
Des conseillers financiers bons pilotes dans la crise

Les conseillers financiers ont été largement observés depuis neuf mois. Sur la façon dont ils ont maintenu le lien avec leurs clients, comment ils les ont accompagnés dans leur volonté de profiter des opportunités liées aux excès de marchés, ou à l’inverse, de se protéger des fortes variations de cours... Si ces interrogations ne sont plus vraiment de mise, il reste cependant à savoir comment ont évolué la structure de risque et l’allocation de leurs portefeuilles types durant la crise. Selon le baromètre élaboré par l’équipe Solutions de Natixis Investment Managers International dans le cadre de son service « Portfolio Clarity », les conseillers se sont montrés fins tacticiens. « Surtout, ils ont moins réagi à la pression de leurs clients et n’ont pas eu de réaction émotionnelle comme par le passé », analyse Julien Dauchez, head of consultants au sein du Portfolio Research and Consulting Group de Natixis Investment Managers. Ce que confirme Aurélia Lovadina, Head of French Retail & Smid Wholesale Fund Distribution : « la crise étant sanitaire, leurs clients se sont montrés plus sereins et plus à la recherche d’opportunités, ce qui préfigure également une évolution des mentalités… ». Pourtant, la hausse de la volatilité a été brutale, forte (voir ci-contre) et surtout, n’a épargné aucun portefeuille. Qu’ils soient profilés « Prudent » ou « Équilibré », la hausse intervenue à partir du premier confinement a été plus que proportionnelle depuis le début de l’année, relève l’étude. Cette situation s’est traduite par une plus grande dispersion des portefeuilles, mais a également confirmé la hiérarchie du risque entre classes d’actifs. La dispersion augmente ainsi à mesure que le profil de risque s’élève. « L’écart interquartile de volatilité des portefeuilles dynamiques – c’est-à-dire l’écart moyen de volatilité entre les 25 % des portefeuilles dynamiques les plus volatiles et les 25 % des portefeuilles dynamiques les moins volatiles - s’établit à 4 % » détaille le baromètre. « En revanche, l’écart interquartile de volatilité n’est que de 2,5 % pour les portefeuilles prudents », note-t-il encore.
Pilotages et stratégies de crise
Cette année, le baromètre a tenté d’analyser l’évolution de l’allocation des portefeuilles types au cours de l’année. Pour quel résultat ? Pour le portefeuille type Prudent - en excluant de l’étude le fonds en euros – l’évolution n’est pas marquante. La sécurité est restée le leitmotiv et le cas échéant, les ajustements dans le but de gagner en rendement se sont traduits par une légère augmentation de la duration de la poche de crédit européen et de la part des fonds d’obligations à Haut Rendement.
Changement de décor en revanche avec le portefeuille « équilibré » qui par nature est plus diversifié. Au sein même des classes d’actifs, l’étude a relevé une plus grande « agilité » et dans la construction du portefeuille, des changements importants sont intervenus. Les conseillers financiers ont repris la main, privilégiant désormais une approche par brique « pure » de risque, au détriment des fonds patrimoniaux. En outre, « une augmentation tactique de l’allocation Actions a été constatée dans le creux de la première vague de Covid, fin mars, avec un biais prononcé vers les fonds d’actions internationales de croissance, les fonds sectoriels (technologie, santé), et surtout les fonds thématiques », note le baromètre. « Ces derniers s’inscrivent clairement dans une construction d’avenir, où le rôle et l’intérêt des actions semblent encore plus nettes », reconnait Julien Dauchez. « Cela confirme aussi leur emprise dans la construction des portefeuilles, note le responsable. Autre élément remarquable : les fonds ESG. Ils ont été plébiscités, tant pour leur bonne tenue dans des marchés chahutés que pour leurs performances extra-financières ».
