Deliveroo fait du tort aux introductions en Bourse

Olivier Pinaud
Montré en exemple par Londres, le groupe de livraisons de repas a chuté de 26% pour son premier jour de cotation.
(Max Pixel)

Pour le ministre des Finances britannique, Rishi Sunak, qui avait fait de l’introduction en Bourse (IPO) de Deliveroo à Londres une vitrine pour la City, la chute de 26% de l'action du groupe de livraisons de repas pour son premier de cotation hier mercredi ne lui crée aucun embarras. «Les actions montent, les actions baissent…», a relativisé le ministre sur ITV, en rappelant, à juste titre, que Facebook avait lui aussi connu des débuts boursiers difficiles avant de devenir l’une des dix plus grandes capitalisations boursières au monde.

Pourtant, le dérapage de Deliveroo tombe mal au moment où la City défend son attractivité après le Brexit. La success story vantée par Rishi Sunak devait inciter d’autres sociétés de technologie à se coter au London Stock Exchange (LSE), plutôt qu’à New York, voire à Amsterdam. Les autorités ont même modifié les règles de cotation pour séduire plus d'entreprises. Désormais, les groupes ayant plusieurs classes d’actions, comme c’est le cas pour Deliveroo, sont acceptés sur le marché Premium du LSE.

Cette double classe d’actions, critiquée par les grands investisseurs en raison du surplus de pouvoir qu’elle donne aux dirigeants-actionnaires des entreprises, peut expliquer la méfiance du marché envers Deliveroo. Will Shu, le fondateur du groupe, ne détient que 6,3% du capital mais dispose de 57,5% des droits de vote. Les interrogations sur le modèle social du groupe ont également pu peser.

Plusieurs grandes sociétés de gestion avaient prévenu qu’elles ne participeraient pas à l’IPO de Deliveroo laissant ainsi une plus grande place aux hegde funds dans le carnet d’ordres. Or, ce type d’investisseurs n’hésite pas à vendre les actions en quelques minutes si le cours de Bourse ne suit pas la tendance espérée.

En plus de questions sur sa valorisation, Deliveroo a aussi pu payer un mauvais timing : «Les investisseurs s’écartent des secteurs liés au confinement ou au télétravail pour aller vers ceux qui profiteront des plans de relance. Deliveroo est arrivé dans cette rotation et sera peut-être la dernière IPO du monde Covid», a expliqué à Reuters Fabian de Smet, responsable de la banque d’investissement de Berenberg.

En dépit de ces spécifités, la chute de Deliveroo sonne comme une alerte pour tous les candidats à la Bourse alors que jusqu'à présent toutes les IPO de plus de 500 millions d'euros réalisées en Europe depuis le début de l'année avaient fini dans le vert lors du premier jour de cotation. Les liquidités sont là. Mais les investisseurs sont de plus en plus exigeants.