épargne n’est pas statique mais qu’elle s’adapte à la vie des marchés. Sécurisation des plus-values, arrêt des moins-values, absolu ou relatif, dynamisation des plus-values, investissement progressif, maintien de l’allocation initiale et, depuis peu, retour automatique sur les marchés mis en place par Skandia. Ces options peuvent avoir un coût plus ou moins important selon les contrats. Elles ont été très en vogue entre la fin de la crise des technologiques, mi-2003, et le début de celle des subprimes en 2008. Depuis, elles sont beaucoup moins vantées.

… et mandats d’arbitrage.

Pour le haut du panier, les options de gestion laissent leur place aux mandats d’arbitrage (les mauvais élèves parlent de mandat de gestion, oubliant au passage l’interface assurance). La technique s’est elle aussi généralisée et surtout structurée, la période des dix dernières années ayant vu la disparition des UC composites et des fonds dédiés sous l’impulsion du corps de contrôle. Les contrats français peuvent donc faire l’objet d’un suivi personnalisé dans un environnement théoriquement sécurisé. Il en est de même pour les contrats luxembourgeois qui utilisent le principe du fonds interne. Certains spécialistes offrent sur la place des solutions intéressantes via leur filiale implantée au Grand Duché et travaillant en France en régime de liberté de prestation de services ou encore de liberté d’établissement.

Dernière variante, enfin, pour maintenir les encours en UC : la gestion conseillée. Les compagnies sembleraient avoir l’intention de la propulser sur le devant de la scène. L’objectif à peine voilé est de redonner la main aux clients déçus par les résultats de leurs gérants après la débâcle financière de 2008.

Fonds en euros.

1.098 milliards de provisions mathématiques, sur un total de 1.307 milliards à fin 2010, correspondent aux fonds en euros. Jeunes et moins jeunes, particuliers modestes comme les plus aisés, et ils ne sont pas les derniers curieusement, se l’arrachent ou à tout le moins se le sont arraché avant que le contrôleur et les pouvoirs publics n’interviennent mi 2010 pour fixer des bornes aux taux garantis. Le succès du fonds en euros est embrassant. D’abord parce que les rendements nets de prélèvements sociaux et d’inflation ne sont guère attrayants, même en tirant les frais au maximum, ensuite parce que les futures contraintes de solvabilité s’accommodent mal avec la marque de fabrique du fonds en euros, à savoir sa garantie absolue liée à l’effet de cliquet.

Sortir du fonds en euros.

La cure de désintoxication va être difficile pour les assurés. Depuis des années, le fonds en euros est vendu comme un super livret à versements et retraits libres. A présent, il va falloir caler le discours sur une approche de long terme, et ce n’est pas gagné.

Parmi les échappatoires figurent les fonds garantis. A condition d’être présentés honnêtement (publicité) et vendus correctement (devoir de conseil), de ne pas avoir pour unique finalité de servir de tiroir caisse aux producteurs et aux distributeurs et d’être structurés conformément à la recommandation de l’autorité de contrôle, ces supports peuvent apporter une réponse intéressante dans le cadre d’une construction patrimoniale. Fin 2009, l’encours des fonds à formule et à capital garanti s’élevait à 51 milliards, après une collecte sur l’année qui a atteint 4,8 milliards. Mais les fonds garantis ne sont pas les seuls. D’autres formules jouent des coudes pour émerger : l’eurodiversifié - qui puise ses origines dans la loi portant réforme des retraites de 2003 - et les variables annuities.

Retraite et prévoyance.

En retraite, le marché avance à son rythme. Les produits aussi, ballotés au gré des législations et doctrines fiscales et sociales (surtout pour les contrats collectifs de retraite) qui prennent et reprennent les avantages qu’elles ont auparavant accordés. En 2009, les cotisations de l’ensemble des formules se sont élevées à un peu plus de 12 milliards d’euros, dont 8 milliards en entreprise.

De la loi de 2003 portant réforme des retraites, on retiendra avant tout le lancement du Perp. Un très bon produit de long terme, avec une gouvernance certes un peu lourde, et dont les résultats ne sont pas aussi mauvais que certains observateurs le laissent penser. Le Perp fait son chemin, parmi les contribuables importants, ce qui est tout à fait logique compte tenu de la nature de son avantage fiscal (fin 2009, le montant des provisions mathématiques des Perp était de 5,33 milliards d’euros). Le Madelin, de son côté, avec 16 milliards de provisions mathématiques fin 2009, tient bien le cap.

Tous ces produits se sont calés sur les contrats d’assurance vie dans leur approche multisupport, mais ils restent globalement plus sobres en matière de techniques de gestion. Il convient à présent d’élargir leur diffusion, notamment auprès des TPE/PME avec, pour les réseaux traditionnels d’assurance, la question centrale autour de la rémunération.

Quant à la prévoyance, le marché est, comme à son habitude, discret. Mais il fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. La réforme de l’assurance emprunteur, qui conduit à une meilleure approche comparative des garanties et par ricochet des exclusions des contrats, va pousser à sa modernisation. L’histoire en prévoyance est à écrire. Les CGP y seront présents ces prochaines années ou ne le seront pas. 

(1) Prix basé sur une valeur d’expertise.(2) Prix déterminé par rapprochement des ordres d’achat et de vente.