Dans la poche obligataire, les fonds d’obligations d’entreprise notées « Investment Grade » ainsi que des fonds d’obligations internationales, favorisés par la baisse du coût de la couverture en euros des titres libellés en dollars, ont vu leur présence s’accroître dans l’année. A noter également un regain d’intérêt pour les fonds high yield ainsi que pour les fonds de dette émergente. En revanche, l’appétence pour les fonds de dette privée et les stratégies moins liquides, même si elles permettent d’envisager un meilleur rendement, est restée faible. « En dépit de leurs rendements nettement plus élevés qui ont séduit depuis longtemps les institutionnels, les conseillers ne parviennent pas, essentiellement pour des questions opérationnelles et de liquidité, à convaincre leurs clients. Des offres reposant sur des FCPR ou des FCPI commencent toutefois à émerger dans les portefeuilles que nous analysons », admet Julien Dauchez. « C’est clairement le sens de l’histoire », insiste Aurélia Lovadina tout en reconnaissant que leur présence dans les patrimoines, reste encore élitiste.
En ce qui concerne le portefeuille type Dynamique, l’évolution de la composition en 2020 a également mis en évidence l’intérêt en cours d’année pour les fonds thématiques. « Leur rebond a été beaucoup plus rapide que le CAC40 », relève Julien Dauchez. « Parmi ces fonds, ceux investis dans la robotique ou reprenant le thème de l’eau ont été recherchés, ainsi que ceux accompagnant l’évolution des modes de vie », explique-t-il encore. A noter que les actions chinoises ont aussi bénéficié d’un regain d’intérêt dans les portefeuilles. Selon les conseillers financiers, la Chine semble bien placée pour tirer profit des plans de relance.
Quelle allocation ?
Si les conseillers financiers ont su naviguer, il n’en reste pas moins qu’ils s’interrogent sur la place des différentes classes d’actifs. A commencer par le rôle à donner à leur allocation obligataire. A juste titre. « Sur un portefeuille type Equilibré, une allocation obligataire d’environ 40 % à fin septembre 2020 n’aurait contribué qu’à hauteur de 5 % de la performance totale du portefeuille sur les trois dernières années », explique Natixis IM Solutions. En outre, les poches obligataires sont traditionnellement utilisées dans la construction de portefeuilles au titre de la diversification pour contrebalancer les turbulences des marchés boursiers. Ce que le niveau des taux bas ne leur permet plus désormais. « Ce constat justifie que certains conseillers financiers vont désormais chercher de la protection dans d’autres actifs. Notamment de l’or, qui est aussi utilisé contre le risque de débasement des grandes devises », recense Julien Dauchez. Aurélia Lovadina voit également dans ce comportement la traduction de la recherche d’alternatives au fonds en euros.
Côté actions, les conseillers financiers se trouvent aussi à un carrefour. Leur part principalement constituée de titres européens doit-elle être réduite, maintenue ou augmentée ? Des conseillers financiers ont bien pris leurs profits, notamment dans le secteur technologique, mais les comportements ne sont pas homogènes, prévient l’enquête. Certains secteurs ont fortement rebondi pendant la crise, tandis que d’autres se sont enfoncés. En outre, les actions dites de croissance semblent correctement valorisées par rapport aux obligations, tandis que d’autres, notamment dans le style « value » et dans les petites capitalisations présentent des opportunités attrayantes. La sélection de titres revient ainsi sur le devant de la scène. Contrairement à l’an passé où il était payant d’être « dans l’indice » un plus grand discernement est de rigueur désormais. Pour ce faire, il semble que les conseillers financiers se tournent vers des gérants spécialisés et poursuivent leur diversification. « Mais entre des taux d’intérêt bas qui ne permettent plus à la poche obligataire d’offrir un rendement intéressant, et à l’opposé des actions bien valorisées, les conseillers financiers sont à la recherche de stratégies de risque intermédiaire », expose Julien Dauchez. « Certes, nous n’en sommes qu’aux prémices mais des stratégies alternatives liquides telles que le CTA ou la Relative Value pourraient bénéficier d’un retour en grâce », relève-t-il encore. Dans ce contexte, la gestion active sera en haut de l’affiche en 2021.